Le réseau APESA s’implante en Haute-Vienne pour aider les entrepreneurs en détresse
Limoges Publié le 17/02/2017 lepopulaire.fr*
La question de l’échec est taboue pour de trop nombreux entrepreneurs.
Pour faire face au cruel désarroi de certains chefs d’entreprise, le monde économique se mobilise pour constituer un réseau d’alerte et de soutien.
Marc Binnié, greffier au tribunal de commerce de Saintes (Charente-Maritime), travaille sur la détresse des chefs d’entreprise depuis des années. Il était cette semaine invité à la chambre de commerce de Limoges pour animer une conférence sur le réseau qu’il a constitué, APESA.
Il a associé son expérience à celle de Jean-Luc Drouillard, psychologue clinicien, pour imaginer un système d’alerte et de prise en charge en cas de détresse psychologique, voire de risque suicidaire. « Dans ce cas, explique Marc Binnié, il faut identifier le problème et intervenir au plus tôt. Faire preuve de réactivité est capital. »
Un réseau local de sentinelles pour repérer notamment le risque suicidaire
Au-delà du tabou de l’échec, très répandu dans le monde l’entreprenariat, Marc Binnié souligne que « certains passent brutalement du RSI au RSA, et finissent par dormir dans leur voiture… Ils perdent entreprise, maison, conjoint, enfants et le chaos envahit jusqu’à leur vie privée. » L’estimation des suicides varie d’un patron mort tous les deux jours à deux par jour !
« On parle plus des difficultés des entreprises que de celles des entrepreneurs, regrette Marc Binnié. On ne crée pas de demande, on répond juste à un besoin réel. Avec ce dispositif, nous n’avons pas l’ambition de sauver tout le monde mais de tout faire pour en sauver le maximum. N’en sauver qu’un est déjà une belle victoire. »
Le principe : alerte, prise en charge et suivi
Le principe de ce système d’alerte est simple : les acteurs du monde économique, notamment au sein des tribunaux de commerce, sont invités à signaler les entrepreneurs en difficulté à l’APESA. Celui-ci se charge alors d’alerter un psychologue du réseau pour amorcer une prise en charge et un suivi.
«?Transformer la souffrance en expérience? »
« C’est gratuit et confidentiel, insiste Marc Binnié, parce qu’il est difficile d’imaginer de demander de payer à des gens ruinés, financièrement et psychologiquement. Il s’agit de les aider à transformer la souffrance en expérience, afin de pouvoir rebondir. Les entrepreneurs sont les fantassins de l’économie. Il restait à inventer la Croix-Rouge qui va avec… »
Au sein du réseau APESA, 14 tribunaux de commerce sont déjà impliqués sur les 134 que compte la France. Jacques Leytere, président du tribunal de commerce de Limoges, est bien décidé à le rejoindre le plus vite possible. « Si tout va bien, on devrait avoir constitué l’association d’ici moins de deux mois », assure-t-il.
« Pour que ce soit efficace, ajoute Marc Binnié, il faut une sensibilisation la plus large possible. Il faut aussi que le territoire dispose de suffisamment de sentinelles. »
C’est également l’APESA qui se charge de constituer le réseau de psychologues. Marc Binnié estime que « vingt à trente psychologues seraient nécessaires au maillage du territoire de la Haute-Vienne. »
Repères
Financement. Le coût du réseau APESA revient, selon son co-fondateur Marc Binnié, à environ 15.000 € par an. Les acteurs économiques locaux devront se cotiser pour trouver l’argent.
2. Le nombre de patrons (PME/TPE) qui se suicident chaque jour en France, selon le cabinet ?Amarok qui avoue qu’« il n’y a pas de statistiques sur le suicide au travail ».
Le projet. Le réseau d’Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance Psychologique Aiguë est né suite à la crise économique de 2008.
Sylvain Compère
L’EXPÉRIENCE DU BTP
«Chaque année,trois ou quatre de nos adhérents se suicident en Haute-Vienne. C’est énorme», soupire Jean-Paul Bardet, le président de la fédération des métiers du bâtiment en Haute-Vienne. «Voilà pourquoi nous avons mis en place il y a deux ans un
dispositif d’aide pour les entrepreneurs en difficulté, et pour être clair en particulier ceux qui sont au bord du suicide. Nous avons d’abord élaboré une petite vidéo, que nous avons diffusé dans toutes nos réunions afin de sensibiliser à ce sujet tabou et
informer de l’existence d’un numéro d’urgence (0805.290.041).
Nous avons confié la ligne à plusieurs psychologues qui se relaient pour assurer la permanence. En deux ans, il y a déjà eu une vingtaine d’appels... Malheureusement, le coût de ce dispositif est un peu lourd pour la fédération. C’est pourquoi nous avons participé à cette rencontre, car ce dispositif présente des similitudes avec celui que nous avons mis en place. »
Jean-Paul Bardet prévient: «repérer un entrepreneur ou un cadre supérieur au bord du suicide n’est vraiment pas simple.
Dans une grande boîte,ou même une PME, il y a des collaborateurs ou des gens chargés de veiller à la santé de ceux qui travaillent, notamment la médecine du travail. Par contre, la situation est tout autre dans les TPE, très nombreuses dans le bâtiment.
Là, l’entrepreneur est seul à diriger et se confie rarement quand il est en difficulté.
Les proches et la famille ignorent parfois la situation... Ce sont ces entrepreneurs-là qui
sont le plus en danger et qu’il estdifficile d’identifier. Comme le disait Paul Valéry, “un homme seul est toujours en mauvaise compagnie”... »
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