lundi 17 novembre 2025

ETUDE RECHERCHE Lien entre périodes scolaires et intoxications suicidaires pédiatriques gérées par les centres antipoison français

O44 Lien entre périodes scolaires et intoxications suicidaires pédiatriques gérées par les centres antipoison français

M. Glaizal
, M. Petit, C. Schmitt, N. SimonCentre antipoison, AP–HM, Marseille, France

Available online 25 October 2025, Version of Record 25 October 2025. 
Toxicologie Analytique et Clinique Volume 37, Issue 3, Supplement, November 2025, Pages S101-S102
https://doi.org/10.1016/j.toxac.2025.09.037

Objectif
La très grande majorité des tentatives de suicides (TS) étant des intoxications, les cas pris en charge par le réseau des centres antipoison (CAP) sont un indicateur, non exhaustif mais fiable et actualisé en quasi-temps réel, des tendances de ces comportements. Lors de la pandémie de Covid-19, les appels aux CAP ont ainsi parfaitement reflété la hausse de l’ensemble des TS observées aux urgences, surtout chez les adolescentes et les jeunes femmes [1].
Forts de cette corrélation, nous avons voulu explorer et préciser, grâce aux données des CAP, une caractéristique des TS pédiatriques peu documentée : l’influence du calendrier scolaire. La saisonnalité de ces gestes sous l’angle des périodes de vacances a été peu étudiée à l’international (souvent sur des pas de temps compliquant l’interprétation – jour ou mois- et le plus souvent avant la Covid-19 et son impact psychologique) et pas en France à échelle nationale (une seule étude, récente et soulignant l’absence de travaux, mais aux données pré-Covid et aux classes d’âge inadaptées aux mineurs [2]).

Méthode
Étude descriptive rétrospective du nombre hebdomadaire (selon la date d’appel initial et numéro de semaine dans l’année) de cas d’intoxication à visée suicidaire chez des sujets de moins de 18 ans survenus en France métropolitaine et pris en charge par les CAP français entre le 01/01/2017 et le 31/12/2024. Confrontation au calendrier officiel des 8 années concernées, partagé par tous les types d’établissements (privés/publics) et niveaux (de la maternelle au lycée) du territoire métropolitain. Les TS d’adultes ont été comptabilisées pour comparaison.

Résultats
Avant (2017–2019) comme pendant (2020–2021) et après (2022–2024) la pandémie, on note une forte variation du nombre hebdomadaire de TS pédiatriques au long de chaque année, mais avec des parties basses assez synchronisées entre années, alors même que le total annuel de ces gestes a augmenté de plus de 79 % entre l’avant et l’après Covid-19. Ces baisses correspondent aux semaines de fermeture des établissements scolaires, qu’elles soient attendues (vacances) ou non (confinements). L’augmentation durable du nombre annuel de cas a bien plus concerné les filles, déjà largement majoritaires, que les garçons (resp. +90 % et +27 %), et le lien stable avec le calendrier scolaire n’est valable que pour le sexe féminin. Sur la même période, les CAP n’ont enregistré pour les TS d’adultes ni augmentation annuelle ni lien avec les congés scolaires. Pour la première fois en 2024, la majorité des suicidants pris en charge sont des enfants (n = 9706 vs n = 8740 chez les plus de 18 ans).

Conclusion
Nos résultats illustrent pour la première fois à échelle française d’une part, la persistance après la pandémie de l’« effet Covid19 » d’augmentation, plus nettement féminine, des TS toxiques pédiatriques ; et d’autre part, la très forte corrélation de la fréquence de ces comportements au temps scolaire, spécifiquement chez les filles et indépendamment de la pandémie.
Sans nier l’importance d’autres éléments (notamment réseaux dits « sociaux »), ces données vont dans le sens de l’existence de facteurs de stress propres au milieu scolaire que semblent pointer d’autres études plus larges sur la santé mentale des adolescentes, et pas exclusivement dans le système français. Ce signal d’alerte des CAP doit désormais être relayé par les communautés médicale et éducative : des travaux complémentaires sont nécessaires pour analyser les déterminants d’un effet si délétère de l’école et préciser les profils concernés, à des fins de prévention et de meilleure prise en charge.