Lyon
Soignée à domicile pour une crise suicidaire : « J’allais mieux en parlant »
Sylvie Montaron Le Progrès (Lyon)18 juil. 2025
Soigner la crise psychique en dispensant pendant 4 à 6 semaines des soins intensifs à domicile. C’est le principe du dispositif RéCrEA (Résolution de la crise en ambulatoire) proposé par le Centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu. Grâce à cette prise en charge, Eva a échappé à l’hospitalisation, renoué avec les traitements et refait des projets.
Dans la symbolique des couleurs, le bleu est associé à l’apaisement. C’est la couleur dont s’est parée Eva (1) ce mercredi : du serre-tête au pantalon, en passant par les colliers et un léger maquillage. « Ils ont réussi à ce que je prenne soin de moi, que je me remaquille. Comme je ne travaille pas, je ne faisais plus d’effort », raconte cette grande brune dans les locaux de RéCrEA (Résolution de la Crise En Ambulatoire), une structure du Centre hospitalier Saint Jean de Dieu, basée à Oullins.
« Ils », ce sont les infirmiers de l’unité mobile de RéCrEA qui se sont rendus chaque jour pendant un mois au domicile d’Eva pour l’aider à surmonter la crise suicidaire qu’elle a traversée il y a quelques semaines. « J’avais déjà eu des pensées suicidaires il y a 3-4 ans, j’avais même avalé de la Javel », précise cette patiente diagnostiquée bipolaire il y a 25 ans. « Je me traite en pointillé parce que j’avais trop d’effets secondaires : je dormais trop, j’avais toujours faim, je grossissais… », précise-t-elle.
Mais Eva continue à aller au CMP (centre médico-psychologique). C’est là qu’elle parle de ses pensées suicidaires et qu’elle est orientée vers RéCrEA alors qu’elle redoutait d’être hospitalisée, craignant notamment la violence. Assez désociabilisée, Eva a d’abord du mal à ouvrir sa porte aux infirmiers : « ça faisait beaucoup de monde chez moi. C’était compliqué mais, on a appris à se connaître. »
« Je me sentais écoutée »
Elle accepte les médicaments. « Ça m’a permis de me recentrer dans mes pensées. Mais, ce qui a été efficace surtout, c’est le dialogue. J’ai pu me confier à eux ; ça m’a déchargé du poids sur mes épaules. J’arrivais à aller mieux juste en parlant. Je me sentais écoutée, pas prise pour une imbécile. Ça m’a impressionné. Mon entourage disait : « On ne te reconnaît pas. Tu es une autre personne », raconte Eva.
L’agoraphobe parvient à retourner faire ses courses avec les infirmiers. Cependant, au bout de 4 semaines, la bascule des soins à domicile vers l’hôpital de jour d’Oullins échoue. Retour aux soins intensifs. « Il a fallu du temps mais les pensées suicidaires ne sont plus là… Les infirmiers m’ont permis de reprendre confiance. Ils m’ont re-stimulée, re-sociabilisée », poursuit Eva, qui se rend désormais régulièrement à l’hôpital de jour où elle apprécie les activités artistiques, les jeux psychoéducatifs, le jardin…
« On n’a pas l’impression d’être à l’hôpital. Il n’y a pas de blouse blanche », sourit Eva qui loue la disponibilité des soignants - « on a 4 infirmiers pour 8 patients ».
Sa prise en charge à RéCrEA a permis à Eva de retrouver « une dynamique que je n’avais plus dans ma vie ». Elle refait des projets : faire de la gym, voir du monde… Son regard sur la maladie mentale a changé. « Avant de venir ici, j’imaginais qu’il n’y avait que des gens agités mais je n’ai vu personne dans ce cas », reconnaît-elle avant d’ajouter : « On s’imagine des gens disjonctés mais ce sont juste des gens en souffrance. Ce n’est pas une tare. Je trouve que le regard de la société devrait changer. On met trop des étiquettes sur les gens. »
(1) Prénom d’emprunt à la demande de la personne