Pour les partisans d'un "observatoire des suicides", il y a urgence
PARIS, 6 sept 2012 - Les signataires de l'appel "pour la création
d'un observatoire des suicides" ont insisté jeudi sur "l'urgence" de
fonder un tel organisme pour mieux recenser et prévenir ces actes, en
hausse du fait de la crise et de la montée du chômage, selon les
estimations.
"Il est urgent de connaître pour agir au niveau de la prévention. En trois ans, avec 648.500 chômeurs de plus, on estime à 10.780 le nombre de suicidants supplémentaires et à 750 morts de plus", a ajouté ce légiste et psychiatre.
"Le calcul est approximatif parce qu'il y a très peu de données, c'est justement pour cela que nous réclamons un observatoire", a-t-il aussi indiqué, en précisant qu'il avait été obtenu à partir du taux de suicides de l'observatoire de la Santé et du nombre de chômeurs supplémentaires entre 2009 et 2011.
Le Pr Debout et une quarantaine de spécialistes de la santé, de la recherche, des syndicalistes ou intellectuels, dont le psychiatre Boris Cyrulnik ou le généticien Axel Kahn, avaient fait partie des premiers signataires d'un appel lancé en mai 2011 pour la création d'un tel observatoire.
Pour eux, avec plus de 10.000 morts par an, le taux de suicides en France est l'un des plus élevés en Europe et requiert la mise en place de politiques de prévention efficaces.
Une rencontre est prévue le 12 septembre avec l'équipe de Jean-Marc Ayrault, selon Claude Delgène, un des signataires de l'appel et directeur de Technologia, cabinet de prévention des risques professionnels
En 2009, 10.500 décès par suicide ont été enregistrés en France métropolitaine avec une sous-estimation de près de 10% (suicides maquillés en accidents, protection de la famille, préventions religieuses, non-déclaration à l'assurance), selon des chiffres de l'Institut de veille sanitaire.
Par
Suicide : un collectif tire la sonnette d’alarme sur pourseformer.fr
Des outils insuffisants
La France est cependant démunie en données chiffrées sur ce thème. Les seuls chiffres disponibles proviennent d’extrapolations à partir de recherches locales ou étrangères. D’où le besoin, selon les 44 premiers signataires d’un observatoire indépendant et global : “Nous sommes pauvres en outils pour sauver des vies et pour disposer de données fiables”, explique Jean-Claude Delgènes, directeur général du cabinet Technologia, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux au travail, mandaté notamment par les syndicats de France Télécom pour analyser les causes du stress des salariés de l’entreprise en 2009. Affirmant que “la prévalence de suicide est significativement supérieure chez les chômeurs que dans le reste de la population active”, le collectif souhaite mettre en place rapidement un regard pluridisciplinaire (médecins, juristes, syndicalistes, DRH…) afin d’étudier au plus près la question.
Faire suivre les chômeurs par la médecine du travail
Un observatoire des suicides, d’après ses initiateurs, permettrait de mettre en place une vraie politique de prévention. Ainsi, les populations faisant l’objet de politiques publiques fortes – les moins de 20 ans et les plus de 65 ans – ont vu leur taux de suicide diminuer depuis quinze ans, respectivement de 45 % et de 15 %. Seuls les 30-60 ans ignorent cette décrue. Ce sont justement les personnes les plus exposées au chômage et au mal-être au travail. Pour inverser la tendance, l’une des pistes esquissée lors de la conférence de lancement est de “faire suivre par la médecine du travail les personnes sans emploi pendant les deux ans suivant leur entrée au chômage.” Car, comme le souligne Michel Debout, “abandonnés par le travail, les chômeurs sont aussi abandonnés par la médecine”.
Un coût de 5 milliards d’euros
Les responsables du projet rencontreront le conseiller social du Premier ministre le 12 septembre prochain. Ils espèrent obtenir un accord de financement, au moins pour une expérimentation de quatre ou cinq ans. À l’appui, ils fourniront ce chiffre, calculé à partir d’une étude de janvier 2012 produite en Flandre : le coût des 1.100 suicides par an s’y élèverait à environ 5 milliards d’euros annuels. Cher en vies humaines, en souffrance et en deniers publics.
Une étude britannique met en évidence les effets de la crise sur les suicides
En Grande-Bretagne, une étude datant du 12 août 2012 du BMJ, un organisme britannique indépendant, a mis en évidence une hausse d’environ 1.000 suicides entre 2008 et 2010. Selon les chercheurs britanniques, une augmentation de 10 % du nombre de chômeurs entraîne une augmentation de 1,4 % du nombre de suicides masculins. Les auteurs notent que le nombre de suicides, tant chez les hommes que chez les femmes, était en baisse sur la période 2000-2007.
En Grande-Bretagne, une étude datant du 12 août 2012 du BMJ, un organisme britannique indépendant, a mis en évidence une hausse d’environ 1.000 suicides entre 2008 et 2010. Selon les chercheurs britanniques, une augmentation de 10 % du nombre de chômeurs entraîne une augmentation de 1,4 % du nombre de suicides masculins. Les auteurs notent que le nombre de suicides, tant chez les hommes que chez les femmes, était en baisse sur la période 2000-2007.