La Chronique de Brice Couturier
par Brice Couturier sur http://www.franceculture.fr/emission-la-chronique-de-brice-couturier-le-suicide-des-adolescents-2015-01-27
C’est une étude publiée conjointement par la
faculté de médecine de Poitiers et l’Observatoire régional de la Santé
d’Alsace, l’an dernier, qui a sonné l’alarme. 20 % des filles et 9% des garçons de 15 ans, qui ont répondu à leur questionnaire, ont déclaré avoir déjà tenté de se suicider.
Les résultats étaient concordants dans les deux régions. Ils ont semé
la consternation chez les responsables de la Santé publique.
Ces données sont toutefois à manier avec précautions, puisqu’ils émanent d’interrogatoires personnalisés. Et que les chiffres publiés par le Ministère des Affaires sociales et de la Santé sur le suicide en France démontrent que ce sont les catégories les plus âgées qui se suicident le plus. Dans le dernier « Etat des lieux du suicide en France », publié en juillet 2014, on observe un taux de 40 morts par suicide sur 100 000 personnes dans la tranche des 85-94 ans et 30 dans celle des 75-84 ans. Il n’est que de 6,4 chez les 15-24 ans, le double chez les 25-34 ans, 12. Le taux de mortalité par suicide augmente avec l’âge, lit-on dans cet Etat des lieux. Les chiffres le vérifient.
Reste ce fait atterrant : avec 15 % des décès, le suicide est la 2° cause de mortalité chez les adolescents, derrière les accidents de la circulation, dont un certain nombre relèvent très probablement du suicide….
Car le suicide, chez l’adolescent, est un acte ambigu. Certains comportements à risque et autres « expériences extrêmes » peuvent s’apparenter à un jeu avec la mort. Le sujet lui-même ignore s’il s’en relèvera ou non. Toutefois, avertissent les psychologues, ce sont des signaux qu’il ne faut pas prendre à la légère. Plus la tentative de suicide est banalisée par l’entourage, plus elle court le risque d’être renouvelée. Puisqu’on ne prend pas mon appel au secours au sérieux, la prochaine fois j’irais un cran plus loin. Une logique de roulette russe.
Lorsqu’ils vont mal, les garçons ont tendance à commettre des actes anti-sociaux. Les filles retournent davantage la violence contre elles-mêmes. Cela peut passer par la scarification, des auto-mutilations, autant d’annonces d’un éventuel suicide.
Pour le docteur Xavier Pommeau, directeur du Pôle Aquitaine de l’Adolescence au CHU de Bordeaux, les ressorts de l’acte suicidaire sont à rechercher dans trois domaines : d’abord, évidemment, le besoin d’échapper à une souffrance ressentie comme intolérable. La meilleure façon de cesser de souffrir, c’est de cesser d’exister. Ensuite, une paradoxale volonté de « reprendre la main sur son destin ». De retrouver le contrôle de son propre corps en le détruisant. Enfin, le suicide est souvent aussi une manière de revendiquer son identité, de contraindre autrui à cette reconnaissance qui a trop fait défaut. On veut mourir pour demeurer à jamais dans la mémoire des autres.
Il faut se méfier des explications sociologiques à la petite semaine, chacun cherchant à dénoncer un des aspects de l’organisation sociale qui lui déplaît en prétendant parler au nom des suicidés. Aujourd’hui, on parle de société de compétition exacerbée, ou la multiplication des divorces, comme hier évoquait la « fatigue d’être soi » et la liberté vide.
L’étude de Durkheim sur le sujet, quoique fondatrice, n’est pas très éclairante. Que certains gestes désespérés aient pour causalité des normes trop contraignantes, comme dans les armées, ou au contraire, des normes chancelantes et trop peu contraignantes, favorisant ainsi la montée de désirs vagues, indéfinis, et donc destinés à demeurer insatisfaits, ne nous aide guère. Pas plus que l’opposition entre suicide « égoïste » et « altruiste ».
Le suicide constitue toujours une réponse à une situation. On peut emprunter un concept au psychologue américain Martin Seligman, auteur de Changer, oui, c’est possible. Un de ses autres livres, consacré à la dépression s’intitule « Helplessness », une notion qui est d’autant plus intéressante qu’elle est intraduisible. Détresse impuissante, sentiment d’incapacité à s’en sortir… C’est une situation qui est souvent ressentie à l’adolescence. Peut-elle nous aider à mieux comprendre ce qui peut provoquer le passage à l’acte ?
Ces données sont toutefois à manier avec précautions, puisqu’ils émanent d’interrogatoires personnalisés. Et que les chiffres publiés par le Ministère des Affaires sociales et de la Santé sur le suicide en France démontrent que ce sont les catégories les plus âgées qui se suicident le plus. Dans le dernier « Etat des lieux du suicide en France », publié en juillet 2014, on observe un taux de 40 morts par suicide sur 100 000 personnes dans la tranche des 85-94 ans et 30 dans celle des 75-84 ans. Il n’est que de 6,4 chez les 15-24 ans, le double chez les 25-34 ans, 12. Le taux de mortalité par suicide augmente avec l’âge, lit-on dans cet Etat des lieux. Les chiffres le vérifient.
Reste ce fait atterrant : avec 15 % des décès, le suicide est la 2° cause de mortalité chez les adolescents, derrière les accidents de la circulation, dont un certain nombre relèvent très probablement du suicide….
Car le suicide, chez l’adolescent, est un acte ambigu. Certains comportements à risque et autres « expériences extrêmes » peuvent s’apparenter à un jeu avec la mort. Le sujet lui-même ignore s’il s’en relèvera ou non. Toutefois, avertissent les psychologues, ce sont des signaux qu’il ne faut pas prendre à la légère. Plus la tentative de suicide est banalisée par l’entourage, plus elle court le risque d’être renouvelée. Puisqu’on ne prend pas mon appel au secours au sérieux, la prochaine fois j’irais un cran plus loin. Une logique de roulette russe.
Lorsqu’ils vont mal, les garçons ont tendance à commettre des actes anti-sociaux. Les filles retournent davantage la violence contre elles-mêmes. Cela peut passer par la scarification, des auto-mutilations, autant d’annonces d’un éventuel suicide.
Pour le docteur Xavier Pommeau, directeur du Pôle Aquitaine de l’Adolescence au CHU de Bordeaux, les ressorts de l’acte suicidaire sont à rechercher dans trois domaines : d’abord, évidemment, le besoin d’échapper à une souffrance ressentie comme intolérable. La meilleure façon de cesser de souffrir, c’est de cesser d’exister. Ensuite, une paradoxale volonté de « reprendre la main sur son destin ». De retrouver le contrôle de son propre corps en le détruisant. Enfin, le suicide est souvent aussi une manière de revendiquer son identité, de contraindre autrui à cette reconnaissance qui a trop fait défaut. On veut mourir pour demeurer à jamais dans la mémoire des autres.
Il faut se méfier des explications sociologiques à la petite semaine, chacun cherchant à dénoncer un des aspects de l’organisation sociale qui lui déplaît en prétendant parler au nom des suicidés. Aujourd’hui, on parle de société de compétition exacerbée, ou la multiplication des divorces, comme hier évoquait la « fatigue d’être soi » et la liberté vide.
L’étude de Durkheim sur le sujet, quoique fondatrice, n’est pas très éclairante. Que certains gestes désespérés aient pour causalité des normes trop contraignantes, comme dans les armées, ou au contraire, des normes chancelantes et trop peu contraignantes, favorisant ainsi la montée de désirs vagues, indéfinis, et donc destinés à demeurer insatisfaits, ne nous aide guère. Pas plus que l’opposition entre suicide « égoïste » et « altruiste ».
Le suicide constitue toujours une réponse à une situation. On peut emprunter un concept au psychologue américain Martin Seligman, auteur de Changer, oui, c’est possible. Un de ses autres livres, consacré à la dépression s’intitule « Helplessness », une notion qui est d’autant plus intéressante qu’elle est intraduisible. Détresse impuissante, sentiment d’incapacité à s’en sortir… C’est une situation qui est souvent ressentie à l’adolescence. Peut-elle nous aider à mieux comprendre ce qui peut provoquer le passage à l’acte ?