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A
l’échelon mondial, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez
les 10-24 ans, juste après les accidents. Les experts estiment qu’en
Europe, chaque année, quelque 13 500 jeunes mettent fin à leurs jours.
Souvent, les motifs du passage à l’acte sont des problèmes psychiques
comme la dépression ou l’angoisse. Les personnes présentant une tendance
à l’autodestruction - mutilations, excès d’alcool, consommation de
stupéfiants - présentent souvent une tendance suicidaire. Afin d’éviter
le pire, et aider les personnes concernées, il faudrait parvenir à
reconnaître à temps ces conduites à risque.
Mais comment faire se faire entendre des enfants ou les adolescents en danger ?Etude : les programmes de prévention en milieu scolaire
« Il existe des programmes de prévention qui tentent de s’adresser aux parents via des campagnes publiques » explique le professeur Romuald Brunner, directeur adjoint de la clinique universitaire de Heidelberg en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Mais les résultats sont rarement au rendez-vous. Souvent, les parents passent à côté des perturbations psychiques qui vont de pair avec un comportement de mise en retrait, la déprime ou les angoisses. Afin d’atteindre les adolescents en danger, il existe des programmes de prévention spécifiques dans les écoles. Les résultats d’une première étude menée au niveau européen devraient montrer si cette approche est prometteuse.
Onze pays ont participé à cette étude, fournissant les résultats de plus de 12 000 jeunes scolarisés âgés de 14 à 16 ans. Les données collectées en Allemagne ont été recensées à Heidelberg par les pédopsychiatres. Les scientifiques ne se sont pas contentés de recenser les comportements des adolescents, ils ont également testé trois différents modèles de prévention. Ils espèrent ainsi parvenir à cerner la meilleure méthode pour ensuite l’envisager comme recommandation au niveau européen.
Les enfants français et allemands sont-ils plus exposés que les autres ?
Dans tous les pays, les participants ont rempli
les mêmes questionnaires. Après cette enquête initiale, ils ont
participé à l’un des trois programmes. Dans le premier groupe, des
enseignants apprenaient à reconnaître les élèves en détresse pour les
orienter vers des professionnels. Dans le deuxième groupe, les
adolescents ont été sensibilisés à la santé mentale et ont pu tenter, à
travers des jeux de rôle, de trouver une aide pour eux-mêmes ou d’aider
un ami. Le troisième groupe a participé à un passage au crible
professionnel où les experts évaluaient les questionnaires. Lorsqu’un
cas laissait planer un doute, les experts invitaient les adolescents à
un entretien de consultation. S’il en ressortait que l’adolescent était
en danger, il était orienté vers un thérapeute. Les chercheurs ont suivi
l’effet des mesures à l’échéance de trois mois et d’un an.
Les conclusions du questionnaire ont montré que,
par rapport à leurs homologues européens du même âge, les enfants
français et allemands présentaient plus de symptômes dépressifs que la
moyenne. Ils évoquent également plus souvent des pensées suicidaires,
des tentatives de suicides ou des comportements autodestructeurs : plus
d’un tiers d’entre eux se sont déjà intentionnellement tailladés les
veines, coupés ou brûlés. 12 % déclaraient même le faire régulièrement.
Alors que la moyenne européenne n’est que de 8 %.
L’automutilation est-elle un indice de suicide ?
En plus de la dépression, ce groupe présente
également des chiffres élevés en termes d’anxiété et de consommation
d’alcool. Les facteurs expliquant ce comportement ne figurent pas dans
l’étude. « Certains disent juguler des tendances suicidaires en se
tailladant, ce qui les délesteraient de sensations désagréables »
explique le professeur Brunner. Et comme ces gestes les délestent de
leurs sensations désagréables, ils ont tendance à les reproduire. Mais
comme ils ont honte, ils le vivent mal. Ce qui conduit à un cercle
vicieux. Car plus une personne se taillade, plus elle risque de faire
une tentative de suicide. Pourquoi la moyenne des adolescents pratiquant
l’automutilation est bien plus élevée dans certains pays que dans
d'autres ? Pour l’heure, les chercheurs ne sont pas en mesure
d’expliquer ces écarts. De même, le type d’intervention à recommander
dans les pays reste à déterminer.
En Allemagne, les conduites à risques et
comportements suicidaires ont diminué après chacune des trois
interventions. Les chercheurs ont plus particulièrement observé un effet
significatif chez les filles présentes dans le groupe qui visait à
développer les facultés des adolescents. « On peut évidemment se
demander si ce programme n’a pas donné un poids trop important aux
problèmes des filles » concède Brunner. Il estime qu’une prévention
efficace doit non seulement tenir compte des différences entre les
sexes, mais également envisager les spécificités culturelles ou
nationales ainsi que l’origine sociale.
Article du Dr Laura Vöhringer, psychiatrehttp://future.arte.tv/fr/le-role-de-la-prevention-dans-la-pedopsychiatrie?language=de
INFO +
L'article fait mention de l'étude SEYLE Saving and Empowering Young Lives in Europe
SEYLE est un programme de promotion de la santé mentale pour les adolescents dans les écoles européennes. Le programme comprend des adolescents recrutés dans des écoles aléatoires dans 11 pays européens: l'Autriche, l'Estonie, la France, l'Allemagne, la Hongrie, l'Irlande, Israël, l'Italie, la Roumanie, la Slovénie et l'Espagne, la Suède étant le centre de coordination.
Ses principaux objectifs sont de diriger les adolescents vers une meilleure santé mentale en réduisant la prise de risque et les comportements suicidaires. Les résultats de différents programmes préventifs sont évalués et des modèles adaptés à la culture sont établis pour promouvoir la santé mentale chez les adolescents dans différents pays européens.
En savoir plus http://ki.se/en/nasp/seyle-saving-and-empowering-young-lives-in-europe