lundi 23 janvier 2023

La recherche sur le suicide félicitée à l'Encéphale 2023

Félicitations aux lauréats de l'Encéphale 2023 !

Mis à jour le vendredi 20 janvier 2023 sur https://www.encephale.com/Actualites/2023/Felicitations-aux-laureats-de-l-Encephale-2023

À l'occasion de sa 21e édition, le Congrès de l'Encéphale a décerné plusieurs prix : découvrez les travaux et start-up récompensés !

ZOOM SUR LA PROBLEMATQIUE SUICIDAIRE 

Prix du Congrès

Dépression, anxiété et idées suicidaires à deux mois du post-partum : données de l'Enquête Nationale Périnatale de 2021

Sarah TEBEKA (1) ; Alexandra DONCARLI (1) ; Virginie DEMIGUEL (1) ; Camille LE RAY (2) ; Nolwenn REGNAULT (1) ; Study Group ENP 2021 STUDY GROUP (1,2)
(1) Santé Publique France, Saint-Maurice, FRANCE ; (2) : INSERM EPOPE, Paris, FRANCE

Introduction : La dépression du post-partum (DPP) est un trouble qui peut avoir des conséquences délétères tant sur la mère que sur le nouveau-né. De l’anxiété ou des idées suicidaires peuvent également s’accentuer ou apparaître après l’accouchement. À partir de données de l’Enquête Nationale Périnatale menée en 2021, nos objectifs étaient i) d’estimer la prévalence de la DPP, de l’anxiété et des idées suicidaires à deux mois post-partum chez les femmes accouchées en France en 2021, ii) de décrire la prévalence de la DPP selon les régions.
Méthodes : Notre échantillon incluait 7133 femmes majeures accouchées en France héxagonale en 2021 et ayant complété les 10 items de l’auto-questionnaire Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS) à deux mois post-partum. Les prévalences nationales de la DPP (score de l’EPDS>=13), de l’anxiété (EPDS-3A>=5) et des idées suicidaires (item 10 de l’EPDS>=1) ont été calculées. Pour la DPP et l’anxiété, des prévalences régionales ont été estimées. Les données ont été pondérées pour le traitement de la non-réponse.
Résultats : En 2021, la prévalence nationale de la DPP deux mois après l’accouchement était de 16,7% (IC95% [15,7-17,7]). L’anxiété et les idées suicidaires concernaient 27,6% ([26,5-28,8]) et 5,4% ([4,7-6,1]) des femmes répondantes respectivement. Parmi les femmes atteintes de DPP, 83,2% ([80,6-85,7]) présentaient également une symptomatologie anxieuse et 23,8% ([12,1-26,9]) des idées suicidaires. On relevait une disparité régionale importante pour la DPP comme pour l’anxiété avec une prévalence variant de : i) 11,5% en Bourgogne-France-Comté, à 21,6% en Centre-Val-de-Loire pour la DPP et ii) 22% en Normandie à 33,6% en Centre-Val-de-Loire pour l’anxiété.
Discussion : En France, en 2021, près d’une femme sur six avaient déclaré une dépression à deux mois post-partum, deux femmes sur cinq avaient un niveau d’anxiété important et un peu moins d’une femme sur 20 déclaraient des idées suicidaires. Ces résultats sont en accord avec les données internationales publiées. Ils soulignent le caractère fondamental des politiques de prévention, de repérage et de soutien des femmes en période périnatale, à travers par exemple les entretiens pré et postnataux. D’autres analyses permettront d’analyser les profils des femmes les plus à risque.


Prix du Comité Scientifique

Le retard d'activité diurne comme marqueur de crise suicidaire dans la dépression : une étude d'actimétrie

Alix ROMIER (1) ; Julia MARUANI (1) ; Charlotte BOIRET (1) ; Michel LEJOYEUX (1) ; Pierre Alexis GEOFFROY (1)
(1) Santé Publique France, Saint-Maurice, FRANCE ; (2) : INSERM EPOPE, Paris, FRANCE 

Objectif : confirmer les altérations du sommeil et des rythmes circadiens associés à la crise suicidaire chez les patients souffrant d’épisode dépressif caractérisé (EDC).
Méthodes : nous avons réalisé une étude cas-témoins incluant 52 patients avec un diagnostic d’EDC, divisés en deux groupes : 29 patients ayant eu des idées ou des comportements suicidaires au cours de la semaine précédente (S) et 23 patients sans idées ou comportements suicidaires (NS). Tous les participants ont complété des auto-questionnaires d'évaluation du sommeil et ont été enregistrés par actimétrie pendant 14 jours.
Résultats : les idées ou comportements suicidaires étaient associés au genre féminin (p=0.003) et à un âge plus jeune (p=0.026). On retrouvait chez les patients du groupe S, comparés à ceux du groupe NS, un décalage des rythmes veille-sommeil mesuré par actimétrie (L5 onset, p=0.028 et M10 onset, p=0.033, respectivement) et des symptômes d'hypersomnie plus sévères sur l’échelle de sévérité de l'hypersomnie (HSI, p=0.002). Après ajustement sur l'âge, le genre et la sévérité de la dépression, le début tardif des activités diurnes restait significativement associé aux idées et comportements suicidaires (M10 onset, groupe S = 11:00:00 versus groupe NS = 09:46:22, p=0.021) et à leur intensité (Spearman’s r=3.43e-5, p=0.005).
Conclusion : un décalage des rythmes veille-sommeil objectivé par actimétrie et la présence de symptômes d'hypersomnie sont des marqueurs associés à la crise suicidaire et à son intensité. Tout changement récent de ces marqueurs pourrait être considéré comme un signe d’alerte de crise suicidaire dans la dépression, et comme une cible thérapeutique.


Prix des Internes

Toucher affectif et conduites suicidaire : prise de décision et implication du système opioïdergique

Lou LEFEVRE (1) ; Émilie OLIÉ (1) ; Philippe COURTET (1)     
(1) Lapeyronie, Montpellier, FRANCE

Le toucher affectif, médié par les fibres C, active des régions du "cerveau social" telles que l'amygdale, l'insula, le cortex orbitofrontal (OFC) et module l'activité du système opioïdergique. Or les études révèlent un dysfonctionnement de l'OFC chez les suicidants, qui présentent des altérations de la prise de décision. L’implication du système opioïdergique est également suggérée dans la vulnérabilité suicidaire. D’autres éléments nous amènent à penser que la vulnérabilité suicidaire pourrait être associée à une altération de la perception tactile : le toucher affectif réduit le sentiment de rejet social artificiellement induit, or l’isolement social est un facteur de risque de TS. La maltraitance infantile et l’attachement insécure sont des facteurs de risque de TS à l’âge adulte, or l’attachement insécure est associé à l'altération de la perception du toucher affectif. L'anorexie mentale ou la fibromyalgie, pathologies suicidogènes, sont associées à une perception agréable du toucher affectif diminuée. L'anhédonie, facteur de risque suicidaire, peut réduire l'agréabilité du toucher.
Hypothèse : le toucher affectif est moins hédonique chez les sujets ayant un antécédent de TS par rapport aux sujets sans de tels antécédents, en lien avec de moindres performances de prise de décision du fait de l’implication de l'OFC et d’une altération du système opioïdergique.
Méthode : Des patientes euthymiques âgées de 18 à 65 ans ayant un antécédent d’EDC sont réparties en 2 groupes en fonction de leur histoire de TS. Nous évaluons leur psychopathologie, l’histoire de maltraitance infantile, leur niveau de solitude, leur perception intéroceptive, leur relation à leur corps, leur personnalité, leur anhédonie et leur style d’attachement à l'aide d'échelles, ainsi que leur prise de décision (Iowa Gambling Task et Ultimatum Game). Nous réalisons 6 blocs de toucher affectif et non affectif dans un ordre aléatoire sur leur avant-bras gauche : après chaque bloc, la patiente évalue l’intensité et l'agréabilité de la stimulation. Un prélèvement sanguin est réalisé avant et après stimulation pour mesurer le taux de ß-endorphine et évaluer la variation de l’expression de gènes codant pour des récepteurs (OPRM1, OPRK1, OPRD1) et peptides opioïdergiques (pro-opiomélanocortine, pro-enképhaline, pro-dynomorphine) liée à la stimulation tactile.
Résultats préliminaires : 35 patientes inclues entre février et août 2022 (23 suicidantes, 12 témoins affectifs). La différence d’agréabilité perçue du toucher affectif par rapport au toucher non affectif est significativement plus faible dans le groupe suicidantes, après ajustement sur l’âge, le temps et les scores psychométriques dont la comparaison univariée entre groupes est significative (-1.45;p =0,006).
Conclusion : Les suicidantes présentent une altération de la discrimination de l’agréabilité d’un toucher affectif par rapport à un toucher non affectif en comparaison avec les patientes sans antécédent de TS.

 

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