Julie Fondriest, « Maxime Boucher, La nuit carcérale. Souffrir et éviter la souffrance en prison, le cas français (1944-1981) », Criminocorpus, revue hypermédia
 [En ligne], Comptes rendus, mis en ligne le 07 mars 2013, consulté le 
17 mars 2013. URL : http://criminocorpus.revues.org/2404 ; DOI : 
10.4000/criminocorpus.2404 (Julie Fondriest, Doctorante en sciences politiques à l’IEP de Grenoble).
L’ouvrage de Maxime Boucher, issu d’une thèse en histoire contemporaine soutenue en 2010, propose
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Extrait du compte rendu
"L’intérêt de l’ouvrage réside sans nul doute dans le croisement des regards historiques, sociologiques et anthropologiques pour saisir les relations entre stratégie et souffrance examinées à partir du sixième chapitre. Maxime Boucher interroge plusieurs pratiques de souffrance que les détenus imposent à leur propre corps : le tatouage, l’automutilation, la grève de la faim, la mutinerie, l’évasion et le suicide. Malgré les lacunes des sources soulignées avec franchise par l’historien, ce dernier retrace l’évolution statistique de ces différentes pratiques, éclaire le lecteur sur le profil des automutilateurs, des évadés et des suicidés et sur leurs motivations. Selon lui, il ne faut pas comprendre ces actes comme des gestes irrationnels, dénués d’intérêt et de but, ou comme des symptômes de la folie prisonnière. Au contraire, ces pratiques sont guidées par une logique stratégique individuelle ou collective qui prend racine la plupart du temps dans une volonté de « faire plier » l’autorité, de s’affirmer, de retrouver cette part de soi, cette identité niée ou réduite à celle de prisonnier. C’est, comme le répète l’auteur, une façon de crier ses souffrances par la souffrance.
4Envisager
 le recours à la souffrance comme une stratégie permet de souligner le 
fait qu’en prison, en dépit du rapport de domination qui s’instaure 
entre l’autorité et le prisonnier, ce dernier dispose d’infimes mais 
réelles marges de manœuvre. En ce sens, on rejoint la vision 
foucaldienne du pouvoir – qui aurait d’ailleurs mérité une place de 
choix dans cette recherche – selon laquelle il n’existe pas de relations
 de pouvoir sans résistances. L’auteur préfère parler de « stratégies 
d’évitement » ou de « contournement », mais il s’agit surtout de 
stratégies de résistance, d’un refus d’une soumission totale à une 
autorité jugée plus ou moins légitime. Choisir de mener une grève de la 
faim pour dénoncer une injustice, des conditions de détention 
intolérables n’est pas un moyen d’éviter la souffrance, mais une volonté
 de l’affronter, de s’y opposer, de résister, par les seules armes qui 
restent à la disposition du détenu, celles que lui délivre son propre 
corps."
 
