France - Santé Suicide du troisième âge : prévenir le passage à l’acte
le 03/08/2013 à 05:00 | MARLENE QUINTARD sur http://www.bienpublic.com/cote-d-or/2013/08/03/suicide-du-troisieme-age-prevenir-le-passage-a-l-acte
Trouver une oreille attentive permet à la personne âgée de rompre l’isolement. Photo AFP
Perte de l’estime de soi, idées noires, solitude : le suicide des seniors est l’aboutissement d’un long processus qui peut pourtant être arrêté.
Lundi 22 juillet, le corps d’un homme de 91 ans, habitant de Montbard, a été retrouvé flottant dans le canal de Bourgogne. L’enquête a rapidement privilégié la thèse du suicide. L’homme aurait laissé une lettre expliquant ses intentions à son domicile.
Le suicide des personnes âgées reste un sujet tabou. Pourtant les 65 ans et plus représentent 30 % des suicides. Et, si les chiffres sont en baisse, le phénomène demeure significatif. En Bourgogne, des séminaires ont été mis en place pour former le personnel soignant à la prévention du suicide des personnes âgées.
Des signes qui ne trompent pas
Dans les établissements d’accueil de Côte-d’Or, on prend peu à peu conscience du risque. « Nous sommes très vigilants parce que nous savons que cela peut arriver », confie Leila Souidi, directrice de l’Ehpad Les jardins de Cybèle à Messigny-et-Vantoux.
Pour Valérie Brassart-Roisin, animatrice de l’établissement, certains signes ne trompent pas et doivent alerter l’équipe. « Lorsque la personne refuse de se lever, de sortir ou d’aller vers les autres, il faut être aux aguets », explique-t-elle. « Parfois certains refusent de s’alimenter ou de s’hydrater et cela devient compliqué ». Valérie Brassart-Roisin est justement là pour redonner goût à la vie. Et cela passe par des choses toutes simples qui permettent de créer du lien social.
Aujourd’hui par exemple, l’animatrice emmène un petit groupe au café du village. « L’idée c’est que les personnes puissent prendre du plaisir et se sentir encore utiles ». En cas de déprime persistante, une psychologue et un médecin coordinateur sont là pour intervenir. « Si la personne âgée trouve l’écoute dont elle a besoin, le pire peut être évité ». Le maintien de l’autonomie est également essentiel pour que le senior se respecte. D’où l’importance des professeurs d’activités physiques adaptées. Aux Jardins de Cybèle, Vivien Dubuet lutte quotidiennement contre le laisser-aller. « Lorsque les résidents arrivent à faire les choses par eux-mêmes, ils sont fiers et se respectent davantage », explique le professeur d’activités physiques.
Mais celles qui entrent vraiment dans l’intimité des personnes âgées au quotidien restent les aides-soignantes. Elles sont les premières à donner l’alerte en cas de coup de blues. « Certaines personnes sont plus solitaires que d’autres et il faut respecter la personnalité de chacun. L’idée n’est pas de forcer à la vie en communauté », explique Jacqueline Thuiland, aide-soignante aux Jardins de Cybèle. « Ce sont surtout les changements de comportements qui nous interpellent », complète sa collègue Marie-Charlotte Guenot. Certaines périodes sont pourtant plus difficiles que d’autres pour les résidents. « On les sent plus taciturnes durant les fêtes de Noël », a remarqué Suzanne Jouhammet, également aide-soignante.
Le suicide touche davantage les personnes qui restent à domicile. Moins encadrées, elles sont plus sujettes à la dépression. Mais, si les capacités physiques le permettent, il existe aussi d’autres alternatives que la mise en institution.
Les Petits frères des pauvres proposent ainsi de l’accompagnement à domicile pour rompre la solitude et chasser les idées noires. En Côte-d’Or, l’abbaye de Pothières, l’une des maisons de l’association, organise des séjours pour les plus de cinquante ans démunis. Parce que les personnes âgées aussi ont droit à leurs vacances.
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Michel Debout - Professeur émérite de médecine légale et de droit de la santé,. L’acte suicidaire chez la personne âgée se traduit une fois sur deux par la mort
Publiée le 03/08/2013sur http://www.leprogres.fr/actualite/2013/08/03/l-acte-suicidaire-chez-la-personne-agee-se-traduit-une-fois-sur-deux-par-la-mort
Le professeur Michel Debout, l’un des meilleurs spécialistes du suicide en France, a accepté de nous parler de cette problématique, en se gardant de commenter le présent fait divers.
Le climat ou une température élevée influent-ils sur le taux de suicide ?
je ne connais aucune étude – sérieuse – qui en ait donné la confirmation.
En ce qui concerne le suicide, en France, les personnes âgées représentent une population à risque. Est-il possible d’évaluer ce phénomène ?
Lorsque l’on parle de suicide, on a tendance à confondre deux situations distinctes : la mort par suicide et la tentative de suicide. L’acte suicidaire chez la personne âgée se traduit au moins une fois sur deux par la mort de la personne. Alors que chez une jeune femme, il y a en moyenne 240 tentatives pour un décès. Toutes personnes confondues, il y a en France autour de 11 000 morts par suicide par an. Un nombre plutôt en baisse, mais qui a tendance à se stabiliser. Il est difficile de travailler sur ce sujet, car on ne connaît les chiffres que deux ou trois ans après. En période de crise, qui peut être un facteur aggravant, il faudrait connaître ces chiffres au plus près. C’est pour cela qu’avec Jean-Claude Delgenes (directeur général du cabinet Technologia, NDLR), nous avons proposé la mise en place d’un Observatoire du suicide. Selon les informations dont je dispose, le ministère de la Santé prévoirait sa création pour la rentrée 2013. Il reste à lui donner les moyens de produire des observations et surtout d’en dégager des pistes de prévention.
Ce dispositif doit être lié aux initiatives locales, qui existent déjà…
La prévention est nécessairement locale. Jacques Laporte est l’actuel président de Loire Prévention Suicide, que j’ai contribué à fonder. Parmi leurs actions, il y a la prévention du suicide des personnes âgées, avec l’idée qu’elles peuvent exprimer des tendances suicidaires, qu’on ne détecte pas toujours. Dans ce cas, deux personnes peuvent se déplacer au domicile de la personne, avec son accord, pour en parler. On veut maintenir un lien avec elle, la conforter dans l’idée que sa vie a de l’importance, qu’elle a une place dans la société, qu’elle n’est pas « de trop ». En fonction de l’âge, les risques ne sont pas les mêmes. Avec une personne âgée, il faut d’autant plus de vigilance puisqu’on ne peut pas attendre une première tentative de suicide, souvent la dernière. Il faut donc une prévention différente.
Selon vous, faut-il former le personnel des structures de santé sur le risque de suicide chez les personnes âgées ?
Oui, mais aussi sur le risque dépressif. Une étude américaine a montré que chez les plus de 80 ans, 5 % avaient des idées suicidaires. Mais pour les plus de à 80 ans qui souffrent de dépression, ce taux monte à 55 %. Il faut diagnostiquer un état dépressif, par un médecin, mais aussi s’intéresser aux plans humain et social, pour repérer les facteurs facilitant le passage à l’acte : isolement, solitude, confrontation au deuil, mésestime de soi… Chaque intervenant a un rôle à jouer dans ce que l’on appelle la prévention du suicide.
Recueilli par Henri Le Roux
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« Cela reste un sujet tabou pourtant il faut en parler »
le 03/08/2013 à 05:00 | M.Q. sur http://prd-www-bienpublic-com.cm-cic.com/cote-d-or/2013/08/03/cela-reste-un-sujet-tabou-pourtant-il-faut-en-parler
Claude Plassard est gériatre à l’hôpital Châtillon-Montbard et forme à la prévention du suicide chez les personnes âgées. Photo SDR
En quoi consiste votre mission de prévention ?
Contrairement aux idées reçues, on peut prévenir le passage à l’acte. Avec Marie-Claude Frénisy, psychologue clinicienne au CHU de Dijon, nous organisons régulièrement des séminaires pour que le suicide des personnes âgées soit davantage pris en compte par le personnel soignant. Notre action entre dans le cadre du plan national de prévention du suicide.
Comment expliquer le suicide chez les personnes âgées ?
Dans 95 % des cas, le suicide est la conséquence d’un état dépressif. La personne ne voit pas d’autres issues face à une souffrance qui devient insupportable. Le suicide est l’expression d’un profond désespoir souvent lié à une grande solitude. Car plus vous avancez en âge, plus vous connaissez de deuils autour de vous et plus vous perdez l’élan vital. On observe alors une fragilisation du Moi.
Quels signes avant-coureurs peuvent alerter les proches ?
Le suicide chez la personne âgée n’est pas un geste impulsif comme cela est souvent le cas chez l’adolescent. C’est un processus qui peut s’étaler sur six à huit semaines. La crise suicidaire s’inscrit dans une maladie dépressive qui n’a pas été diagnostiquée à temps et qui dépasse la simple tristesse ou le manque d’estime de soi. Des éléments marquants comme le veuvage, une situation de handicap telle une pathologie invalidante ou bien le placement en institution fragilisent beaucoup les personnes âgées.
Comment endiguer ce phénomène ?
En en parlant. Le suicide, comme la question de la fin de vie en général, reste un sujet tabou. Beaucoup pensent que le fait d’en parler aux personnes âgées va leur donner de mauvaises idées mais, au contraire, cela permet à la personne de se livrer et de trouver une réelle écoute. Il faut aussi rompre l’isolement et recréer le lien social.
La dépression doit pouvoir se diagnostiquer de manière plus précoce pour pouvoir la traiter à temps. En France, le nombre de suicides chez les personnes âgées est en baisse depuis les années 2000 mais nous avons pris beaucoup de retard.