Mémoire de maîtrise sur la santé mentale des camionneurs et le stress post traumatique
Camille Blouin, étudiante à l’Université Laval, vient de déposer sa thèse de maîtrise en psychologie qui a pour titre : Santé mentale des camionneurs québécois ayant vécu un accident de la route impliquant une tentative de suicide devant leur camion
Camille Blouin rappelle d’entrée de jeu la sortie médiatique que les fondateurs de l’organisme SSPT chez les camionneurs, Kareen Lapointe et Patrick Forgues ont fait en octobre 2016, lançant le message clair :: « Il faut aider les camionneurs touchés », faisant référence aux camionneurs ayant vécu un accident de la route dans le cadre de leur travail, et plus particulièrement ceux pour qui l’accident a été provoqué par une tentative de suicide devant leur camion.
Le trouble stress post-traumatique (TSPT) est communément étudié chez les victimes d’accidents de la route. Des symptômes isolés d’hypervigilance tels que des sursauts exagérés, des souvenirs intrusifs, de l’évitement situationnel et cognitif, en plus d’une grande réactivité émotionnelle, de même que des diagnostics de trouble stress post-traumatique, ont été observés chez les survivants qui n’avaient pas nécessairement subi de blessures graves à la suite de l’accident
La santé mentale des camionneurs a déjà été l’objet de quelques études dans la dernière décennie, s’attardant particulièrement à la dépression et l’insomnie. Les camionneurs forment une population qui est à risque de vivre des troubles de santé mentale, tels qu’un sentiment d’être seul, des symptômes dépressifs, d’anxiété, des difficultés de sommeil et de consommation de substances. Il a également été démontré que d’être témoins d’un suicide est un événement traumatique entraînant des conséquences sur la santé mentale telles que des pensées intrusives, des symptômes de reviviscence, des difficultés de sommeil, un sentiment de culpabilité et une impression d’avoir manqué les signes avant-coureurs.
L’étude s’est intéressée aux camionneurs ayant vécu des accidents de la route, mais particulièrement des accidents causés par des tentatives de suicide devant les camions. Ce sujet s’apparente à la situation des chauffeurs de train ou de métro, étant témoins de suicide et d’autres accidents sur les rails.
Elle visait à brosser un portrait de la santé mentale chez un échantillon de camionneurs québécois ayant vécu ou non un accident de la route, impliquant ou non une tentative de suicide. Quatre-vingt-cinq camionneurs québécois (64,7 % hommes, âge moyen de 42,8 ans) ont rempli une batterie de questionnaires maison et validés mesurant la sévérité des symptômes du TSPT, de l’insomnie, de la dépression, du fonctionnement quotidien et les habitudes de consommation de substances.
Les principaux facteurs de stress évoqués par les camionneurs participants comprenaient les contraintes de temps strictes dans le cadre du métier, la solitude, l’ennui, la pression liée aux finances des entreprises faisant affaire avec eux, la fatigue, le fait d’être loin de chez soi, les conditions de conduite changeantes, la rage au volant, la violence, les dangers possibles près des haltes routières et des entrepôts, le racisme et la perception négative des camionneurs au sein de la population générale.
Des problèmes de santé mentale ont été discernés chez 18,7% de l’échantillon. L’anxiété et la dépression ont notamment été mentionnées. Le niveau de consommation d’alcool était relativement faible au sein de l’échantillon, alors que 55,9% des camionneurs ont mentionné ne pas en consommer ou en consommer de façon occasionnelle. Toutefois, la consommation de drogue s’est avérée élevée alors que 22,1 % des camionneurs ont déclaré en consommer tous les jours ou tous les deux jours; 35,6 % ont déclaré en consommer plusieurs fois par semaine et 18,6 % ont déclaré en consommer une fois par mois. La plupart des camionneurs de l’échantillon (71,2 %) ont déclaré avoir vécu un ou plusieurs événements traumatisants récemment, tels que le décès d’un proche, une séparation amoureuse, des problèmes financiers et le fait d’avoir été témoin ou victime d’un accident violent.
Le niveau de consommation d’alcool était relativement faible au sein de l’échantillon, alors que 55,9% des camionneurs ont mentionné ne pas en consommer ou en consommer de façon occasionnelle. Toutefois, la consommation de drogue s’est avérée élevée alors que 22,1 % des camionneurs ont déclaré en consommer tous les jours ou tous les deux jours.
«Bien que cette étude se concentre principalement chez les camionneurs présentant déjà des comportements à risque, elle permet de mettre en lumière des facteurs de stress présents chez les personnes de ce métier, peu importe leur situation », d’écrire l’auteure.
«L’échantillon de cette étude n’a pas permis de confirmer que les camionneurs ayant vécu un accident de la route impliquant une tentative de suicide devant leur véhicule présentaient des symptômes plus sévères de détresse psychologique et une altération plus marquée du fonctionnement quotidien que ceux qui ont vécu un accident sans tentative de suicide. », indique Camille Blouin dans sa thèse.
«Le contexte de l’accident n’est pas ce qui semble avoir la plus grande influence sur la santé mentale. Dans les recherches futures, la prise en compte du temps depuis l’accident ou du nombre d’accidents vécus, entre autres, permettrait d’obtenir un portrait plus fidèle de cette population.»