jeudi 20 octobre 2022

Des pensées suicidaires chez les personnages du Livre de Tobie (ou Tobit), un texte de l’Ancien Testament

La dépression dans l’Antiquité ou rien de nouveau sous le soleil
Publié le 17/10/2022 www.jim.fr/*

Dans sa rubrique consacrée à la psychiatrie dans les textes sacrés, The British Journal of Psychiatry évoque les pensées suicidaires chez les personnages du Livre de Tobie (ou Tobit), un texte de l’Ancien Testament (concernant des membres de la diaspora juive de Perse) écrit en araméen vers 200 à 300 avant l’ère chrétienne. Si l’original est perdu (bien qu’un fragment en araméen fût retrouvé vers 1950 dans les grottes de Qumrân parmi les manuscrits de la mer Morte), cette histoire nous est toutefois parvenue grâce à sa traduction en grec.

Les protagonistes principaux, Sarah et Tobie, souffrent de dépression, en réaction à ce qu’on appellerait maintenant de fâcheux aléas existentiels : Sarah car elle est « affligée parce que les sept fois où elle se marie, ses époux meurent le soir de leurs noces, laissant les mariages non consommés » et Tobie car il se trouve « aveuglé par des excréments de pigeon tombés dans ses yeux. »

Des pensées suicidaires répétitives
Selon le Dr George Stein (auteur du livre The Hidden Psychiatry of The Old Testament[1] (La psychiatrie cachée de L’Ancien Testament), ce texte donne une bonne description de leur dépression et de leurs pensées suicidaires, sans doute évocatrice, plus généralement, du tableau clinique des pensées suicidaires vers 300 avant notre ère qui ressemblent à celles des patients d’aujourd’hui. Ainsi, commente le Dr Stein, le Livre de Tobie n’a que « six personnages dont cinq souffrent de dépression ou d’anxiété » et les pensées suicidaires émaillant ce texte ont tendance à être répétitives, Sarah et Tobie demandant plusieurs fois à Dieu de prendre leur vie.

Précisant qu’une bonne estimation de la gravité des pensées suicidaires consiste dans l’éventualité de « l’indication d’une planification ou de la méthode » du suicide, l’auteur souligne un parallèle intéressant entre ce qui retient Sarah de se suicider, dans l’Antiquité, à savoir la détresse qu’elle causerait chez son père, et le frein analogue aujourd’hui, chez des patients actuels, retenus de même par les pensées de leurs proches, souvent leurs enfants.

En somme, en montrant l’identité du tableau dépressif à travers les âges, cette histoire confirme aussi la validité d’un autre thème tiré de l’Ancien Testament (et plus précisément de l’Ecclésiaste), résumé par cette célèbre maxime : « Ce qui fut sera, ce qui s’est fait se refera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. »


Dr Alain Cohen
Références
[1] https://www.cambridge.org/core/journals/the-british-journal-of-psychiatry/article/hidden-psychiatry-of-the-old-testament-by-george-stein-hamilton-books-rowman-littlefield-2018-610-pp-4295-pb-isbn-9780761870470/33822378969212AE2CC5729BA30E8EDD
Stein G: Suicidal thoughts and planning in the Book of Tobit. Br J Psychiatry, 2022-09: 552. 

https://www.jim.fr/medecin/actualites/medicale/e-docs/la_depression_dans_lantiquite_ou_rien_de_nouveau_sous_le_soleil__194491/document_actu_med.phtml