Les morts par suicide en forte baisse dans le monde
Selon une étude parue dans The Lancet, le nombre de morts par suicide dans le monde a diminué de près de 40 % depuis 1990.
Les psychiatres français et de la plupart des pays occidentaux alertent régulièrement sur une crise de la santé mentale qui toucherait notamment les jeunes. Plusieurs données indiquent ainsi que les troubles dépressifs ou anxieux et les idées suicidaires sont en hausse chez les adolescents et les jeunes adultes.
Une étude parue ce mercredi dans la revue The Lancet vient quelque peu relativiser ce tableau très sombre : le nombre de décès par suicide serait en forte baisse sur la planète.
Une fois n’est pas coutume, les auteurs de cette étude se sont appuyés sur les données du Global Burden of Disease (GBD), vaste programme de recherche analysant la mortalité et la morbidité dans le monde. L’objectif à travers cette étude est de mieux identifier « les populations les plus exposées au risque de suicide pour mieux informer les décideurs, stimuler la discussion et susciter l’innovation autour d’efforts ciblés de prévention du suicide » expliquent les auteurs.
Forte baisse du taux de suicide en Extrême-Asie et en Europe
Selon cette base de données, ce sont 746 000 personnes qui se sont donnés la mort en 2021 sur la planète, dont 519 000 hommes et 227 000 femmes. Le nombre de morts par suicide est ainsi passé de 14,9 morts pour 100 000 habitants en 1990 à 9 morts en 2021, soit une baisse de 39,5 % de la mortalité par suicide en trente ans.
Les auteurs notent d’ailleurs que la pandémie de Covid-19 n’a, pour l’instant, pas affecté cette longue tendance à la baisse, puisque le taux de mortalité par suicide est passé de 9,2 morts pour 100 000 habitants en 2019 à 9 morts pour 100 000 habitants en 2021.
Cette diminution de la mortalité par suicide au niveau mondial cache des disparités régionales. Sur le continent américain, le nombre de morts par suicide a ainsi augmenté : on observe par exemple une hausse de 60 % de la mortalité par suicide chez les femmes d’Amérique centrale et de 19 % chez les femmes d’Amérique du Nord.
La chute la plus vertigineuse concerne l’Extrême-Orient, où le taux de mortalité par suicide est passé en trois décennies de 21,1 pour 100 000 habitants en 1990 à 7,2 en 2021, soit une baisse de 66 %. La mortalité par suicide recule également en Europe : en France, elle a été divisée par deux en trente ans.
Les régions avec les plus forts taux de suicide restent l’Europe de l’Est pour les hommes (34,2 morts pour 100 000 habitants) et l’Asie du Sud pour les femmes (8,7 pour 100 000 habitants) : une étude de 2018 avait conclu que 37 % des femmes qui se suicident dans le monde sont indiennes.
L’étude confirme une donnée bien connue sur les différences hommes/femmes, à savoir que les femmes tentent plus souvent de se suicider mais que les hommes meurent plus, car ils utilisent des méthodes plus violentes (arme à feu, pendaison…). Par exemple, en Amérique du Nord, on compte un décès toutes les trente tentatives de suicide chez les femmes contre un décès toutes les six tentatives chez les hommes.
Le suicide, troisième cause de mortalité chez les jeunes
Les auteurs de l’étude se sont également intéressés à l’épidémiologie des suicides par arme à feu. Dans le monde, 9,7 % des hommes qui meurent par suicide et 2,9 % des femmes utilisent une arme à feu pour se donner la mort. Fort logiquement, plus l’accès aux armes à feu est facile dans un pays, plus le taux de suicide par arme à feu y est important.
Aux Etats-Unis, où l’accès aux armes à feu est garanti par la Constitution, 52 % des hommes et 28 % des femmes qui se donnent la mort le font en utilisant une arme à feu ; en Extrême-Asie, c’est moins de 0,1 %.
Enfin, l’étude relève une hausse de l’âge moyen des personnes décédées par suicide, qui est passé de 42,6 ans en 1990 à 47 ans en 2021. Il a notamment augmenté de quatre ans chez les hommes et de cinq ans chez les femmes.
Ceci pourrait être la conséquence « des efforts axés sur la prévention du suicide chez les jeunes, tels que l’accès à des services de dépistage essentiels ou le développement de programmes de santé mentale » avancent les auteurs, qui préfèrent cependant rester prudent quant aux causes de ce phénomène.
Les personnes âgées de plus de 70 ans restent ceux qui se suicident le plus, avec un taux de mortalité de 37,9 morts pour 100 000 habitants chez les hommes et de 15,6 morts pour les femmes. Le suicide est en revanche la troisième cause de mortalité chez les jeunes âgés de 10 à 29 ans et même la première en Australie, chez les jeunes hommes en Europe de l’Est et chez les jeunes femmes en Asie centrale.
« Malgré l’amélioration globale du taux de mortalité (...), certains groupes démographiques affichent des taux de suicide en hausse, révélant des lieux et des groupes d’âge spécifiques qui ont besoin d’urgence d’un soutien et de stratégies d’intervention renforcées en matière de santé publique » conclut l’étude.
References
Davis Weaver, Nicole et al. Global, regional, and national burden of suicide, 1990–2021: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2021. GBD 2021 Suicide Collaborators. The Lancet Public Health, feb 19, 2025. DOI: 10.1016/S2468-2667(25)00006-4