Source : sante.lefigaro.fr
Par Pascale Senk - le 03/11/2011
Le Dr Christophe Fauré, psychiatre et psychothérapeute, a écrit Vivre le deuil au jour le jour (Éd. Albin Michel) et fondé le site internet traverserledeuil.com .
LE FIGARO. - Que pensez-vous de l'expression «faire son deuil» ?
Dr Christophe FAURÉ. - Elle a peu de sens. En effet, après le traumatisme de la perte d'un proche, deux processus intérieurs s'enclenchent chez la personne endeuillée, et de manière spontanée. Le premier, sur lequel on a aucun contrôle et qui ne requiert aucune intelligence, est un processus naturel de cicatrisation psychique. Même si on ne fait rien, le deuil se fait. C'est tout comme lorsqu'on se blesse physiquement : les plaies, même les plus béantes, se referment peu à peu, et les peaux se restructurent. Mais une trace de la blessure et parfois même une infime cicatrice resteront à tout jamais. Ensuite, il y a le «travail du deuil», tout ce que la personne peut faire de manière consciente pour aider à cette cicatrisation psychique, comme elle le ferait en désinfectant une plaie par exemple. Et ce cheminement dans le deuil, la plupart s'y engagent naturellement.
Comment accompagner ce processus naturel ?
En maintenant un lien avec leur disparu, ce que de nombreuses personnes savent faire : en allumant une bougie dans la pièce où il se tenait souvent, en écrivant une lettre, en parlant de lui quand l'envie se présente. Surtout, en ne zappant pas sur cet être et cet épisode crucial de la vie comme notre société si pressée nous y invite. Il est vrai que, comme personne en souffrance, l'endeuillé nous sollicite et on n'a pas forcément envie de le prendre en charge, de le porter sur plusieurs mois. Mais le plus souvent c'est notre société qui est pathogène, lorsqu'elle suggère de «passer vite à autre chose».
Mais il y a les deuils pathologiques, ceux qui deviennent interminables ?
On en parle beaucoup, mais ils sont extrêmement rares. Je préfère parler de deuil «compliqué» ou «difficile» et ceux-ci tiennent à différents facteurs. Bien sûr, il y a d'abord la nature même du décès : lorsque vous perdez quelqu'un dans un homicide ou un suicide, l'impact est très fort. La nature de la relation que l'on entretenait aussi avec ce proche est déterminante : lorsque l'on avait avec lui des conflits permanents, on peut être amené à vivre son deuil avec un grand sentiment de culpabilité. Il y a aussi le cas des personnes qui vivent cette perte sur un fond de vraie dépression ou qui avaient en plus des problèmes de santé… Mais ce que j'observe le plus souvent, ce sont des endeuillés qui viennent consulter parce qu'ils trouvent que «leur douleur ne passe pas assez vite». Quand vous avez perdu un enfant, le chagrin peut s'installer pendant six ou huit ans ! En sortir est un processus lent sur lequel peu de gens sont informés.
Est-ce pour cela que vous avez fondé un site gratuit, et ouvert à tous ?
Oui, et depuis 2010, grâce à cette nouvelle technologie, nous pouvons offrir à la fois du soutien et des informations. Le soutien, on le trouve dans les forums, où naturellement ceux qui sont passés par là aident le nouveau venu. Les informations, nous les diffusons surtout via des formats courts, des vidéos qui donnent des explications sur les différents temps du processus de deuil. Ainsi, les personnes qui n'ont ni envie de consulter de psychothérapeute ni de fréquenter les groupes d'endeuillés trouvent-ils quand même une aide essentielle.
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