vendredi 23 juin 2023

"Ça vaut le coup de se battre" : à Amiens, des ados en souffrance retrouvent espoir grâce à un programme

"Ça vaut le coup de se battre" : à Amiens, des ados en souffrance retrouvent espoir grâce à un programme

Amiens  De Jeanne Daucé
Jeudi 22 juin 2023 à 16:34 Par France Bleu Picardie  francebleu.fr

Le Centre Ados Post-crise a été créé en mars 2023 à l'EPSM de la Somme, ex-centre hospitalier Philippe Pinel. 38 ados anxieux, en décrochage scolaire ou avec des idées noires, ont été suivi dans le programme : beaucoup retrouvent confiance, voire ont repris le chemin de l'école.

  Au CAP, deux-tiers des jeunes pris en charge ont des idées ou gestes suicidaires, le tiers restant souffrent de troubles anxieux.
Comment venir en aide aux ados en souffrance ? A Amiens, à l'EPSM de la Somme - ex centre hospitalier Philippe Pinel - une cellule vient en soutien aux ados de 12/18 ans, qui souffrent d'une grande anxiété ou ont eu des idées ou gestes suicidaires. Ce dispositif, le Centre Ados Post-crise - le CAP -, s'adresse aux jeunes qui ont besoin d'être suivis après une hospitalisation ou en complément d'un suivi avec un pédopsychiatre, sur maximum 12 semaines. Trois mois après le lancement, 38 jeunes ont été pris en charge, avec des bilans très positifs.

Retour en cours et anxiété mieux maîtrisée : "Je suis fière de moi"

Candice, 17 ans, est déscolarisée. A raison de trois demi-journées par semaine au CAP depuis deux mois, elle retrouve confiance en elle : "Cela me fait beaucoup de bien de voir du monde : ici tout le monde a sa place, personne n'est laissé de côté, détaille la jeune fille. Moi qui ai peu confiance en moi, ça me fait beaucoup de bien : c'est bien de pouvoir exister". Première victoire pour Candice, elle doit retrouver les bancs du lycée en septembre : "J'ai très hâte de reprendre, surtout que je dois décrocher mon bac pour faire des études et devenir anthropologue", conclut la jeune fille.

Une de ses camarades de 15 ans, qui tient à rester anonyme, explique reprendre espoir aussi : "Le stress, le mal-être font tellement partie de moi que je ne sais pas ce que c'est que d'aller bien... Ici, je progresse beaucoup : j'ai de l'anxiété sociale, mais je parle aux gens plus facilement par exemple. Je suis fière de tout ça".

Cette jeune fille en profite pour lancer un message d'espoir : "On m'a toujours dit que j'exagérais sur mon mal-être : que j'avais pas à me plaindre parce que il y a un toit au-dessus de ma tête, j'ai de quoi manger. Mais on a tous le droit d'aller mal, d'avoir des émotions négatives ! insiste cette ado de 15 ans. Quand ça va vraiment pas, il faut demander de l'aide : ça vaut le coup de se battre, on est jamais seuls".


Des professionnels supplémentaires embauchés... et espérés

Au CAP, deux-tiers des jeunes sont accueillis pour des idées ou gestes suicidaires ; le tiers restant, pour des troubles anxieux. Ce n'est pas une hospitalisation : les jeunes sont accueillis sur une ou plusieurs demi-journées par semaine, et participent à des ateliers de cuisine, de bien-être, d'art... tout pour conquérir une confiance, prendre soin d'eux, s'affirmer.

"On fixe les objectifs ensemble, explique le Dr Ugo Pace, pédopsychiatre. Cela peut être soit lâcher-prise, soit apprendre à ne pas se faire du mal quand il y a des débordements émotionnels. On se met d'accord dans une sorte de contrat avec le jeune, ses parents et l'équipe du CAP : puis on fait un point à mi-parcours, pour voir si on continue, si on arrête." Grâce à cette prise en charge, ces professionnels estiment avoir évité une dizaine d'hospitalisations depuis début mars.

Le psychiatre travaille avec une thérapeute familiale, un binôme infirmier-éducateur, une psychologue, un cadre de santé qui gère les équipes. La thérapeute familiale organise depuis peu des groupes de paroles avec les parents des jeunes suivis au CAP : "Il y a des échanges, de l'entraide, explique Bérangère Proyart. *Les parents sont démunis face à ce qui se passe avec leurs enfants : là, ils peuvent dire **'***Je ne sais pas comment réagir quand ma fille me claque la porte au nez', par exemple ; *et les autres parents peuvent répondre : '*Moi dans ce cas, je laisse retomber un peu et j'amorce le dialogue ensuite'. Tout ça se fait sans jugement".

Pour l'heure, le centre accueille environ 7 jeunes par demi-journée ; mais l'idéal serait d'avoir une capacité de 15 ados par demi-journée. "Pour ça, un deuxième binôme infirmier-éducateur va arriver en septembre, explique Frédéric Vézinhet, cadre de santé. Ce binôme ira directement à la rencontre des jeunes en souffrance chez eux, dans toute la Somme". L'équipe ambitionne aussi d'embaucher un troisième binôme d'ici la fin 2023, pour développer son action, et notamment faire de la sensibilisation auprès des écoles.

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