jeudi 20 octobre 2016

Présentation de la cellule du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré (Paris)

d'après article  « Il ne faut pas banaliser la souffrance de l’enfant »
Docteur Coline Stordeur, pédopsychiatre au service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré (Paris).
Recueilli par Lauriane Clément, le 18/10/2016 la-croix.com*

La Croix  : Vous avez mis en place une cellule de prise en charge des enfants dépressifs. Comment fonctionne-t-elle ?

Coline Stordeur : C’est un dispositif relativement unique en Île-de-France, créé il y a quelques années pour répondre au problème de la dépression et du risque de suicide chez les enfants. Les parents font appel à nous lorsque leur enfant manifeste des signes de souffrance. Ils se sentent souvent démunis et ne savent pas à quelle porte frapper. Nous sommes là pour cela. Le but est de faire une première évaluation de la situation du jeune et de l’orienter vers les dispositifs les plus adaptés.
Enfin, si le risque suicidaire est élevé, nous hospitalisons l’enfant au plus vite. Très peu de lits sont disponibles en Île-de-France, cela demande à chaque fois beaucoup d’énergie pour en trouver. Nous assurons également des prises en charge ambulatoires avec des consultations de post-urgence pour accompagner certaines situations de crise. En moyenne, nous prenons en charge 200 enfants dépressifs par an à Robert-Debré.Quels traitements préconisez-vous pour ces jeunes patients ?
C. S. :Nous utilisons avec les enfants des thérapies cognitivo-comportementales (TCC), en nous inspirant des pratiques anglo-saxonnes. Nous pouvons par exemple construire une petite histoire avec l’enfant, en créant un personnage qui serait son alter ego « heureux ». Imaginons qu’un enfant soit triste car sa maîtresse ne lui a pas dit bonjour avec un sourire le matin. Nous lui expliquons que cela ne veut pas dire qu’elle ne l’apprécie plus, mais qu’elle a peut-être d’autres préoccupations. Nous voyons ensuite avec lui comment son ami imaginaire aurait pu réagir et lui demander s’il serait capable de faire la même chose à l’avenir. En général, les enfants sont assez réceptifs à ce type d’approche. Il n’est pas question de se ruer d’emblée vers les psychotropes. L’indication de traitements antidépresseurs n’arrive qu’en seconde intention, si après quelques séances nous nous apercevons que la psychothérapie seule ne suffit pas.
Comment savoir si un enfant risque vraiment de passer à l’acte ?
C. S. : Nous nous intéressons à un certain nombre de critères : ses idées autour de la mort, leur fréquence… A-t-il imaginé des scénarios pour se suicider ? Les moyens envisagés pour se donner la mort sont-ils facilement accessibles ? L’enfant a-t-il planifié son passage à l’acte ? Il s’agit aussi de percevoir sa vision de la mort. L’âge auquel l’enfant prend conscience du caractère irréversible de la mort dépend de son vécu, notamment s’il a déjà été confronté à un deuil dans sa famille. Ainsi, cette conscience peut exister dès 5-6 ans chez certains enfants.
Le suicide chez les petits est sous-évalué. Même les médecins qui font les certificats de décès ont tendance à écrire « mort accidentelle » plutôt que « suicide ». Ils ne veulent pas penser l’impensable, ce qui conduit à un certain biais. Avant les années 1970, personne n’imaginait que la dépression des enfants pouvait exister. Nous en sommes revenus. Aujourd’hui, nous nous battons pour que la souffrance des plus jeunes ne soit pas banalisée.