lundi 29 octobre 2012

RETOUR SUR CONGRES Prédiction et prise en charge du risque suicidaire

Retour sur le 25 eme congrès de l'european college of Neuropsychopharmacology ECNP 2012  (13-17 octobre 2012) sur http://www.edimark.fr/flashinfo/ECNP/2012/paroles.php?id_article=161

 

 

 

Prédiction et prise en charge du risque suicidaire

Prédiction et prise en charge du risque suicidaire Philippe Courtet
Pr Philippe Courtet

Montpellier, France

Est-il important de continuer à parler du suicide ? Que peut-on apprendre de nouveau dans ce domaine ?

Il est extrêmement important de parler du suicide car il s’agit d’un véritable problème de santé publique qui n’est pas suffisamment pris en compte en France. D’autre part, il y a encore beaucoup d’idées reçues à combattre à son sujet. Il faut d’abord bien comprendre qui sont les patients concernés. Les suicides aboutis, ou les tentatives de suicides, sont presque toujours réalisés par des patients qui ont un trouble psychiatrique et qui ne sont pas traités correctement, soit du fait d’une mauvaise observance, soit à cause d’une prescription inappropriée, soit encore parce que le suicide est révélateur d’une pathologie inconnue jusque-là. Des difficultés environnementales, familiales, financières et professionnelles s’ajoutent presque toujours au contexte pathologique. Mais cela ne suffit pas, car tous les patients dépressifs qui traversent une période difficile ne se suicident pas. Le passage à l’acte révèle l’existence d’une vulnérabilité suicidaire spécifique sous-jacente, qui trouve à s’exprimer quand surviennent les troubles psychiatriques (dépression, trouble bipolaire) et les problèmes environnementaux.


Comment définit-on la vulnérabilité suicidaire ?


Elle existe chez des patients qui présentent des caractéristiques cliniques communes : antécédents personnels de suicide, facteur majeur de risque suicidaire, histoire familiale de conduite suicidaire, troubles de la personnalité avec impulsivité dans un contexte d’agressivité, propension au désespoir et maltraitance dans l’enfance. Sur le plan biologique, on a essentiellement observé des dysfonctionnements du système de la sérotonine et une hyperactivité de l’axe du stress. Il y a donc probablement chez ces patients des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux précoces qui ont pu provoquer des anomalies neurobiologiques et des phénomènes épigénétiques. On a aussi constaté, au moyen d’études de neuro-imagerie fonctionnelle, que les sujets qui présentent cette vulnérabilité ont une hypersensibilité au rejet social.


Finalement, il apparaît clairement que le suicide n’est pas simplement la complication d’une pathologie psychiatrique mais bien une entité à part entière. C’est d’ailleurs pour cela que, dans le DSM, il y aura une évaluation spécifique du risque suicidaire.


Quelles sont les conséquences pratiques pour les cliniciens ?


Le message principal, c’est qu’il faut systématiquement évaluer le risque suicidaire chez tous les patients qui ont une pathologie psychiatrique, et peut-être somatique, en utilisant les échelles appropriées. Malheureusement, des études ont montré que cette évaluation est très insuffisante. Or, la très grande majorité des patients n’a pas un véritable désir de mort mais éprouve plutôt la nécessité de faire cesser une douleur devenue insupportable, ce pour quoi le suicide apparaît comme la seule solution possible. Ces patients sont donc soulagés de pouvoir livrer leurs pensées suicidaires, avec l’espoir d’une aide extérieure permettant d’éviter l’issue suicidaire. D’autre part, à partir du moment où l’on identifie le risque suicidaire, il faut le traiter de façon spécifique. Certains médicaments, comme le lithium ou la clozapine, ont montré une efficacité antisuicide indépendamment de leurs effets habituels. Il ne faut pas hésiter à les utiliser, car traiter simplement la dépression ne suffit pas, on a affaire à des patients qui ne sont pas simplement déprimés mais qui présentent une vulnérabilité supplémentaire.