Support article Canada « Règles de confidentialité frustrantes en santé mentale »
Les proches
de personnes souffrant de maladie mentale se plaignent d’être tenus à l’écart
Johanne Roy Le
Journal de Québec du 9/11/2015*
«En santé mentale, les professionnels de la santé craignent les réprimandes s’ils parlent à la famille», souligne la directrice générale de la Boussole, Hélène Lévesque.
Les proches
des personnes souffrant de maladie mentale sont souvent tenus dans l’ignorance,
à cause des règles rigides de confidentialité dans le réseau de la santé qui
peuvent parfois avoir des conséquences dramatiques.
«On nous
rapporte des histoires d’horreurs, des situations aberrantes, où les familles
sont dans la noirceur totale. On ne veut pas remettre en question la
confidentialité, mais il faut mieux baliser ces règles qui sont appliquées de
façon très inégale dans le réseau de la santé», opine Hélène Lévesque,
directrice générale de la Boussole, à Québec, organisme qui soutient les
proches des personnes atteintes de maladie mentale.
Les
intervenants de la Boussole ont suivi, il y a quelques années, la famille d’un
jeune homme qui s’est suicidé peu après sa sortie de l’hôpital. Ses proches
n’avaient pas été avisés qu’il avait obtenu son congé. En plus d’être durement
éprouvée par ce deuil, la famille a eu du mal à accepter le fait qu’elle ait
été tenue à l’écart, illustre Mme Lévesque.
«Allez lui
demander!»
Lorsque son
frère atteint de schizophrénie a été hospitalisé, Céline (prénom modifié) a
tenté d’avoir des informations sur l’état de santé de celui-ci, mais elle s’est
butée à une fin de non-recevoir frustrante du personnel soignant.
«J’allais le
voir, le soir, à l’hôpital. Je demandais à l’infirmière au poste de garde
comment il allait, s’il était en paix ou agressif. Je me faisais répondre:
allez lui demander! Je savais qu’il avait des délires et qu’il ne nous disait
pas la vérité», confie Céline.
Changement
de culture
Le
psychiatre Marc-André Roy, qui est rattaché à la clinique
Notre-Dame-des-Victoires pour jeunes adultes psychotiques, à Québec, a été trop
souvent confronté à ce genre de situations. «Le réflexe dans le système de
santé est de dire: c’est la règle de confidentialité, cela s’arrête là. C’est
lui mon patient, je n’ai pas à parler à la famille. Or, les recherches montrent
hors de tout doute que l’intervention familiale aide les personnes ayant des
troubles psychotiques», signale le Dr Roy.
Il faut
faire évoluer les pratiques, estime-t-il. «A la clinique, on prend le temps
d’expliquer au jeune que s’il consent à ce qu’on parle à sa famille, on ne
dévoilera pas les détails de sa vie privée, mais les grandes lignes de son
traitement», rapporte le psychiatre.
Monde de
préjugés
Hélène
Lévesque abonde dans le même sens. «Le motif de plainte qui revient le plus
souvent chez les proches, c’est «on ne sait rien!». Ils veulent aider la
personne, mais se sentent impuissants. La santé mentale est un autre monde. On
est tous pris dans les préjugés», constate-t-elle.