Mélissa Macalli, du soin à la recherche sur la santé mentale
Publié le : 25/10/2024 https://www.inserm.fr*
Mélissa Macalli, chercheuse Inserm en épidémiologie au sein du centre de recherche Bordeaux Population Health (BPH) de Bordeaux, fait partie des 35 chercheuses récompensées par le Prix Jeunes Talents France 2024 de la Fondation L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et Science. Une belle reconnaissance de son parcours remarquable, marqué par le souhait d’une meilleure prise en charge de la santé mentale des jeunes adultes.
Infirmière de formation, Mélissa Macalli exerce pendant douze ans dans différents hôpitaux publics et privés. Son expérience d’infirmière à l’hôpital Saint-Anne, dans un service psychiatrique, l’a confronté aux premiers signes des pathologies mentales chez les jeunes adultes, renforçant sa conviction que les suicides et les conduites suicidaires pourraient être évités avec une prise en charge adéquate et précoce des maladies psychiatriques. Elle se tourne ensuite vers l’humanitaire en rejoignant l’ONG Médecins sans Frontières (MSF) comme coordinatrice de projets dans des zones de crise, notamment en Irak et en Guinée. Son engagement au sein de l’ONG MSF, révèle l’importance de la prise en compte de la santé mentale des jeunes dans les projets humanitaires. Elle participe notamment à des projets d’accompagnement psychologique des enfants, adolescents et jeunes mères dans les camps de réfugiés syriens.
« J’ai souhaité me former à la santé publique pour avoir une vision plus globale et me mettre à l’échelle des populations », nous confie-t-elle. Une façon également d’associer son expérience clinique à une démarche scientifique basée sur les preuves pour améliorer la prise en charge des patients. Une décision qui l’amena à reprendre des études en santé publique à Bordeaux puis à poursuivre en doctorat au centre de recherche BPH sur les conduites suicidaires des jeunes adultes, et notamment dans la population étudiante, en pleine épidémie de Covid-19. Des travaux de recherche dont le contexte souligne l’importance puisque cette période est associée à une dégradation globale de la santé mentale des jeunes. Un sujet qui a été décrété priorité nationale.
© Clémence Losfeld
Dix ans après sa reprise d’étude, Mélissa Macalli obtient alors sa thèse en épidémiologie, un parcours qu’elle n’imaginait pas si long au départ. Après 2 années de post-doctorat au sein de la même équipe, elle vient d’obtenir un poste de chargée de recherche Inserm !
Répondre à la souffrance psychologique pour apporter des solutions adaptées
Le suicide représente la 2e cause de mortalité chez les jeunes adultes. Santé Publique France alerte sur un doublement des tentatives de suicides déclarées chez les 18–24 ans entre 2017 et 2021. Un étudiant sur cinq a eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois et 6 % ont fait une tentative de suicide au cours de leur vie. Le passage à la vie étudiante représente une période délicate et déstabilisante pour de nombreux jeunes adultes. Elle combine plusieurs facteurs de stress et de vulnérabilité psychologique tels qu’une prise d’autonomie financière, sociale et/ou émotionnelles, une précarité économique pour certains, mais aussi une pression académique notamment dans les filières très sélective associées à une incertitude sur l’avenir. Une période également marquée par l’émergence de certaines maladies psychiatriques comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires. L’entrée dans la vie étudiante représente donc une période charnière où l’université pourrait jouer un rôle clé dans la prévention des problèmes de santé mentale, mais également le repérage des jeunes en souffrance.
Le suicide est évitable si on prend en charge suffisamment tôt les pathologies psychiatriques et les situations à risque. L’objectif, c’est zéro suicide.
Mélissa Macalli explore les déterminants des conduites suicidaires, comme la consommation de substances, la qualité du sommeil ou l’activité physique, au sein de la population étudiante. Ses travaux de recherche représentent un enjeu crucial dans la compréhension et la détection des conduites suicidaires chez les jeunes adultes : « Parler du suicide et de ses causes pourraient permettre de détecter plus tôt les situations à risque et d’apporter des solutions adaptées. », souligne-t-elle.
En ligne de mire des travaux de recherche de Mélissa Macalli se trouve la construction d’un outil à l’attention des étudiants et étudiantes, en collaboration avec l’espace santé étudiant de l’université de Bordeaux. « Il y a une grande méconnaissance des dispositifs d’accompagnement et surtout une faible recherche d’aide parmi les étudiants qui en ont besoin. On estime que seulement un étudiant sur deux parle de ses pensées suicidaires à quelqu’un. Il faut vraiment aller les chercher afin de leur proposer un accompagnement adapté pour ne pas les laisser seuls face à leur détresse », constate Mélissa Macalli. L’application concrète de ses recherches consiste en la création d’un dispositif de détection précoce et de prévention de la détresse psychique et des conduites suicidaires, qui pourrait être proposé dès l’entrée à l’université afin d’orienter et de faciliter le recours aux soins : « L’idée serait de proposer une intervention numérique pour les entrants à l’université avec un retour personnalisé de leur santé mentale, de détecter ceux et celles qui sont en difficulté, de les informer sur les ressources disponibles et de les orienter du mieux possible vers le soin. »
L’importance de la place des femmes en sciences
Concilier sa reprise d’étude exigeante, une carrière scientifique et une vie de famille, ne s’est pas fait sans difficulté pour Mélissa Macalli. Grâce au soutien de sa famille, à la solidarité présente au sein du master, ainsi que l’environnement bienveillant de son laboratoire de recherche, elle a pu dépasser les difficultés et mener de façon sereine ses travaux de recherche, tout en trouvant un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée, notamment en tant que mère d’un jeune enfant. Elle souligne l’importance de ses mentors : « Ma co-directrice de thèse, Sylvana Cöté, a été une source d’inspiration importante. C’est une femme scientifique brillante et très charismatique, qui travaille dur, qui est aussi maman, et qui a su partagé avec moi son enthousiasme pour ses projets de recherche. Mon co-directeur de thèse, Christophe Tzourio, m’a énormément fait confiance. Il a facilité mon intégration en tant que mère au sein de l’équipe en étant flexible sur mes conditions de travail. Quand quelqu’un nous met en confiance et facilite une organisation qui convient à tout le monde, ça aide beaucoup. » Un soutien crucial pour lui permettre d’atteindre ses objectifs.
Mélissa Macalli met en avant l’importance de transmettre son expérience aux jeunes femmes scientifiques en les accompagnant pendant le doctorat, mais aussi dans l’après-thèse. Une transmission importante également dès le plus jeune âge, au niveau scolaire, afin d’inciter et d’encourager les jeunes filles à se diriger vers des carrières scientifiques avec des rôles modèles. Le programme Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et Science est associé à des actions de vulgarisation scientifique à destination des scolaires. « Aller à la rencontre des jeunes filles dans les collèges et lycées permet de leur montrer que c’est possible et de les encourager dans leurs envies de se diriger vers les sciences ! Malgré les efforts fournis, les femmes ne représentent toujours que 30% des chercheurs. Cette sous-représentation engendre notamment des biais de genre dans l’interprétation des résultats scientifiques. Alors que l’expertise des femmes permet d’apporter un autre regard sur les thématiques de recherche. », indique Mélissa Macalli.
Si vous êtes en détresse et/ou avez des pensées suicidaires, si vous voulez aider une personne en souffrance, vous pouvez contacter le numéro national de prévention du suicide, le 3114 / Portail d’information sur le suicide
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