M. Glaizal
, M. Petit, C. Schmitt, N. SimonCentre antipoison, AP–HM, Marseille, France
Available online 25 October 2025, Version of Record 25 October 2025.
Toxicologie Analytique et Clinique Volume 37, Issue 3, Supplement, November 2025, Pages S101-S102
Objectif
La
très grande majorité des tentatives de suicides (TS) étant des
intoxications, les cas pris en charge par le réseau des centres
antipoison (CAP) sont un indicateur, non exhaustif mais fiable et
actualisé en quasi-temps réel, des tendances de ces comportements. Lors
de la pandémie de Covid-19, les appels aux CAP ont ainsi parfaitement
reflété la hausse de l’ensemble des TS observées aux urgences, surtout
chez les adolescentes et les jeunes femmes [1].
Forts
de cette corrélation, nous avons voulu explorer et préciser, grâce aux
données des CAP, une caractéristique des TS pédiatriques peu
documentée : l’influence du calendrier scolaire. La saisonnalité de ces
gestes sous l’angle des périodes de vacances a été peu étudiée à
l’international (souvent sur des pas de temps compliquant
l’interprétation – jour ou mois- et le plus souvent avant la Covid-19 et
son impact psychologique) et pas en France à échelle nationale (une
seule étude, récente et soulignant l’absence de travaux, mais aux
données pré-Covid et aux classes d’âge inadaptées aux mineurs [2]).
Méthode
Étude
descriptive rétrospective du nombre hebdomadaire (selon la date d’appel
initial et numéro de semaine dans l’année) de cas d’intoxication à
visée suicidaire chez des sujets de moins de 18 ans survenus en France
métropolitaine et pris en charge par les CAP français entre le
01/01/2017 et le 31/12/2024. Confrontation au calendrier officiel des
8 années concernées, partagé par tous les types d’établissements
(privés/publics) et niveaux (de la maternelle au lycée) du territoire
métropolitain. Les TS d’adultes ont été comptabilisées pour comparaison.
Résultats
Avant
(2017–2019) comme pendant (2020–2021) et après (2022–2024) la pandémie,
on note une forte variation du nombre hebdomadaire de TS pédiatriques
au long de chaque année, mais avec des parties basses assez
synchronisées entre années, alors même que le total annuel de ces gestes
a augmenté de plus de 79 % entre l’avant et l’après Covid-19. Ces
baisses correspondent aux semaines de fermeture des établissements
scolaires, qu’elles soient attendues (vacances) ou non (confinements).
L’augmentation durable du nombre annuel de cas a bien plus concerné les
filles, déjà largement majoritaires, que les garçons (resp. +90 % et
+27 %), et le lien stable avec le calendrier scolaire n’est valable que
pour le sexe féminin. Sur la même période, les CAP n’ont enregistré pour
les TS d’adultes ni augmentation annuelle ni lien avec les congés
scolaires. Pour la première fois en 2024, la majorité des suicidants
pris en charge sont des enfants (n = 9706 vs n = 8740 chez les plus de 18 ans).
Conclusion
Nos
résultats illustrent pour la première fois à échelle française d’une
part, la persistance après la pandémie de l’« effet Covid19 »
d’augmentation, plus nettement féminine, des TS toxiques pédiatriques ;
et d’autre part, la très forte corrélation de la fréquence de ces
comportements au temps scolaire, spécifiquement chez les filles et
indépendamment de la pandémie.
Sans
nier l’importance d’autres éléments (notamment réseaux dits
« sociaux »), ces données vont dans le sens de l’existence de facteurs
de stress propres au milieu scolaire que semblent pointer d’autres
études plus larges sur la santé mentale des adolescentes, et pas
exclusivement dans le système français. Ce signal d’alerte des CAP doit
désormais être relayé par les communautés médicale et éducative : des
travaux complémentaires sont nécessaires pour analyser les déterminants
d’un effet si délétère de l’école et préciser les profils concernés, à
des fins de prévention et de meilleure prise en charge.