Le Figaro, no. 22482
Le Figaro, lundi 21 novembre 2016, p. 18
De nouvelles stratégies pour prévenir le suicide
PSYCHOÉDUCATION « Qu'aurions-nous pu faire ? » Cette question chargée de honte et de colère hante tous ceux qui ont eu à vivre le suicide
d'un proche, ou même d'un plus lointain. Désormais, des réponses
concrètes se profilent. Et elles sont essentiellement pédagogiques.
D'un côté, la communication sur un fléau qui provoque 220 000 tentatives et atteint 10 000 personnes par an, prend sérieusement en compte ses responsabilités et ose lever les tabous : parler du risque suicidaire est essentiel ; encore faut-il savoir comment. C'est là tout l'objet du « Programme Papageno » (https://papageno-suicide.com), une vaste opération de formation des médias impulsée par un jeune psychiatre du CHR de Lille, Charles-Édouard Notredame, et la chargée de communication de la Fédération régionale de recherche en psychiatrie des Hauts-de-France, Nathalie Pauwels. « Nous nous sommes rendu compte que l'aspect contagieux du suicide était intensifié par les erreurs de certains médias » , explique la communicante. « Répéter à outrance un fait divers concernant un suicide, préciser des lieux ou des moyens, utiliser des termes sensationnalistes..., sont autant de façons d'influencer encore davantage des personnes vulnérables. »
Pour que néanmoins la parole autour du risque suicidaire se libère, le programme Papageno envoie des internes psychiatres sensibiliser les étudiants des écoles de journalisme de toute la France ou même réaliser des formations flash dans les rédactions en place. « Là, nous réfléchissons aux moyens autres de parler de cette maladie , explique Nathalie Pauwels. Faire témoigner des personnes qui s'en sont sorties, indiquer les psychothérapies possibles ou ne jamais oublier d'indiquer en fin d'articles des numéros de téléphone pour ceux qui ont besoin d'aide . »
Changement majeur
Dans ces courants d'innovations pédagogiques, la psychiatrie n'est pas en reste. Ainsi, lors du prochain Congrès français de psychiatrie qui se tiendra à Montpellier d'ici à quelques jours ( cf. http://www.congresfrancaispsychiatrie.org/congres-montpellier-2016), les apports de la psychologie positive dans la prise en charge des patients à risque suicidaire seront notamment présentés.
Le Dr Déborah Ducasse parlera d'un soin prometteur : le premier programme francophone de psychoéducation du suicide, mis en place au CHU de Montpellier. Dispensé aux patients ayant fait une tentative de suicide, il est destiné à les protéger d'une éventuelle rechute dans leur maladie. Car c'est là un changement majeur : le suicide est désormais considéré comme une maladie, au même titre qu'une addiction ou un trouble psychotique. Il peut donc bénéficier de soins.
« Près de 60 % des suicidants, qui constituent une population très volatile, ne sont pas suivis plus d'une semaine » , regrette le Dr Déborah Ducasse. « Cette volatilité est l'un des problèmes majeurs dans la prise en charge. Or, enseigner à ces patients les connaissances scientifiques actuelles sur ce dont ils souffrent, et les thérapies disponibles, les aider à devenir « experts » de leur trouble permet une réelle adhésion aux soins . »
On peut s'étonner que « psychologie positive » et « prévention du suicide » soient des termes désormais associés. Mais les recherches récentes prouvant que la gratitude notamment ( lire ci-dessous ) a des effets bénéfiques sur les patients dépressifs ont poussé les chercheurs à s'aventurer plus loin, jusqu'au risque suicidaire.
Désormais, c'est un savant cocktail d'outils issus de la thérapie comportementale dialectique (TCD), de la psychologie positive et de la thérapie d'acceptation et d'engagement (ACT) qui dessine des stratégies réellement innovantes pour celui qui, présentant une vulnérabilité suicidaire, risque de passer à l'acte. « Nous leur transmettons des outils les aidant à devenir plus libres face à leurs émotions et pensées douloureuses » , explique le Dr Déborah Ducasse.
Mieux réguler les émotions, gérer les moments de détresse et identifier clairement les pensées suicidaires qui peuvent devenir envahissantes, autant de repérages que le patient à risque apprend à exercer en groupe complémentaire à son suivi psychiatrique habituel. « Notre objectif est qu'il arrive le moins souvent à l'état de crise » , résume la psychiatre. « Percevoir la tristesse comme un événement mental normal de passage, ne plus « accrocher » aux pensées négatives, et de fait ne plus agir de façon automatique est essentiel . »
Un essai contrôlé randomisé permettra de comparer les effets de ce programme psycho-éducatif à de la relaxation sur la prévention de la récidive suicidaire à deux ans post-thérapie. Des chemins s'ouvrent donc chaque jour pour enrayer un problème de santé publique qui mérite, du point de vue thérapeutique, qu'on s'y arrête davantage. Sans oublier le principal : « Si vous avez des pensées suicidaires, parlez-en à votre médecin. »
D'un côté, la communication sur un fléau qui provoque 220 000 tentatives et atteint 10 000 personnes par an, prend sérieusement en compte ses responsabilités et ose lever les tabous : parler du risque suicidaire est essentiel ; encore faut-il savoir comment. C'est là tout l'objet du « Programme Papageno » (https://papageno-suicide.com), une vaste opération de formation des médias impulsée par un jeune psychiatre du CHR de Lille, Charles-Édouard Notredame, et la chargée de communication de la Fédération régionale de recherche en psychiatrie des Hauts-de-France, Nathalie Pauwels. « Nous nous sommes rendu compte que l'aspect contagieux du suicide était intensifié par les erreurs de certains médias » , explique la communicante. « Répéter à outrance un fait divers concernant un suicide, préciser des lieux ou des moyens, utiliser des termes sensationnalistes..., sont autant de façons d'influencer encore davantage des personnes vulnérables. »
Pour que néanmoins la parole autour du risque suicidaire se libère, le programme Papageno envoie des internes psychiatres sensibiliser les étudiants des écoles de journalisme de toute la France ou même réaliser des formations flash dans les rédactions en place. « Là, nous réfléchissons aux moyens autres de parler de cette maladie , explique Nathalie Pauwels. Faire témoigner des personnes qui s'en sont sorties, indiquer les psychothérapies possibles ou ne jamais oublier d'indiquer en fin d'articles des numéros de téléphone pour ceux qui ont besoin d'aide . »
Changement majeur
Dans ces courants d'innovations pédagogiques, la psychiatrie n'est pas en reste. Ainsi, lors du prochain Congrès français de psychiatrie qui se tiendra à Montpellier d'ici à quelques jours ( cf. http://www.congresfrancaispsychiatrie.org/congres-montpellier-2016), les apports de la psychologie positive dans la prise en charge des patients à risque suicidaire seront notamment présentés.
Le Dr Déborah Ducasse parlera d'un soin prometteur : le premier programme francophone de psychoéducation du suicide, mis en place au CHU de Montpellier. Dispensé aux patients ayant fait une tentative de suicide, il est destiné à les protéger d'une éventuelle rechute dans leur maladie. Car c'est là un changement majeur : le suicide est désormais considéré comme une maladie, au même titre qu'une addiction ou un trouble psychotique. Il peut donc bénéficier de soins.
« Près de 60 % des suicidants, qui constituent une population très volatile, ne sont pas suivis plus d'une semaine » , regrette le Dr Déborah Ducasse. « Cette volatilité est l'un des problèmes majeurs dans la prise en charge. Or, enseigner à ces patients les connaissances scientifiques actuelles sur ce dont ils souffrent, et les thérapies disponibles, les aider à devenir « experts » de leur trouble permet une réelle adhésion aux soins . »
On peut s'étonner que « psychologie positive » et « prévention du suicide » soient des termes désormais associés. Mais les recherches récentes prouvant que la gratitude notamment ( lire ci-dessous ) a des effets bénéfiques sur les patients dépressifs ont poussé les chercheurs à s'aventurer plus loin, jusqu'au risque suicidaire.
Désormais, c'est un savant cocktail d'outils issus de la thérapie comportementale dialectique (TCD), de la psychologie positive et de la thérapie d'acceptation et d'engagement (ACT) qui dessine des stratégies réellement innovantes pour celui qui, présentant une vulnérabilité suicidaire, risque de passer à l'acte. « Nous leur transmettons des outils les aidant à devenir plus libres face à leurs émotions et pensées douloureuses » , explique le Dr Déborah Ducasse.
Mieux réguler les émotions, gérer les moments de détresse et identifier clairement les pensées suicidaires qui peuvent devenir envahissantes, autant de repérages que le patient à risque apprend à exercer en groupe complémentaire à son suivi psychiatrique habituel. « Notre objectif est qu'il arrive le moins souvent à l'état de crise » , résume la psychiatre. « Percevoir la tristesse comme un événement mental normal de passage, ne plus « accrocher » aux pensées négatives, et de fait ne plus agir de façon automatique est essentiel . »
Un essai contrôlé randomisé permettra de comparer les effets de ce programme psycho-éducatif à de la relaxation sur la prévention de la récidive suicidaire à deux ans post-thérapie. Des chemins s'ouvrent donc chaque jour pour enrayer un problème de santé publique qui mérite, du point de vue thérapeutique, qu'on s'y arrête davantage. Sans oublier le principal : « Si vous avez des pensées suicidaires, parlez-en à votre médecin. »