La ketamine, nouvel espoir dans le traitement de la dépression ? Publié le 12/01/2015 http://www.jim.fr/medecin/e-docs/la_ketamine_nouvel_espoir_dans_le_traitement_de_la_depression__149729/document_actu_med.phtml
La dépression est une affection psychiatrique touchant 8-12 % de la population mondiale et on estime en France que 3 millions de patients en souffrent. L’étiologie est multifactorielle et il est connu que des désordres neurobiochimiques y participent activement. Parmi les différentes thérapeutiques disponibles, il semblerait que les traitements pharmacologiques apportent statistiquement les meilleurs résultats. Ils présentent cependant un inconvénient de taille : ils lèvent l’inhibition de la dépression dès l’instauration du traitement alors que l’effet antidépresseur ne survient que 4 à 6 semaines après. Durant cette période, le patient est à haut risque de tentative d’autolyse.
Depuis quelques années, les chercheurs s’intéressent au potentiel antidépresseur d’une molécule déjà bien connue, la kétamine. Actuellement indiquée en anesthésie générale, elle est parfois utilisée dans le traitement de douleurs rebelles.
Un mode d’action complexe et des cibles multiples
La kétamine est un antagoniste non-compétitif des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA), localisés dans de nombreuses zones cérébrales et impliquées dans la dépression (via le glutamate). La kétamine présente également une affinité pour les récepteurs D2 (dopamine) et opioïdes ainsi qu’un potentiel inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, mimant le mode d’action des antidépresseurs les plus utilisés. Enfin, il a été montré dernièrement que la kétamine a une affinité pour les récepteurs MTOR (mammalian target of rapamycin) ainsi que d’autres cibles (GSK-3, GABA, 5-HT2A, AMPA).
Une des pistes mécanistiques permettant d’expliquer cet effet antidépressif rapide serait la libération (lors de l’inhibition par la kétamine des récepteurs NMDA) du « brain-delivered neurotrophic factor », dont le taux est diminué chez les patients dépressifs. Des modèles animaux de souris déficientes en BDNF qui développent des comportements dépressifs ont récemment conforté cette hypothèse.
Des études prometteuses chez l’Homme
L’efficacité antidépressive de la kétamine chez l’Homme varie selon les études de 25 à 100 % de réponse avec un délai d’action mesuré de quelques heures en moyenne, permettant en théorie de limiter le risque suicidaire imputable aux autres antidépresseurs.
En revanche, le développement de la kétamine comme antidépresseur se confronte à des effets indésirables déjà connus comme des perturbations psychomimétiques, des hallucinations visuelles et auditives, des troubles du sommeil, de la mémoire et digestifs.
L’efficacité de la kétamine est confortée par le fait que, dans la moitié des études, la population était habituellement résistance aux autres thérapies. Cependant, la dose utilisée était toujours la même (0,5 mg/kg), ce qui n’apporte pas d’information sur un éventuel effet-dose et pose la question du comparateur de ces études.
Florian Slimano
Références
Drewniany E et coll.: Rapid-onset antidepressant action of ketamine:
potential revolution in nderstanding and future pharmacologic treatment
of depression. J Clin Pharm Ther., 2014. Publication avancée en ligne le
26 décembre; DOI: 10.1111/jcpt.12238.http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jcpt.12238/abstract