Jean-Yves Nau
Culture Science & santé 27.08.2015 http://www.slate.fr/story/106123/gothiques-voient-vie-noir
Une nouvelle étude psychiatrique menée au Royaume-Uni tente de cerner les liens entre la mouvance gothique et les tendances suicidaires. Bien difficile d’y voir très clair.
C’est, renouvelée, la vieille question de l’habit et du moine. Une équipe de psychiatres et psychologues britannique, dirigée par le Dr Lucy Bowes du département de psychologie expérimentale à l'université d’Oxford, a cherché à quantifier les risques dépressifs et suicidaires auxquels seraient spécifiquement exposés les adolescents devenus adhérents à la contre-culture gothique.
L'«effet dose»
Ce travail a été mené auprès de 3694 adolescents britanniques (recrutés via la «Avon Longitudinal Study of Parents and Children»). L’attention des chercheurs était focalisée sur ceux qui avaient embrassé la mouvance gothique vers l’âge de 15 ans. Tous les volontaires ont accepté de répondre à des interrogations spécialisées quant à leur état psychologique (états dépressifs, automutilations, tendances suicidaires) à leur majorité. Ils étaient également interrogés quant à leur adhésions aux différentes sous-entités plus ou moins constitutives de cette contre-culture (sporty, populars, skaters, chavs, loners, keeners, bimbos).Qu’en conclure? C’est bien là la question.
«Notre étude ne montre pas que le fait d'être un goth induit la dépression ou l'automutilation, reconnaît le Dr Lucy Bowes. Mais plutôt que certains jeunes Goths sont plus vulnérables.»
Identifier les plus fragiles
Les données épidémiologiques laissent par ailleurs penser que les syndromes dépressifs (et les gestes d’automutilation) chez les adolescents britanniques ne concernent pas, loin s’en faut, les seuls membres de la mouvance gothique. Des données très directement socio-économiques semblent également jouer.Notre étude ne montre pas que le fait d'être un goth induit la dépression ou l'automutilation Dr Lucy Bowes
Rien, en d’autres termes qui permettent d’établir une quelconque relation de causalité. Rien non plus qui ne permet d’invalider une thèse opposée, celle qui fait valoir que l’adhésion à cette contre-culture peut-être comprise comme la nouvelle expression d’un nouveau rituel communautaire rebelle permettant aux adolescents qui le choisissent de se constituer une identité. La marginalisation inhérente à la mouvance gothique ne serait alors, qu’un miroir grossissant et paradoxal, une forme d’artefact attirant l’attention sur des adolescents plus fragiles.