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Dépression, idées suicidaires : à Orléans, une étude inédite pour suivre la santé mentale des étudiants en médecine
C’est une première en France. À Orléans (Loiret), le Laboratoire Interdisciplinaire pour l’Innovation et la Recherche en Santé (LI²RSO) lance OSMOSE, une gigantesque étude destinée à suivre pendant plus de vingt ans l’évolution de la santé mentale des futurs soignants.
Il s’agit d’un projet scientifique ambitieux, taillé pour prendre la mesure d’un malaise croissant chez les futurs médecins. À l’origine de l’étude OSMOSE, la professeure Jasmina Mallet, psychiatre fraîchement arrivée au CHU d’Orléans (Loiret). « Avec la nouvelle faculté de santé, il m’a semblé essentiel de connaître l’état de santé psychique des étudiants », explique-t-elle. Le nom OSMOSE n’a rien du hasard : « Il renvoie à l’équilibre. À l’idée d’être en harmonie avec ses études. C’est exactement ce qui fait défaut à beaucoup de jeunes que je rencontre. »
« Ils ne prennent pas soin d’eux »
Car le constat est alarmant. Les épisodes dépressifs ont presque doublé en France chez les 18-25 ans depuis la pandémie de Covid 19. Et chez les étudiants en médecine, la situation est encore plus préoccupante : le risque de dépression est multiplié par 1,7, les idées suicidaires sont cinq fois plus fréquentes, mais seulement un tiers d’entre eux osent consulter. « La stigmatisation reste énorme, y compris chez les futurs soignants. Beaucoup se disent : Si je ne travaille pas plus, je n’aurai pas mon concours. Ils ne prennent pas soin d’eux », soupire la psychiatre, également autrice d’une bande dessinée qui s’appelle « Le Monde est Psy », éditions Hygee.
« Il n’existait aucun suivi au long cours. Nous voulons comprendre ce qui déclenche les troubles, ce qui les aggrave, et comment mieux accompagner ces jeunes », insiste Jasmina Mallet. Une première vague de résultats est attendue « d’ici trois ou quatre mois ».
« Les violences sexistes et sexuelles existent vraiment »
Dans les amphithéâtres, le dispositif semble bien accueilli. Claire (le prénom a été modifié pour garantir l’anonymat), 24 ans, étudiante en troisième année de médecine et issue de L.AS, a déjà répondu au premier questionnaire. « Tout a été très bien expliqué en amphithéâtre. L’anonymisation est essentielle : c’est ce qui permet d’être honnête », confie-t-elle. Leur promotion compte à peine une centaine d’étudiants : « Ça permet un meilleur suivi, c’est rassurant. »
Comme beaucoup de futurs médecins, Claire parle d’études « exigeantes, parfois des montagnes russes pour la santé mentale ». Aux stages hospitaliers dès la deuxième année s’ajoutent les responsabilités croissantes auprès des patients. Et, parfois, un environnement difficile : « Les violences sexistes et sexuelles existent vraiment. J’y ai été confrontée. On en parle entre nous. Heureusement, on a des moyens de signalement et un bon accompagnement. »
Aider les plus vulnérables
C’est précisément ce que veut éviter OSMOSE. Au-delà de l’observation, l’équipe espère faire évoluer la prévention, voire intervenir directement auprès des étudiants les plus vulnérables. « Le but est que cette étude aide vraiment ceux qui ne vont pas bien. Qu’elle change des parcours de vie », résume la professeure Mallet, qui envisage déjà d’étendre le dispositif à d’autres campus.
La présentation officielle d’OSMOSE aura lieu au Congrès Français de Psychiatrie à partir du 10 décembre prochain. À Orléans, la jeune faculté de santé se prépare donc déjà à devenir un laboratoire national de la santé mentale des futurs soignants. Une osmose qui pourrait vraiment faire du bien.