Xavier Lalu 7 décembre 2011 / article carredinfo.fr
Illustration d'un médecin - Photo CC
Pour le commun des mortels, le médecin incarne la blouse blanche, celle qui rassure et qui répond aux maux du quotidien. Experts, respectés, et parfois même confidents, ces professionnels de santé jouent souvent un rôle prépondérant au sein des foyers. Mais comme le veut l’adage, « les cordonniers sont les plus mal chaussés », et les médecins n’échappent pas à la règle. Solitude, dépression, addiction ou tout simplement petits problèmes ponctuels, l’association MOTS propose de venir en aide aux membres de corps médical de la Haute-Garonne. Une première en France.
Une des professions les plus exposées au risque de suicide
L’idée est partie d’un constat : les médecins sont de plus en plus sujets à l’épuisement professionnel et à l’isolement. A l’appui de ce diagnostic, « une étude qui révèle que les médecins sont la profession où l’on se suicide le plus après la police », explique le docteur Philippe About, président de l’association MOTS (Médecin-Organisation-Travail-Santé). Moins dramatique, des retours de terrain indiquent également une progression des difficultés liées à l’organisation. En effet, la partie libérale de ce corps de métier est exposée au risque de débordement lié aux démarches administratives ou à la comptabilité.
Il y a un an, lui et plusieurs de ses confrères décident donc de lancer une structure indépendante en Haute-Garonne, afin de proposer « une entraide confraternelle ». Un premier exercice qui s’est soldé par la prise en charge de 41 médecins d’horizons très différents : une moitié de généralistes, un tiers exerçant en milieu hospitalier, le tout pour une moyenne d’âge de 49 ans. Plus de la moitié étaient des femmes. « Une tendance qui s’explique par une plus grande facilité de ces dernières à se confier en cas de problèmes ».
« Beaucoup d’entre nous n’ont pas de médecins traitants »
Si une partie des motifs étaient de l’ordre de l’accompagnement administratif ou de l’aide à la reconversion, la moitié des cas relevaient de problématiques liées à l’épuisement professionnel ou au mal être au travail. « Cette situation est le résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs : une augmentation de la charge de travail, l’allongement des durées de consultations lors desquelles les patients ont davantage le besoin de parler et également l’accroissement des tensions entre médecins et patients ».
Comme dans d’autres métiers, ces facteurs peuvent conduire à la dépression voire à l’apparition de comportements addictifs liés à l’alcool ou aux drogues. « Cela peut paraître surprenant mais beaucoup d’entre nous n’ont pas de médecins traitants. Une bonne partie pratique l’automédication, chose que l’on déconseille par ailleurs à nos patients ». Ces pratiques de solitaires sont encore plus marquées dès qu’il s’agit de problèmes psychologiques. « On assiste alors à la politique de l’autruche ». Ces comportements s’expliquent par la proximité inhérente aux membres d’un même corps de travail : tout le monde se connaît et il est alors délicat de se livrer à ses confrères. « La prise en charge d’un médecin est particulière. Dans des cas de traitement de l’addiction, on ne peut pas imaginer envoyer un médecin dans un service où il se retrouvera aux côtés de ses anciens patients ».
L’association garantit donc une totale confidentialité. « Un de nos collègues a fait appel à nous pour des problèmes d’alcoolisme. Il a été ainsi pris en charge dans un service spécialisé mais dans une autre région ».
La France est très en retard dans ce domaine et l’initiative MOTS est la première de ce type dans l’hexagone. « En Catalogne, cette question est soulevée depuis longtemps. Barcelone accueille ainsi une clinique spécialisée dans le traitement des personnels soignants ». Face aux sollicitations croissantes, MOTS s’étend en 2011 à toute la région Midi-Pyrénées et au Languedoc-Roussillon. L’association devrait également bientôt servir d’exemple dans d’autres régions qui souhaitent reproduire l’initiative.
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INFO ++ Reférences article
Lien association MOTS http://www.association-mots.org/
Etude référencée : Cohidon C, Geoffroy-Perez B, Fouquet A, Le Naour C, Goldberg M, Imbernon E. Suicide et activité professionnelle en France : premières exploitations de données disponibles. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire, avril 2010. 8 p. Disponible sur :
www.invs.sante.fr
www.invs.sante.fr
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