Suicide des ados : VigiteenS, un dispositif de prévention et d’accompagnement testé dans la Marne
Les tentatives de suicide ont bondi depuis quelques années chez les jeunes adultes. La médecin psychiatre Louise Pimpaud et ses équipes ont mis en place VigiteenS, un dispositif de veille permettant de lutter contre la récidive chez les ados. Il consiste à « prendre des nouvelles ».
Ce matin-là, dans le hall du CHU Robert Debré de Reims, dont le nouveau bâtiment encore en chantier devrait être inauguré en mai 2024, des stands sont installés face à l’entrée principale. En ce 5 février, journée nationale de prévention contre le suicide, équipes soignantes, associations viennent présenter au grand public leurs dispositifs d’aide et d’écoute pour prévenir le suicide et ses récidives.
Parmi les présents, l’Établissement Public de Santé Mentale de la Marne (EPSM), établissement référent dans la prise en charge psychiatrique dont l’antenne est installée à Châlons-en-Champagne (www.epsm-marne.fr). Représenté par la médecin psychiatre Louise Pimpaud et ses équipes, l’EPSM est venu présenter un nouveau dispositif de prévention contre la récidive suicidaire des adolescents, qui devrait être déployé à l’échelle nationale courant 2024.
Appelé « VigiteenS », parent de VigilanS crée en 2015 par le Professeur Guillaume Vaiva du CHRU de Lille, destiné aux adultes, ce dispositif permet d’encadrer les adolescent(e) s et les mineur(e) s dès leur première hospitalisation en urgence en organisant autour du jeune ayant fait une tentative de suicide un réseau de professionnels de santé qui garderont le contact au cours des six premiers mois- voire plus si nécessaire - de sa prise en charge.
Comme pour les adultes, mais après accord parental, une carte « ressources », de la taille d’une carte bancaire, est remise au jeune patient à sa sortie du service des urgences : elle contient des numéros et un QR code à flasher avec des numéros à contacter selon le besoin. À l’autre bout du téléphone, deux encadrants soignants, formés à la crise suicidaire, installés à la clinique Henri-Ey de l’EPSM de la Marne, à Reims.
Chaque patient(e) est ainsi contacté(e) par téléphone par l’équipe de VigiteenS, tout d’abord entre dix et vingt-et-un jours après sa tentative de suicide, puis trois et six mois plus tard. « Le but est de prendre des nouvelles. C’est l’occasion de faire le point sur l’évolution de la situation et, le cas échéant, de proposer différentes possibilités d’aide et de prise en charge », explique le Dr Louise Pimpaud.
Comme pour les adultes, des cartes postales sont expédiées systématiquement deux mois après l’acte, puis trois, quatre et cinq mois plus tard. En parallèle, des SMS sont envoyés aux enfants et adolescents une semaine après leur tentative de suicide, puis un, deux, quatre et six mois plus tard. « Les SMS, c’est un peu la nouveauté sur VigiteenS, les ados et mineurs sont plus difficiles à aller chercher, on va plus au contact des jeunes parce qu’ils lâchent un peu plus vite les soins que les adultes », ajoute le Dr Louise Pimpaud. À six mois, un bilan est réalisé avec les parents ou l’adulte référent afin d’évaluer la prise en charge future.
Avec une équipe composée de trois infirmier(e) s, un psychologue et deux coordinateurs, l’EPSM de la Marne fait partie des établissements qui déploient ce dispositif dans sa phase de test avant sa généralisation dans toutes les structures ayant des missions de prévention et de diagnostic de la santé mentale. Lancé en novembre 2023, dans la Marne, « VigiteenS » entend confirmer les résultats probants déjà observés sur le même dispositif VigilanS déployé depuis novembre 2020 dans la région et partout en France.
« On observe une baisse de 38 % des récidives de suicide et de mortalité par suicide pour les patients adultes inclus dans le dispositif », confirme le Dr Louise Pimpaud. La santé mentale, sujet préoccupant et souvent corrélée à une situation sanitaire dégradée depuis 2020 fait souvent l’objet d’un amalgame mais ne peut justifier à elle seule l’augmentation des pensées suicidaires chez les jeunes.
« Pour le suicide, on ne peut jamais faire de lien de causalité, il n’y a pas d’explication scientifiquement prouvée qui tente à relier l’acte à une situation donnée. On a constaté une augmentation et donc il fallait faire quelque chose pour les jeunes. » Avec près de 2400 patients, tous âges confondus, quarante patients à recontacter par jour, des appels nombreux, reflet d’une situation d’urgence, l’EPSM de la Marne entend continuer sa mission première : faire connaître le dispositif pour que tous puissent en bénéficier.
Depuis novembre 2021, un numéro national de prévention du suicide est également mis en place. Si vous êtes en détresse et avez des pensées suicidaires ou si vous voulez aider une personne en souffrance, vous pouvez contacter le 3114.