sur Publié le www.jim.fr 07/08/2017
Nous avons déjà évoqué ici deux effets opposés tendant à
influencer le risque de « contagion » suicidaire, c’est-à-dire de
mimétisme, où un public psychologiquement vulnérable peut imiter le
comportement suicidaire d’une célébrité. Le premier phénomène est
l’effet Werther, ainsi qualifié par le sociologue américain David
Phillips pour désigner une émulation mortelle où, après le suicide
d’une célébrité, des admirateurs se suicident à leur tour. À
l’image de la vague de suicides « romantiques » ayant frappé
l’Europe à la fin du XVIIIe siècle, après la parution du roman de
Goethe, Les Souffrances du jeune Werther, dans le sillage du
mouvement politico-littéraire Sturm und Drang[1]. Germaine de Staël
a résumé ce phénomène en affirmant que « Werther a causé plus de
suicides que la plus belle femme du monde. » À l’inverse, avec
l’effet dit Papageno (par allusion à La flûte enchantée,
l’opéra de Mozart où l’oiseleur Papageno, tenté de se donner la
mort par dépit amoureux, y renonce grâce à l’intervention
salvatrice de chérubins), une bonne maîtrise de la communication
sur le suicide peut contribuer à réduire ce risque de suicide
mimétique.
Eviter l’effet WertherRésultante algébrique de ces deux effets opposés (incitation « à la Werther » et dissuasion de type « Papageno »), la démarche du journaliste traitant du suicide est donc « susceptible d’avoir un impact significatif en termes de santé publique », en contenant (ou non) le risque sociologique de « réaction en chaîne » dans des conduites suicidaires. La Commission de la santé mentale du Canada ayant récemment publié Mindset[2] (projet En-tête, reportage et santé mentale), un texte de recommandations de bonnes pratiques à l’intention des journalistes écrivant à propos des maladies mentales et du suicide, The Canadian Journal of Psychiatry a voulu évalué la fidélité à ces recommandations dans la couverture journalistique du suicide dans les médias canadiens. Cette évaluation a concerné, plus précisément, la façon dont les journalistes canadiens ont relaté le suicide de l’acteur Robin Williams, décédé en août 2014, moins de quatre mois après la première publication de ce guide Mindset. Dans la mesure où 85 % des articles analysés apparaissent appliquer au moins 70 % des recommandations, les conclusions de cette enquête sont rassurantes : les journalistes jouent le jeu en tenant compte, désormais, des lignes directrices, fondées sur des données probantes, sur la couverture médiatique du suicide présentées dans Mindset. Des travaux ultérieurs devront évaluer d’autres améliorations possibles et préciser, au-delà du seul problème du suicide, l’impact général (de ces recommandations) sur la couverture journalistique de la santé mentale.
Dr Alain Cohen
Eviter l’effet WertherRésultante algébrique de ces deux effets opposés (incitation « à la Werther » et dissuasion de type « Papageno »), la démarche du journaliste traitant du suicide est donc « susceptible d’avoir un impact significatif en termes de santé publique », en contenant (ou non) le risque sociologique de « réaction en chaîne » dans des conduites suicidaires. La Commission de la santé mentale du Canada ayant récemment publié Mindset[2] (projet En-tête, reportage et santé mentale), un texte de recommandations de bonnes pratiques à l’intention des journalistes écrivant à propos des maladies mentales et du suicide, The Canadian Journal of Psychiatry a voulu évalué la fidélité à ces recommandations dans la couverture journalistique du suicide dans les médias canadiens. Cette évaluation a concerné, plus précisément, la façon dont les journalistes canadiens ont relaté le suicide de l’acteur Robin Williams, décédé en août 2014, moins de quatre mois après la première publication de ce guide Mindset. Dans la mesure où 85 % des articles analysés apparaissent appliquer au moins 70 % des recommandations, les conclusions de cette enquête sont rassurantes : les journalistes jouent le jeu en tenant compte, désormais, des lignes directrices, fondées sur des données probantes, sur la couverture médiatique du suicide présentées dans Mindset. Des travaux ultérieurs devront évaluer d’autres améliorations possibles et préciser, au-delà du seul problème du suicide, l’impact général (de ces recommandations) sur la couverture journalistique de la santé mentale.
Dr Alain Cohen