lundi 7 octobre 2024

REPORTAGES 3114

Prévention suicide : 6000 appels par an au 3114, "le simple fait de répondre permet de rassurer"

Un numéro de prévention pour le suicide a été lancé il y a trois ans, au niveau national. Pour six départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les appels arrivent au CHU de Saint-Etienne, avec au bout du fil, des infirmiers et infirmières en psychiatrie. • © Mathis Merlen / France Télévisions

Écrit par Marianne Leroux et Emilie Mechenin Publié le 04/10/2024 france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/loire/saint-etienne

Un numéro de prévention pour le suicide a été lancé il y a trois ans, au niveau national. Pour six départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les appels arrivent au CHU de Saint-Etienne, avec au bout du fil, des infirmiers et infirmières en psychiatrie.

Depuis trois ans, des infirmiers en psychiatrie décrochent quotidiennement pour le 3114. Ce numéro gratuit est destiné aux personnes suicidaires, à leurs proches, mais aussi aux professionnels de santé. Chaque année, au CHU de Saint-Etienne, entre 5 500 et 6000 appels au secours sont reçus. "Tout le monde peut appeler au 3114 ou, au moins, prendre des renseignements sur la conduite à tenir, sur les possibilités d'amener les personnes ou pas au soin et de pouvoir rassurer l'entourage qui est souvent inquiet des discours suicidaires de leurs proches", confie Aline Thivel, infirmière en psychiatrie.
"Des journées éreintantes psychologiquement"

Des appels de toute la région - Allier, Puy-de-Dôme, Cantal, Haute-Loire, Ardèche, Loire - arrivent à Saint-Etienne. À l'écoute des patients, les professionnels doivent rester calmes : "Il faut être rassurant, essayer d'apaiser la personne et faire un point sur la situation", explique Aline Thivel. "Parfois, le simple fait de répondre, ça permet de rassurer, mais sinon on envoie la personne aux urgences, si la personne peut y aller, sinon on essaye de garder le patient au téléphone pour le rassurer et être en lien avec lui en attendant les secours". Les infirmiers et infirmières sont partagés entre la ligne téléphonique et les urgences, ce qui est une bonne chose pour Aline : "On n'est pas tout le temps au téléphone et heureusement parce que parfois ça peut être des journées éreintantes psychologiquement".

Le travail est cependant presque le même qu'aux urgences : "Ce sont les mêmes questions qu'on va poser et le même risque qu'on va évaluer, il y a juste d'autres signaux à chercher puisqu'on n’a pas la personne en face. On va être attentifs aux bruits autour de la personne et à son allocution", raconte Chloé Rios, infirmière en psychiatrie.

Un numéro de prévention pour le suicide a été lancé il y a trois ans, au niveau national. Pour six départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les appels arrivent au CHU de Saint-Etienne, avec au bout du fil, des infirmiers et infirmières en psychiatrie. • ©Mathis Merlen / France Télévisions

"Ça se joue dans les minutes"

Certains appels, qui durent en moyenne entre 20 et 30 minutes, sont plus difficiles à gérer que d'autres : "Quand c'est de l'urgence, c'est de l'urgence, quand ce n'est pas de l'urgence, on s'en rend vite compte, mais les appels les plus difficiles, c'est l'entre-deux", déclare l'infirmière."Parfois, il y a une inquiétude mais la personne ne veut pas aller aux urgences, on marche sur des œufs, on ne sait pas si on fait les choses correctement mais heureusement il y a toujours un psychiatre qu'on peut appeler si besoin".

Les professionnels de santé qui répondent aux appels travaillent dans les locaux du SAMU, ce qui permet une prise en charge plus rapide, s'il y a des besoins. "Il ne faut pas perdre de temps, sur un risque de passage à l'acte suicidaire, ça se joue dans les minutes", confie Rodolphe Ollier, cadre santé. Si 5% des appels conduisent à l'envoi des secours en urgence, chaque échange peut être une véritable bouée de sauvetage. Le taux de suicide en France est l’un des plus élevés des pays européens, et le suicide constitue la deuxième cause de mortalité des 10-25 ans après les accidents de la route, selon le gouvernement.


https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/loire/saint-etienne/prevention-suicide-6000-appels-par-an-au-3114-le-simple-fait-de-repondre-permet-de-rassurer-3041128.html


 
Prévention du suicide : Agnès sauve des vies au 3114 de Bordeaux
Bordeaux
De Arnaud Carré
Vendredi 4 octobre 2024 à 17:45 Par France Bleu Gironde

Ce service téléphonique, qui a fêté ses 3 ans ce mardi, a enregistré plus de 16000 appels et en traite aujourd'hui 5 à 600 chaque mois. Installé au centre hospitalier Charles Perrens, il compte 14 professionnels dont Agnès qui aide au bout du fil une population croissante de gens en détresse.

C'est dans cette pièce qu'arrivent les appels de gens en détresse. - CH Charles Perrens

Ce qui frappe dans cette petite pièce d'une dizaine de mètres carrés, c'est le silence. Silence juste troublé par la sonnerie du téléphone. Micro-casque sur la tête, Agnès écoute puis parle. La voix est douce, le ton posé car chaque mot peut être lourd de conséquences.

"L'idée c'est de désescalader cette crise suicidaire sur le temps de l'appel, les mettre en sécurité. Ca peut être de solliciter un voisin, une voisine, un parent. Parfois c'est une orientation aux urgences psy via un appel au SAMU. On doit réagir vite."
"On est là pour leur prendre la main, ils ne sont plus en mesure de réfléchir pour eux-mêmes"

De la personne isolée en dépression qui a besoin de parler, à celle qui a un instinct de survie devant sa boite de médicaments, chaque appel, chaque parcours de vie est unique.

"On est là pour leur prendre la main, les sortir de ce brouillard cognitif dans lequel il se trouvent. Ils ne sont plus en mesure de réfléchir pour eux-mêmes. On les aide à sortir de là."

Attiré par la psychiatrie, par la multiplicité des profils et la capacité à nouer des liens, cette infirmière a suivi une formation pour intégrer le service. Depuis deux ans, elle protège les gens en détresse tout en prenant soin de se protéger elle-même.

"Ca ne s'apprend pas, c'est une manière d'être pour ajuster à chaque fois la distance pour être le plus aidant possible. Et après, bien souvent, pour se réguler au niveau émotionnel entre nous, on verbalise avec un collègue." Un travail prenant, un travail sur l'humain et sur soi. Sans forcément beaucoup de retours.

"Ca nous arrive de temps en temps. Des personnes qui se trouvaient en très grande souffrance ou en crise suicidaire nous ont appelé quelques mois après pour nous remercier tout simplement d'avoir été là à ce moment-là. On se dit qu'on a sauvé une vie, qu'on est utile dans ce que l'on fait et il faut que ça se développe."

Utilité et nécessité. En Nouvelle-Aquitaine, 4,9% des habitants ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois. 
Arnaud Carré

https://www.francebleu.fr/infos/societe/prevention-du-suicide-agnes-sauve-des-vies-au-3114-de-bordeaux-4625033