lundi 10 octobre 2022

Face aux suicides en gare, des réactions parfois inhumaines.

Seine-et-Marne : Face aux suicides en gare, des réactions parfois inhumaines.

rappel infosuicide.org : 31 14 ligne nationale de prévention du suicide


Chaque année, plusieurs « accidents de personnes » impactent le réseau ferroviaire francilien. Des drames qui occasionnent des réactions souvent raisonnées, mais aussi démesurées.
  Illustration – La SNCF estime que les conséquences des accidents de personnes impactent chaque année « des millions de voyageurs » ©L’Eveil Normand

Par Maxime Berthelot Publié le 6 Oct 22 La République de Seine et Marne
 
« Allez mourir chez vous ! Connard, salopard (sic), pense à tes enfants ! » La scène a de quoi choquer. Fin juillet 2022, une vidéo publiée sur les réseaux sociaux (et retirée depuis) a rappelé que la situation dramatique d’une personne sur le point de se suicider n’est visiblement pas de nature à émouvoir tout le monde.

Sur les images, un homme, couché sous un train en gare de Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne), attend que ce dernier redémarre. Il est alors pris à partie par plusieurs voyageurs présents sur le quai, avant de finalement se relever et quitter les lieux. Une partie des témoins le filme, le couvre d’insultes, mais ne semble pas lui porter assistance.

Reprise sur la toile, la vidéo est immédiatement commentée par des internautes protégés par leur anonymat : « Fallait lui cracher dessus (sic). On est en retard à cause d’eux. Ils ne peuvent pas prendre une plaquette de Xanax ? », « Être malheureux ne vous donne pas le droit de faire chier le monde hein ».

À bord des trains, la tolérance n’est pas non plus la mère de toutes les vertus. Ancien conducteur sur le réseau Transilien, en Ile-de-France, Louis* témoigne : « Un jour, j’ai expliqué à mes passagers qu’on était arrêté car une personne voulait se suicider. A partir de là, certains voyageurs ont voulu ‘lui casser la gueule’. Une femme d’une cinquantaine d’années m’a même lancé : ‘Tuez-le, on s’en fout, j’ai la nounou qui attend à la maison’… », confie celui qui note que « les Franciliens sont pressés, veulent sortir rapidement du train, ce qu’on ne retrouve pas en province ».

Prévention et formation pour les agents SNCF

Ce genre de comportements, odieux et inexcusable, peut dans certains cas être sanctionné par la justice (lire encadré ci-dessous). Il témoigne aussi de l’impact matériel et psychologique de ce type de drames qui, lorsqu’il survient, paralyse le réseau ferroviaire pendant plusieurs heures et traumatise à vie les personnes y ayant assisté.

En première ligne, le personnel SNCF, les pompiers, les forces de l’ordre et tous les témoins. Outre l’impact psychologique sur les agents, voyageurs et secours, ces accidents ont des conséquences directes sur l’exploitation ferroviaire et la circulation des trains. « L’interruption des circulations pour permettre l’enquête de police judiciaire, se traduit par des trains retardés ou supprimés et donc des millions de voyageurs impactés chaque année », explique la SNCF.

Pour prévenir ces accidents et limiter les conséquences pour l’exploitation du réseau, le groupe SNCF mène de nombreuses actions concernant la règlementation, le traitement opérationnel des incidents, ou encore les innovations dans la prévention des accidents de personnes. « Nous menons des expérimentations et actions avec Île-de-France Mobilités », précise-t-il.Vidéos : en ce moment sur Actu

Transilien SNCF a par exemple renouvelé en 2022 sa convention avec l’Union nationale de prévention du suicide (UNPS), afin de développer des opérations de communication auprès du grand public et des voyageurs des transports, des actions de formation et sensibilisation du personnel ferroviaire, mais aussi du conseil de la part de l’UNPS à Transilien SNCF en matière de support de communication.

« Avec l’UNPS, on a mené des sessions de sensibilisation au risque d’accidents de personnes pour les agents en gare, conclut la SNCF. L’objectif de Transilien est de multiplier ces sessions avant de les intégrer à la formation de base de ses salariés. »

Maxime BERTHELOT avec William LACAILLE

*Le prénom a été changé

Quid de la notion de non-assistance à personne en danger ?

« Lorsqu’un témoin d’un suicide reste passif, il peut faire l’objet de poursuites selon l’article 223-6 du code pénal, rappelle Me Mohamed Djema, avocat au barreau de Fontainebleau. Mais il faut faire la démonstration de l’intention véritable de s’abstenir de porter secours à une personne en péril. L’opération de sauvetage doit aussi être sans risque pour la vie de celui qui intervient. Quant à la famille du défunt, elle peut porter plainte et se constituer partie civile. Le mis en cause encourt alors 75 000 € d’amende et 5 ans de prison. » Reste que ce type de procédure est rare : « Pour définir la non-assistance à personne en danger, il faut pouvoir prouver de façon certaine que le spectateur avait une connaissance parfaite du danger de mort, explique Arnaud Faugère, procureur de Fontainebleau. Cela concerne peu de cas. »


Cet article est paru lundi 3 octobre 2022 dans La République de Seine-et-Marne, dans le cadre d’un dossier intitulé : Suicides en gares, derrière le drame, quelles conséquences ?
https://actu.fr/ile-de-france/montereau-fault-yonne_77305/seine-et-marne-face-aux-suicides-en-gare-des-reactions-parfois-inhumaines_54327023.html