Au Zimbabwé, des bancs d’amitié pour guérir de la dépression
En langue shona, la dépression nerveuse se dit « kufungisisa », qui signifie « trop penser ». Au Zimbabwé, une personne sur quatre
serait atteinte d’une maladie mentale comme celle-ci. Le problème,
c’est que la situation du pays ne permet pas leur prise en charge. Pour y
remédier, le Dr Chibanda, chercheur en psychiatrie, a trouvé une
solution de secours pour aider les personnes en détresse.
Dans un pays où la tension économique, politique et sociale
est extrêmement forte, pas étonnant que ces difficultés se répercutent
sur la santé morale de ses citoyens. Malheureusement, l’absence de
protection sociale et la pénurie de médecins (seulement 12 psychiatres pour tout le Zimbabwé,
qui compte plus de 14 millions d’habitants) empêchent l’accès au soin
pour le plus grand nombre. De plus, la culture locale voit d’un très
mauvais œil le fait de consulter pour des motifs psychologiques. On
considère que l’hôpital psychiatrique est un truc réservé aux fous. Pour
le reste, nombreux sont ceux qui pensent avoir été maraboutés et qui se tournent alors vers un exorciste.
Préoccupé par la situation, le Dr
Chibanda, psychiatre à Harare, a mis en place une nouvelle solution qui
semble satisfaire les zimbabwéens. Dans la cour de certains hôpitaux des
grandes villes, il a installé des bancs sur lesquels des travailleuses
sociales formées aux bases de la psychothérapie
attendent les personnes qui auraient besoin de se confier. L’initiative
est gratuite et actuellement prise en charge par différentes aides
internationales. Chaque jour, des centaines de personnes viennent
consulter sur ces « friendship benches », et sont éventuellement orientées vers un professionnel plus compétent pour les pathologies les plus graves.
Depuis 2006, le bilan de l’expérience est largement positif, puisque plus de 27 000 personnes
auraient bénéficié de ce service. Une étude est même parvenue à
démontrer que la fréquentation des friendship benches serait plus
efficace que la prise d’anti-dépresseurs seuls. Chaque semaine, les
patients se rendent sur leur banc habituel et font l’objet d’un suivi et
d’une écoute approfondis. Les « grandmothers », comme
on les appelle là-bas, qui occupent ces postes de travailleurs sociaux
sont généralement des femmes âgées, que la société zimbabwéenne
considère comme plus sages, plus patientes. C’est aussi une manière de
dédramatiser l’acte de consulter. Les patients ont ainsi le sentiment de
s’adresser à un membre de leur communauté proche, à une amie un peu
plus disponible que les autres.
Et c’est là que se trouve le succès de
cette initiative, dans l’accessibilité et la simplicité de la démarche,
qui permettent d’offrir des soins, aussi primaires soient-ils, à des
personnes qui ne peuvent ou n’osent pas pousser la porte d’un cabinet
médical. Le Dr Chibanda l’explique ainsi :
« Les troubles mentaux classiques sont un immense fardeau sur tous les pays d’Afrique sub-saharienne. Après 20 ans de recherche communautaire, les friendships benches permettent à chacun d’acquérir une plus grande capacité de gestion et de contrôle de leur vie en les initiant à une manière structurée d’identifier leurs problèmes et d’y trouver des solutions concrètes. »
Bien sûr, cela ne permet pas de
résoudre les cas les plus préoccupants et il sera toujours préférable
de consulter un médecin en cas de souci. Mais dans les pays où cette
possibilité n’existe pas, les friendship benches permettent de palier,
au moins temporairement, au manque de moyens et de favoriser une
nouvelle forme de lien social. Peut-être même seraient-ils bienvenus
chez nous, où la solitude est un fléau contre lequel peu de solutions
existent. A quand des bancs d’amitié dans les hôpitaux de nos villes ?