Mal-être des Amérindiens : trouver des solutions ensemble
Stéphanie BOUILLAGUET
Jeudi 30 avril 2015 http://www.franceguyane.net/actualite/education-sante-environnement/mal-etre-des-amerindiens-trouver-des-solutions-ensemble-240548.php
L'association Ader a recueilli
l'avis de 78 habitants de Camopi pour réaliser un diagnostic de santé.
Il fait apparaître plusieurs causes de mal-être, notamment les
addictions (photos d'archives)
L'association Ader a interrogé près de 80 habitants de Camopi et de Trois-Sauts sur ce qui les fait se sentir bien ou mal. L'objectif est de mieux agir contre le mal-être en général, et le suicide en particulier.
Quelles
sont les causes du mal-être des habitants de Camopi et de Trois-Sauts,
sur l'Oyapock ? Qu'est-ce qui, au contraire, leur permet de s'épanouir ?
L'association Ader (1) est partie leur poser la question au cours de
deux missions de trois semaines, en février et en mars. Au total, 78
habitants de Camopi et de Trois-Sauts ont été interrogés, ainsi que les
représentants d'une quinzaine d'organisations : centre de santé, conseil
général, enseignants, associations...
«
Les habitants et les acteurs sur place sont les principaux experts des
problématiques sur leur territoire. Il ne s'agit pas de faire une
méthode descendante, du littoral vers les populations, mais bien
l'inverse. Nous commençons par les habitants pour qu'eux-mêmes fassent
des propositions pour améliorer ce qui ne va pas » , explique Rozenn Le
Pabic, directrice d'Ader. L'ensemble des entretiens a permis à
l'association d'établir un « diagnostic de santé » , dont les
conclusions ont été présentées mardi en préfecture.
DES INITIATIVES À RENFORCER
«
Ce qui ressort clairement des débats, ce sont les problèmes d'alcool.
Certains parents et certains jeunes en consomment beaucoup. C'est aussi
une conséquence du manque d'activités, de l'oisiveté, de l'échec
scolaire... » , poursuit Rozenn Le Pabic. Le système éducatif est
également souvent évoqué comme motif de mal-être.
Face
à ces problématiques, des petites solutions locales sont mises en
place. « Sur le thème de l'alcool, par exemple, un chef de famille
refuse que l'alcool « industriel » soit intégré dans les fêtes de
cachiri. Ce genre d'initiatives doit être diffusé et encouragé, car
elles sont adaptées. »
Mardi
en préfecture, des représentants d'associations et d'institutions ont
travaillé en ateliers pour formuler des propositions d'actions. Elles
seront présentées aux habitants de Camopi et Trois-Sauts dans quinze
jours. La toute nouvelle « Cellule pour le mieux-être des populations de
l'intérieur » (lire ci-contre) sera chargée d'encourager la réalisation des propositions retenues.
(1) Ader : actions pour le développement, l'éducation et la recherche.
Les motifs de bien-être... et de mal-être
Quand
on leur pose la question sur ce qui les rend mal, les habitants de
Camopi évoquent très souvent des problèmes de la vie quotidienne. Par
exemple, les déchets - « Ça me fait honte » - ou les herbes hautes : «
C'est dangereux car il peut y avoir des serpents, surtout la nuit » ,
explique Mina, une jeune femme du village Zidoc. La consommation
excessive d'alcool est aussi source de mal-être : « L'alcool détruit
l'Amérindien au niveau mental et physique, écrit Edward. (...) Les
jeunes boivent parce qu'ils manquent d'activités. Il n'y a pas
d'accompagnement après leurs études, on ne les aide pas à trouver une
formation ou du travail. » Ce manque d'activité est souligné par de
nombreux habitants, à l'image de Jean-Marc, 30 ans, du village Lipo Lipo
: « Les jeunes disent que depuis qu'ils sont nés, rien n'a changé ici. »
L'ACCÈS AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES
Mais
les habitants de Camopi et de Trois-Sauts parlent aussi de ce qui les
rendent heureux : « Le recours aux activités traditionnelles - comme la
chasse, la pêche, l'abattis, l'artisanat, le cachiri - renforce la
famille et la collectivité » , explique Céline Tscirhart, de
l'association Ader. Ils sont néanmoins friands des nouvelles
technologies (portable, tablette, ordinateur) et de découvertes : la
pirogue de voyage est un motif de bien-être car elle permet de partir « à
Saint-Georges, ou à Cayenne. [...] Là-bas, il y a des choses qu'on ne
voit pas à Camopi et qu'on veut acheter pour ramener, en plus c'est
moins cher » , indique Nina, 26 ans. Les quelques activités spor tives
(foot au hall sportif, etc.) et culturelles (fête du cachiri, musique)
sont également des motifs de satisfaction pour les habitants.
S.B.
Une cellule régionale « pour le mieux-être »
Le
préfet a annoncé mardi la création d'une « Cellule régionale pour le
mieux-être des populations de l'intérieur » . Comme son nom l'indique,
sa principale mission est de favoriser le bien-être des habitants.
Elle
« accompagnera et renforcera les actions des associations » . Marianne
Pradem, qui en a été nommée coordinatrice, sera assistée par un
Amérindien, en voie de recrutement. Il sera notamment chargé de « faire
en sorte que nous ne fassions pas fausse route » , précise le préfet.
Cette cellule va également centraliser les données liées aux suicides ou
aux tentatives de suicide en Guyane.