Interventions psychosociales dans le comportement auto-agressif chez les adultes
Nous
avons examiné la littérature interventionnelle concernant les essais de
traitement par intervention psychosociale dans ce domaine. Un total de
76 essais répondant à nos critères d'inclusion a été identifié. Il
pourrait y avoir des effets bénéfiques de la thérapie psychologique
basée sur des approches de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) à
des points de suivi plus longs, et pour la thérapie basée sur la
mentalisation (TMB) et la psychothérapie de régulation des émotions lors
de l'évaluation post-intervention. Il existe également des données
probantes concernant l'efficacité de la thérapie comportementale
dialectique (TCD) standard sur la fréquence de répétition de
comportements auto-agressifs. Il n'y avait pas de données probantes
claires concernant l'effet de la gestion de cas, de l'information et du
soutien, des interventions de contact à distance (par exemple, cartes
d'urgence, cartes postales, psychothérapie par téléphone), de la
fourniture d'informations et de soutien, et d'autres interventions
multimodales.
Pourquoi cette revue est-elle importante ?
Le comportement auto-agressif, qui comprend
l'auto-intoxication/l'overdose intentionnelle et l'automutilation, est
un problème majeur dans de nombreux pays et est fortement lié au
suicide. Il est donc important de mettre au point des traitements
efficaces pour les personnes présentant de comportements auto-agressifs.
Ces dernières années, le nombre d'essais et la diversité des approches
thérapeutiques du comportement auto-agressif chez l'adulte ont augmenté.
Il est donc important d'évaluer les données probantes concernant leur
efficacité.
Qui peut être intéressé par cette revue ?
Les administrateurs d'hôpitaux (par exemple, les
prestataires de services), les responsables de la politique de santé et
les tiers payeurs (par exemple, les assureurs maladie), les cliniciens
travaillant avec les personnes présentant de comportements
auto-agressifs, les personnes elles-mêmes et leurs proches.
À quelles questions cette revue cherche-t-elle à répondre ?
Cette revue est une mise à jour d'une précédente revue
Cochrane de 2016 qui a trouvé que la thérapie psychologique basée sur la
TCC pourrait entraîner une diminution du nombre de personnes présentant
d’épisodes répétés de comportements auto-agressifs tandis que la TCD
pourrait conduire à une réduction de la fréquence d’épisodes répétés de
comportements auto-agressifs. Cette revue actualisée vise à évaluer
davantage les données probantes concernant l'efficacité des
interventions psychosociales pour les personnes présentant de
comportements auto-agressifs avec un éventail plus large de critères de
jugement.
Quelles études ont été incluses dans la revue ?
Pour être incluses dans la revue, les études devaient
être des essais contrôlés randomisés d'interventions psychosociales pour
des adultes ayant récemment présenté de comportements auto-agressifs.
Que nous apportent les données probantes de cette revue ?
Dans l'ensemble, un certain nombre de limitations
méthodologiques ont été relevées dans les essais inclus dans cette
revue. Nous avons trouvé des effets positifs pour la thérapie
psychologique basée sur des approches TCC lors d'évaluations de suivi
plus longues, et pour la thérapie basée sur la mentalisation (TBM), et
la psychothérapie de régulation des émotions sur la répétition de
d’épisodes de comportements auto-agressifs à la post-intervention. Il
existe également des données probantes concernant les effets de la
thérapie comportementale dialectique (TCD) standard sur la fréquence de
répétition d’épisodes de comportements auto-agressifs. Cependant, les
interventions de contact à distance, la gestion de cas, l'information et
le soutien, et d'autres interventions multimodales ne semblent pas
présenter de bénéfices en termes de réduction de la répétition de
comportements auto-agressifs.
Que devrait-il se passer à la suite de cette revue ?
Les résultats prometteurs de la psychothérapie basée sur
la TCC à des points de suivi plus longs, ainsi que de la TMB, de la
régulation des émotions en groupe et de la TCD, justifient une étude
plus approfondie afin de comprendre quelles personnes bénéficient de ces
types d'interventions. Un recours accru aux essais comparatifs (où les
traitements sont directement comparés les uns aux autres) pourrait
également aider à identifier le ou les composants de ces interventions
souvent complexes qui sont les plus efficaces.
Conclusions des auteurs:
Dans l'ensemble,
les essais inclus dans cette revue présentaient d'importantes
limitations méthodologiques. Compte tenu de la qualité modérée ou très
faible des données probantes disponibles, il n'existe que des données
probantes incertaines concernant un certain nombre d'interventions
psychosociales pour les adultes qui présentent des comportements
auto-agressifs. La thérapie psychosociale basée sur des approches
thérapie cognitivo-comportementale pourrait permettre une diminution du
nombre de répétition de comportements auto-agressifs à des points de
suivi plus longs, bien que des effets de ce type n'ont pas été constatés
lors de l'évaluation post-intervention et que la qualité des données
probantes, selon les critères GRADE, soit faible. Compte tenu des
résultats obtenus dans des essais uniques ou des essais menés par le
même groupe d'auteurs, la thérapie basée sur la mentalisation et la
thérapie de régulation des émotions en groupe devraient être plus
développés et évalués chez les adultes. La dialectique pourrait
également conduire à une réduction de la fréquence de comportements
auto-agressifs. Les autres interventions ont été évaluées pour la
plupart dans le cadre d'essais uniques de qualité modérée à très faible,
de sorte que les données probantes relatives à l'utilisation de ces
interventions ne sont pas concluantes à l'heure actuelle.
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Notes de traduction:
Post-édition
effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de
traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos
commentaires à : traduction@cochrane.fr
Auteurs:
Witt KG, Hetrick SE, Rajaram G, Hazell P, Taylor Salisbury TL, Townsend E, Hawton K
Service
d’accueil des suicidants et d’addictologie, clinique des maladies
mentales et de l’encéphale de l’hôpital Sainte-Anne, groupe hospitalier
universitaire de Paris Psychiatrie et neurosciences, 1 rue Cabanis,
75014 Paris, France
·Prévenir la récidive : simple comme un coup de fil ? Christophe Debien ⁎ : Praticien hospitalier, membre de la mission d’appui au déploiement national du dispositif VigilanS, Jardon Vincent : Praticien hospitalier, coordonnateur VigilanS Hauts-de-France
Centre hospitalier régional universitaire de Lille, rue André-Verhaeghe, 59000 Lille, France
·Une plateforme pour guider les proches de personnes suicidaires Pauline Boudin : Psychiatre, membre du collège scientifique de Dites je suis là, Frédéric Hassan : Psychiatre, membre du collège scientifique de Dites je suis là, Yann Massart : Infirmier, délégué général de Dites je suis là, Gabrièle Mugnier ⁎ : Psychiatre, référente du comité de rédaction de Dites je suis là, Frédéric Peter, Psychologue clinicien, PhD, membre du collège scientifique de Dites je suis là, Julie Veillon, Psychologue clinicienne, référente du collège scientifique de Dites je suis là
Association Dites je suis là, 38 avenue François-Mitterrand, 72000 Le Mans, France
a Unité d’urgences psychiatriques, CHU de Caen Normandie, 14033 Caen cedex, France
b Espace
de réflexion éthique de Normandie, université de Caen Normandie,
PFRS–Bureau PS1-045, 2 rue des Rochambelles, 14032 Caen cedex 5, France
c Université Claude-Bernard Lyon 1, 43 boulevard du 11-Novembre-1918, 69100 Villeurbanne, France
d Recherches
en éthique et épistémologie, Centre de recherche en épidémiologie et
santé des populations, faculté de pharmacie, université Paris
Sud–Paris-Saclay, 5 rue Jean-Baptiste-Clément, tour D1, 2e étage, 92296 Chatenay-Malabry cedex, France
e Urgences psychiatriques, CHU de Caen Normandie/EPSM de Caen, avenue de la Côte- de-Nacre, CS 30001, 14033 Caen cedex 9, France
f Centre hospitalier Charcot, 30 avenue Marc-Laurent, 78370 Plaisir, France
g Unité
de recherche clinique intersectorielle, service de psychiatrie adulte,
CHRU de Brest, hôpital de Bohars, route de Ploudalmézeau, 29280 Bohars,
France
h Soins primaires,
Santé publique, registre des cancers de Bretagne occidentale, EA 7479,
université de Bretagne occidentale, 22 rue Camille-Desmoulins, CS 93837,
29238 Brest cedex 3, France
a Unité
de recherche clinique intersectorielle du service de psychiatrie
adulte, centre hospitalier régional universitaire de Brest, hôpital de
Bohars, route de Ploudalmézeau, 29820 Bohars, France b Soins
primaires, Santé publique, registre des cancers de Bretagne
occidentale, EA 7479, université de Bretagne occidentale, 22 rue
Camille-Desmoulins, CS 93837, 29238 Brest cedex 3, France c IMT Atlantique, Lab-STICC, campus de Brest, technopôle Brest-Iroise, CS 83818, 29238 Brest cedex 3, France d Groupement d’études et de prévention du suicide, 67 route des Groges, 86280 Saint-Benoît, France Page :32-35 RésuméPlan
Julie Mougeolle ⁎ : Infirmière DE, Alexandre Devault : Infirmier DE
Clinique
de la maladie mentale et de l’encéphale, service d’accueil des
suicidants et suicidaires, centre hospitalier Sainte-Anne, 1 rue
Cabanis, 75014 Paris, France
·La prévention du suicide en milieu agricole Tiphaine Bouldoires a, ⁎ : Psychiatre, formatrice régionale prévention suicide, Laurent Le Goff b : Infirmier DE, formateur régional prévention suicide
a Établissement public de santé mentale du Finistère Sud, 18 rue Hent-Glaz, CS 16003, 29107 Quimper cedex, France
b Service psychiatrie, CH Quimperlé, 20 bis avenue Maréchal-Leclerc, BP 134, 29391 Quimperlé cedex, France
Prévention du suicide au Togo : les psychologues cliniciens en journée de réflexion Santé 18 juin, 2021
Lomé, 18 juin (ATOP) – L’Association des psychologues
cliniciens et de la santé hospitaliers Togo (APCSH-TOGO) a organisé, le
vendredi 18 à Lomé, une journée de réflexion en collaboration avec
Handicap International sur la prévention du suicide au Togo.
Le suicide est phénomène qui prend de l’ampleur au Togo devant ainsi
un problème de santé publique préoccupant. Le Togo enregistre un taux de
16,6 pour 100.000 habitants, selon le rapport de l’OMS publié en 2019
et occupe le 8ème rang des pays africains où l’on se suicide
le plus. C’est pour prévenir le phénomène que les praticiens de la santé
mentale se sont donné rendez-vous pour chercher les voies et moyens à
mettre en œuvre.
La rencontre a réuni des experts du domaine de la santé mentale, des
psychiatres, des psychologues professionnels et des responsables d’ONG
intéressées par la question. La cérémonie d’ouverture a été présidée par
Dr Aho Mawussi Kossivi, représentant le ministre de la Santé en
présence du représentant de Handicap International, Georges Attati et du
président de l’APCSH, Tousso Anama.
Dans le cadre de « L’intervention communautaire en prévention du suicide sur le territoire de Colombes », le Comité de pilotage vous informe de la mise en place d’une :
Session de formation à la prévention du risque suicidaire
7 demi-journées de 3 heures
12 professionnels éducatifs, sociaux et sanitaires à Colombes
La formation est à destination d’acteurs institutionnels de Colombes
concernés par le bien-être et la santé mentale de leur population.
Elle participe de l’intervention, mise en œuvre depuis juillet 2016,
qui vise à faire participer en réseau des acteurs de Colombes et
articule différentes actions de prévention du suicide.
Elkhan Tahmazov a, ⁎ : Psychiatre, Christophe Lemey a, b, c : Psychiatre, Michel Walter a, b, d : Professeur des universités-praticien hospitalier
a Unité
de recherche clinique intersectorielle du service de psychiatrie
adulte, centre hospitalier régional universitaire de Brest, hôpital de
Bohars, route de Ploudalmézeau, 29820 Bohars, France
b Soins
primaires, Santé publique, registre des cancers de Bretagne
occidentale, EA 7479, université de Bretagne occidentale, 22 rue
Camille-Desmoulins, CS 93837, 29238 Brest cedex 3, France
c IMT Atlantique, Lab-STICC, campus de Brest, technopôle Brest-Iroise, CS 83818, 29238 Brest cedex 3, France
d Groupement d’études et de prévention du suicide, 67 route des Groges, 86280 Saint-Benoît, France
*Auteur correspondant.
Avec un des taux les plus élevés d’Europe, le suicide représente un
problème majeur de santé publique en France z Les médecins généralistes
sont le pivot du système de santé z Ils jouent un rôle majeur dans la
prévention du suicide
La santé mentale représente une grande proportion de la patientèle des
praticiens en soins primaires, dont une majorité pour des troubles
dépressifs et anxieux z Cependant, les patients préfèrent se diriger en
priorité vers leur médecin généraliste lorsqu’ils rencontrent des
difficultés psychiques pour la première fois z Ils acceptent de
consulter un professionnel de santé mentale plus facilement sur les
conseils de leur généraliste, d’où l’importance de l’articulation des
soins primaires et spécialisés.
Mots clés : médecin généraliste, prévention du suicide, prévention primaire, prévention secondaire, santé mentale, santé publique
Le
9 juin, le réseau VIES 37 (Vivre et intervenir ensemble face
au suicide) a organisé à l’Institut de Touraine une masterclass avec
Mary Bichner, compositrice invitée du projet artistique Ut Fortis. Venue
de Boston, elle est autrice du Synesthesia Suite, avec le musée des Sciences de Boston, et compositrice de l’opéra The Memoirs of Antonina
sur la reine Marie-Antoinette. Dans ce cadre, une série d’ateliers
poétiques ont été menés par la poétesse Christina Goh, initiatrice de Ut
Fortis, avec les étudiants de l’Institut. C’est la première fois
qu’elles étaient ensemble sur scène en France, réunies par ce projet
solidaire de la prévention du suicide. Des couleurs, il y en a partout
dans les créations de Mary Bichner, synesthète, la synesthésie étant
cette particularité qui permet à certaines personnes de « voir » de
la musique, d’associer des lettres ou des goûts à des couleurs. Le
spectacle final sera diffusé en juillet, et à partir de septembre, mis
gracieusement à disposition et sur demande aux structures qui le
souhaiteraient. www.utfortis.com / https://utfortis.christinagoh.com/
J'aurai ma peau Antoine Courtecuisse (Auteur) Antoine Devos Paru le 12 mars 2021 Roman (broché)
Antoine Courtecuisse est psychiatre de secteur et responsable de l’équipe mobile psychiatrie précarité Interface à Boulogne-sur-Mer
Phénomène complexe des conduites suicidaires adolescentes, un livre
libère des mots psy pour s’y plonger et comprendre le mal-être jeune.
Embarquer et plonger dans la peau de Monique puis de Jess, à travers le
vécu d’un jeune thérapeute. Des histoires, un fil continu qui permettra
aux lecteurs de s’ouvrir à elles deux. Sans jargon psy, sans jugement.
Résumé
Monique : Un feu me sert de dossier. Chercher la croix. À moins que j'y sois. Au mieux je demande. Ma voix déraille lorsque je pose cette question à une dame. - Pardon, je n'ai pas compris Mademoiselle. - Non ce n'est pas grave. Pas la force d'insister. Je ne m'entends pas. Peut-être ne suis-je pas audible. En faisant le tour du carrefour, sous les sifflets grotesques des automobilistes, je retrouve le fameux panneau de tout à l'heure. Une éternité s'est écoulée. Jessie : Nous étions comme collés. Désormais nous sommes regardés. Elle me drague là ou bien ? Ai-je bien entendu ce qu'elle vient de dire à l'infirmière ? Le temps que je réalise, j'ai déjà blindé l'affaire. Je lui parle du cadre, du groupe de parole, de mon départ... Depuis, je me sauve, j'esquive. Force m'est-il de constater qu'il s'agit bien de cela. Dix ans après, j'en ris. À l'époque, je ne riais pas. Monique et Jessie, deux récits, deux voix, deux écrits pour dire combien l'autre n'existe pas seul. Deux adolescentes, deux psychiatres, une même peau. Préface de Thierry Lebrun.
Une modalité de prise en charge de jeunes adultes psychotiques suicidants en institution psychiatrique Souad Dehbi * Psychologue clinicienne au GHU Paris Psychiatrie & neurosciences, Paris, France L'Information Psychiatrique Volume 97, numéro 5, Mai 2021
Les tentatives de suicide dans un contexte de psychose
continuent d’interroger les soignants d’une part, à cause de la
fréquence et la gravité des passages à l’acte et d’autre part, parce
qu’elles se distinguent des passages à l’acte suicidaire dans d’autres
pathologies. Nous présenterons, dans une première partie, comment
certaines modalités de traitement institutionnel permettent qu’une
dynamique de soins limite les effets délétères du risque des passages à
l’acte. Nous donnerons ensuite quelques repères psychanalytiques pour
penser l’adolescence et la psychose émergente afin d’aider à saisir la
problématique d’un jeune homme âgé de 20 ans ayant fait de nombreuses
tentatives de suicide dans un contexte de psychose. Enfin, je montrerai
les potentialités que peut permettre un suivi psychothérapique au côté
d’un travail pluridisciplinaire.
Mots-clés : premier épisode psychotique, jeune adulte, tentative de suicide, récidive suicidaire, prise en charge, hospitalisation psychiatrique, psychothérapie, cas clinique DOI : 10.1684/ipe.2021.2268 Page(s) : 397-401 Année de parution : 2021
Doubs Forcenés, personnes suicidaires : rencontre avec les négociateurs de la gendarmerie
Depuis quelques semaines, des affaires de forcenés dangereux et menaçants font la une dans les médias. Derrière ces opérations difficiles, les négociateurs de la gendarmerie sont les premiers à tenter de nouer le contact pour obtenir une reddition sans heurt. Par Valentin COLLIN - 26 juin 2021 Ghislain et Alain sont les négociateurs de la gendarmerie nationale en Franche-Comté. Photo ER /Franck LALLEMAND
Autant d’affaires qui mettent en lumière le travail de ces gendarmes de l’ombre dont le métier est de rentrer en contact avec ces forcenés et d’obtenir leur reddition. Dans la région franc-comtoise, ils sont 13 à se déplacer aux quatre coins du territoire pour être au cœur de ces situations de crise. Rencontre avec Alain et Ghislain, négociateurs de la gendarmerie nationale.
Forcenés et suicidaires : 80 % de l’activité
Le premier a été formé par le GIGN à la négociation en 2006, le second en 2017. À eux deux, ils totalisent des dizaines d’opérations dans des départements où l’activité est particulièrement forte. « Pendant quatre années de suite, nous avons été sur le podium des régions françaises en nombre d’interventions, avec une quarantaine par an. Étonnamment, en 2021, nous remarquons une baisse de l’activité », indique Alain.
Dans la plupart des cas, ils font face à des forcenés retranchés chez eux (40 %) ou des personnes aux idées noires, souhaitant mettre fin à leurs jours (40 %). « Pour le reste, il s’agit plutôt d’individus psychotiques ou en détresse psychiatrique », précise Ghislain. Dès qu’une situation de ce type émerge, ce sont eux qui sont appelés sur les lieux.
La confiance pour obtenir la reddition
« Dans un premier temps, lorsque nous sommes contactés, notre mission durant le transport est de prendre un maximum de renseignements sur la personne avec l’enquêteur local. Une fois qu’on a déterminé le profil de la personne et que l’on arrive sur place, les négociations peuvent débuter. »
Armés d’un téléphone, d’un mégaphone ou simplement de leur voix, ces militaires tentent alors de comprendre les motivations du forcené et d’instaurer un dialogue.
Dans certaines situations, il est crucial d’avoir la confiance du suspect afin d’obtenir sa reddition sans utilisation de la force. « L’année dernière, à Étupes, nous avons fait face à un homme qui avait tiré sur les gendarmes et retenait son père en otage. Au milieu de la nuit, il nous a demandé un paquet de cigarettes. Nous lui en avons déposé un sur un rebord de fenêtre. À partir de cet instant, les choses se sont apaisées et il s’est finalement rendu au petit matin. »
À la marge, quelques-uns sont dans une logique beaucoup plus violente appelée « suicide by cop », à l’instar de Terry Dupin, « le forcené de Dordogne » , qui consiste à se faire abattre par la police.
Un stress intense au cours de ces opérations
À travers toutes ces opérations, les militaires sont toujours plongés dans un stress intense. Pour Ghislain et Alain, c’est devenu une habitude. « C’est un stress qui est plutôt positif. Nous sommes sélectionnés pour nos capacités à le gérer », précise le premier. « On sait qu’il est là et contrairement à la personne que l’on a face à nous, on y est habitué. »
Un ascendant qui, au fil des heures lors d’une négociation, peut s’avérer décisif. Reste une priorité pour ces hommes et ces femmes : « On souhaite que tout le monde rentre à la maison et en vie le soir. » Une mission parfois compliquée mais qu’ils parviennent à accomplir depuis de nombreuses années, en Franche-Comté.
En préambule Toutes les réponses aux questions que vous vous posez sur le Coronavirus COVID-19 : sur https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus
RETROUVEZ L'ACTUALITÉ, LES ACTIONS du Gouvernement, les informations
Coronavirus, Consignes, Point de situation, Numéros utiles, etc
DANS
LE CONTEXTE DES MESURES MISES EN PLACE DANS LA LUTTE CONTRE LA
PROPAGATION DU VIRUS COVID-19, DE NOMBREUX CENTRES, STRUCTURES,
ASSOCIATIONS, PROFESSIONNELS DE SANTÉ MENTALE, COLLECTIFS SOLIDAIRES ETC
SE MOBILISENT POUR MAINTENIR UNE ACTIVITÉ, EN CAS DE SOUFFRANCE PSYCHIQUE, MAL ÊTRE, IDÉES
SUICIDAIRES N’HÉSITEZ PAS A CONTACTER VOTRE MEDECIN, UN CENTRE MEDICO
PSYCHOLOGIQUE, LIGNES D ÉCOUTE, PSYCHOLOGUES, PSYCHIATRES LIBÉRAUX, ETC.
POUR CONNAITRE LEURS MODALITÉS DE PERMANENCES. Besoin d'aide ? https://www.infosuicide.org/urgences-aide-ressources/
L’évènement suicidaire est un phénomène complexe, impliquant
des facteurs autant psychologiques, sociaux et biologiques, que
culturels et environnementaux.
***
Santé mentale. Point mensuel, septembre 2021.
Publié le 23 Septembre 2021, santepubliquefrance.fr
Points clés En semaine 37 Aux
urgences : après une forte hausse en S36, les passages pour geste
suicidaire, idées suicidaires et troubles de l’humeur étaient toujours
en hausse (moins marquée) chez les 11-14 ans et en diminution ou stables
chez les 15-17 ans et les 18-24 ans. Pour ces 3 indicateurs, les
niveaux observés étaient supérieurs à ceux des années précédentes. Dans
le réseau SOS Médecins : Une légère hausse des actes médicaux pour
angoisse était observée chez les 0-10 ans et les 65 ans et plus
(effectifs faibles). Le nombre d’actes pour angoisse et état dépressif
observé chez les 18-24 ans et les 25-64 ans était supérieur à celui des
années précédentes. L’ensemble des autres indicateurs évoluait en S37 à des niveaux comparables à ceux des années précédentes.
Sondage sur la dépression : il y a urgence à agir !
27 septembre 2021 https://www.unafam.org/*
Brèves
Paris, le 27 septembre 2021
COMMUNIQUÉ DE PRESSE Dépression
: prise en charge insuffisante et manque d’informations aggravent les
difficultés des patients, de leurs proches et des soignants, révèlent
l’Unafam et la Fondation Pierre Deniker à la veille des Assises de la
Psychiatrie
L’Unafam et la Fondation Pierre Deniker dévoilent
aujourd’hui un baromètre exclusif sur la dépression réalisé avec le
concours du laboratoire Janssen et de l’institut CSA*. Avec seulement un
patient sur trois pris en charge par un professionnel de santé, le
sondage met en évidence un système de soins débordé, alors que plus d’un
Français sur dix est actuellement touché par la maladie et que l’état
de santé d’un malade sur deux s’est dégradé du fait de la crise
sanitaire. A cette prise en charge qui ne parvient plus à suivre le flux
de la maladie, s’ajoute un silence qui aggrave la souffrance des
patients et des proches. Ce silence assombrit notre perception
collective de la dépression : pourtant, elle se soigne. À l’aube des
Assises de la Psychiatrie et dans un contexte dégradé par la crise
Covid, ces résultats soulignent la nécessité d’une prise de conscience
collective sur la dépression. Prise en charge insuffisante, tabou
social et manque d’informations : la crise Covid vient accentuer une
situation déjà préoccupante sur le front des dépressions
Le baromètre mené par CSA pour l’Unafam, la Fondation Pierre Deniker et Janssen met en évidence trois grands enseignements.
D’abord, alors que 10% des Français souffrent actuellement de
dépression et que 25% en ont déjà souffert, la prise en charge de la
maladie reste largement insuffisante. On découvre notamment que seuls 33% des malades sont actuellement suivis par un professionnel de santé. Un
constat préoccupant quand on sait que près de 2/3 des patients vivant
ou ayant déjà vécu un épisode dépressif, ont déjà eu des pensées
suicidaires, et que la dépression a entraîné ou amplifié d’autres
problèmes de santé pour plus de la moitié d’entre eux.
Ensuite,
l’étude met en évidence que, pour les patients, le silence s’ajoute à
la souffrance psychique et à la prise en charge insuffisante. Près
de la moitié des personnes actuellement atteintes n’en parlent pas
(46%), et 62% ont l’impression que leur maladie n’est pas comprise par
leur entourage. Le constat est similaire chez les soignants : ils
estiment en majorité que c’est une maladie dont on parle peu (63%), ce
qui la rend difficile à aborder avec le patient (53%).
Ce silence aggrave le fardeau de la maladie : près d’un patient sur trois pense ne jamais en sortir (29%).
Enfin, le sondage confirme une intuition largement partagée : déjà préoccupante, la situation s’accentue avec la crise Covid. A
l’heure de la crise sanitaire, plus d’un Français sur dix avoue avoir
déjà eu des pensées suicidaires (14%). Un chiffre encore plus alarmant
chez les 18 à 24 ans (30%). Quant aux personnes actuellement en dépression : 1 sur 2 estime que sa maladie s’est aggravée avec la pandémie. Un
constat partagé par les professionnels de santé : pour 85% d’entre eux,
le Covid-19 a fait augmenter le nombre de patients et a également nui à
leur pratique du soin (rendez- vous annulés, traitements abandonnés…). Une urgence qui fait oublier que la dépression se soigne
À
ce tableau sombre, s’ajoute un élément trop peu évoqué : oui, la
dépression se soigne, comme 95% des soignants l’affirment. C’est
pourquoi l’Unafam et la Fondation Deniker insistent sur le sentiment de
gachis qu’inspirent ces résultats.
Celui-ci prend racine dans
plusieurs maux. Comme le montre le sondage, l’information reste
insuffisante auprès de la population. Mais le premier besoin est humain :
deux tiers des soignants estiment que l’on manque de personnel formé,
et la moitié des aidants doivent soutenir leur proche malade seuls
(44%).
Cette étude révèle une spirale de refoulement des
troubles psychiques, des patients et des soins en marge de la vie
collective dont la mesure doit être prise. Pour Marie-Jeanne-Richard,
présidente de l’Unafam : « Face au fardeau de la dépression, les
familles crient à l’aide ! Elles savent que leur présence auprès de
leurs proches est importante mais elles se sentent impuissantes voir
épuisées. Elles ont besoin d’aide pour garder espoir ».
«
L’ensemble de ces résultats confirment les difficultés que nous
rencontrons sur le terrain et que la crise actuelle accentue » conclut
pour sa part Raphaël Gaillard, président de la Fondation Pierre Deniker.
« Les Assises de la Santé Mentale doivent être l’occasion d’une
prise de conscience collective : le silence autour de la maladie défait
notre système de prise en charge, a des conséquences sur la souffrance
psychique des patients et complique la mission des aidants et des
soignants ».
*Observatoire « Les Français et la dépression »,
réalisé par l’institut CSA pour le compte du laboratoire Janssen France,
de la Fondation Pierre Deniker et de l’Unafam, septembre 2021. Tous les
chiffres détaillés ci-après en sont issus. Résultats disponibles sur
demande.
Emergency Department Visits for Suspected Suicide Attempts Among Persons Aged 12–25 Years Before and During the COVID-19 Pandemic — United States, January 2019–May 2021
On June 11, 2021, this report was posted online as an MMWR Early Release.
Ellen Yard, PhD1; Lakshmi Radhakrishnan, MPH2; Michael F. Ballesteros, PhD1; Michael Sheppard, MS2; Abigail Gates, MSPH2; Zachary Stein, MPH2; Kathleen Hartnett, PhD2; Aaron Kite-Powell, MS2; Loren Rodgers, PhD2; Jennifer Adjemian, PhD2; Daniel C. Ehlman, ScD1,2; Kristin Holland, PhD1; Nimi Idaikkadar, MPH1; Asha Ivey-Stephenson, PhD1; Pedro Martinez, MPH1; Royal Law, PhD1; Deborah M. Stone, ScD1 Summary What is already known about this topic?
During 2020, the proportion of mental health–related emergency
department (ED) visits among adolescents aged 12–17 years increased 31%
compared with that during 2019.
What is added by this report?
In May 2020, during the COVID-19 pandemic, ED visits for suspected
suicide attempts began to increase among adolescents aged 12–17 years,
especially girls. During February 21–March 20, 2021, suspected suicide
attempt ED visits were 50.6% higher among girls aged 12–17 years than
during the same period in 2019; among boys aged 12–17 years, suspected
suicide attempt ED visits increased 3.7%.
What are the implications for public health practice?
Suicide prevention requires a comprehensive approach that is adapted
during times of infrastructure disruption, involves multisectoral
partnerships and implements evidence-based strategies to address the
range of factors influencing suicide risk.
Congrès SFP vendredi 18 juin 2021 lequotidiendumedecin
Si Santé publique France n’a pas rapporté d’augmentation des décès par suicide en 2020, il faut rester très vigilant, d’autant que les centres antipoison rapportent un plus grand nombre d’appels depuis l’automne 2020 pour les 12-24 ans et que le nombre de passages aux urgences pour geste suicidaire chez les moins de 15 ans est marqué par des hausses depuis le début de l’année (+ 40 %).
Une étude menée aux États-Unis sur plus de 18 000 adolescents (de 11 à 21 ans) passés aux urgences souligne l’effet délétère des mesures associées à la pandémie de Covid-19 : les taux d’idéation suicidaire et de tentative de suicide (TS) dans les 3 mois précédents ont été significativement plus fréquents au cours du premier semestre 2020 comparativement au premier semestre 2019. Concernant les TS, les odd ratios étaient de 1,58 en février, 2,39 en mars et de 1,77 en juillet.
Rencontres Santé Publique France 26 mai 2021 Session Enfants et adolescents en période de COVID-19 : quelles conséquences sur la santé mentale et leur bien-être ?
Hospitalisations pour tentative de suicide Chez les 10-14 ans et les 15-18 ans en 2020. Données du PMSI Philippe Pirard, Santé publique France Télécharger la présentation
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Jeunes et gestes suicidaires : un phénomène « très nouveau » et « inquiétant » De premiers indicateurs, issus de centres antipoison, font état d’une hausse des tentatives de suicide chez les adolescents et les jeunes adultes, depuis un an.Par Alice Pairo-Vasseur
Publié le
Les pédopsychiatres sont
nombreux, depuis le début de l'épidémie, à alerter sur la hausse de
jeunes patients reçus pour dépression, au point de tenter de mettre fin à
leurs jours. De premiers chiffres sur les tentatives de suicide des
adolescents et jeunes adultes, rendus publics prochainement, confirment
désormais ces remontées de terrain.
Le professeur en psychiatrie Fabrice Jollant (GHU Paris
psychiatrie et neurosciences) et le médecin réanimateur Dominique
Vodovar (centre antipoison de Paris) ont analysé le nombre d'appels pour
tentatives de suicide des huit centres antipoison (CAP) du territoire,
entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2021, soit 50 000
dossiers. Et ils le confirment : les tentatives de suicide chez les
12-24 ans sont en hausse, depuis septembre 2020. Un phénomène « très
nouveau » et « inquiétant », indique le professeur Jollant.
Sans
prétendre à l'exhaustivité – leur travail d'analyse ne se concentrant
que sur les données des CAP –, leur conclusion « pourrait tout à fait
refléter la tendance générale française », explique le docteur Vodovar.
D'autant que « 80 % des tentatives de suicide impliquent l'ingestion de
médicaments », précise-t-il.
Des appels deux fois supérieurs à la normale
Des
indicateurs le montraient déjà, lors du premier confinement (du 17 mars
au 10 mai 2020) : les gestes suicidaires ont d'abord chuté d'environ
20 %, tous types de tentatives et tous âges confondus, à l'exception des
sujets de plus de 65 ans, plus exposés que les autres tranches d'âge
aux risques d'infection et de mortalité induits par le virus et
susceptibles d'avoir connu une expérience douloureuse en réanimation.
Une
baisse générale « pour partie justifiée par un effet de sidération »,
explique le professeur Jollant. « Cela nous est tombé dessus, et il y a
eu une forme de souffrance collective. Il s'agissait avant tout de
lutter ensemble, ce qui protège généralement du passage au suicide,
précise-t-il. On a observé la même chose après l'attentat du
11 septembre 2001 ou après l'épidémie de Sras, en 2002. »
Mais
« cela reste généralement temporaire ». Aussi, rapidement, et
particulièrement à partir du mois de septembre, la tendance s'inverse :
« Les appels aux centres antipoison pour tentative de suicide se
multipliaient, on a donc commencé à suivre cela de près, raconte le
docteur Vodovar. Les CAP recevaient entre trente et quarante appels par
jour avant l'épidémie, pour ingestion volontaire de médicaments ou de
produits ménagers. Aujourd'hui, ils recensent jusqu'à soixante à
quatre-vingts appels par jour, particulièrement pour des adolescents et
de jeunes adultes », précise-t-il.
Un « public fragilisé par la situation et ses mesures »
Parmi
eux, un « public fragile », touché par des « pathologies psychiatriques
(dépression, troubles de l'humeur, addictions…), qui démarrent
généralement à l'adolescence, et qui a pris de plein fouet l'épidémie »,
explique Fabrice Jollant. En temps normal, 15 à 20 % des jeunes étant
en difficulté sociale et/ou psychique et 10 % des adolescents exprimant,
chaque année, des idées suicidaires.
Mais
aussi un « public fragilisé par la situation et ses mesures »,
précise-t-il. Et plus particulièrement « le poids majeur de l'isolement
induit par l'épidémie ». « Certains jeunes se sont retrouvés très
isolés. La fermeture de leurs établissements et le fait de se retrouver,
pour certains, seuls dans des petits endroits ou en rapports étroits et
parfois conflictuels avec leurs proches, sur de longues périodes, a pu
être très difficile et a mis à mal leur socialisation, dans une période
de leur vie où celle-ci est clé », explique-t-il.
Les « lacunes d'un système »
Reste
que les plus jeunes pourraient, eux aussi, faire l'objet d'une
augmentation des gestes suicidaires. « Une tendance à la hausse des
appels aux centres antipoison, pour les moins de douze ans, se dessine,
observe le professeur Jollant. Cela reste rare, et les chiffres, pour
l'heure, témoignent de fluctuations légères. Mais ils justifient une
vigilance. »
Entre autres causes, « un accès encore
difficile à la pédopsychiatrie », alerte le professeur. « C'est
antérieur à la pandémie, mais les délais sont encore trop importants et,
dans certains endroits, l'accès aux soins des plus jeunes très
difficile, tous ne peuvent pas voir de professionnels de santé. »
« Le
manque d'indicateurs fiables et rapides, comme ceux des centres
antipoison », compte aussi parmi « les lacunes du système »,
pointe-t-il. Ces indicateurs « permettent d'obtenir des chiffres en
temps réels, mais ils ne portent que sur une partie des cas ». Et si
tous les gestes suicidaires ne se soldent pas par une hospitalisation,
« les services d'urgence n'en font pas tous état et les délais d'accès
aux données françaises sur les tentatives de suicide sont démesurés –
environ quatre ans », déplore-t-il.
« Cette
crise sanitaire a aussi montré les limites de nos systèmes
d'information en matière de suicide. On aurait tout intérêt à en tirer
les leçons pour développer des indicateurs plus fiables, afin d'aider au
mieux et rapidement nos patients », alerte ainsi le professeur.
Les tentatives de suicide en hausse chez les jeunes: nouvelle preuve d’une génération à bout de forces France
Par Mike Beuve
Entre
les troubles anxieux et le nombre de gestes suicidaires qui se
multiplient, la crise sanitaire a véritablement impacté la santé mentale
des plus jeunes. Un pédopsychiatre revient pour Sputnik sur les raisons
qui en poussent certains à attenter à leur vie.
Les
tentatives de suicide sont en hausse chez les 12-24 ans depuis
septembre 2020. Pour le mesurer, le professeur en psychiatrie Fabrice
Jollant (GHU Paris psychiatrie et neurosciences) et le médecin
réanimateur Dominique Vodovar (centre antipoison de Paris) ont comparé
les appels reçus par les huit centres antipoison (CAP) de l’Hexagone
entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2021.
«Alors que le nombre d’appels quotidiens pour tentative de suicide
avait nettement chuté pendant le premier confinement, on observe une
hausse globale depuis celui de l’automne 2020 et surtout depuis janvier,
essentiellement chez les 12-24 ans », a expliqué Dominique Vodovar au
Monde.
Du côté des numéros d’écoute, la tendance est similaire. Dans une interview donnée à France 24, Françoise Facy, ancienne présidente de l'Union nationale de prévention du suicide (UNPS), a lancé un cri d’alarme: «Nos
associations adhérentes constituent des points d’alerte et tous les
numéros d’écoute nous indiquent que le nombre d’appels a explosé.»
Le suicide, un geste tragique difficilement perceptible
Alors que la France possède l’un des taux de suicides les plus élevés
en Europe avec 9.000 décès par an, faut-il craindre une recrudescence
des cas? Rien n’est moins sûr selon Françoise Facy: «Il faut toutefois distinguer l’idéation, la pensée suicidaire, du passage à l’acte avec la tentative de suicide.»
Des propos que corrobore le docteur Christian Flavigny, pédopsychiatre et psychologue: c’est un geste, «bien évidemment de désespoir», mais également un «message d’alerte», analyse-t-il au micro de Sputnik.
«Ce n’est pas un geste qui consiste à
proprement vouloir mourir, parce que c’est quelque chose qui est encore
très flou à cet âge, mais plutôt à vouloir “rejouer la partie” en
quelque sorte», nous explique le praticien. «À l’image d’un joueur de
cartes: il a l’impression qu’il n’a pas un bon jeu, donc il le jette sur
la table, de façon que l’on refasse une donne pour en avoir un
meilleur», illustre le pédopsychiatre.
Comme il l’explique, le geste suicidaire résulte d’un sentiment d’impuissance: le jeune «sent qu’il est dans une impasse» et qu’il n’a «pas
la possibilité de correspondre à ce qui est pour lui un certain idéal
nécessaire à atteindre pour trouver sa place dans la vie».
Par ailleurs, «les éléments extérieurs peuvent aviver ce désarroi intérieur»
souligne le docteur Flavigny. Néanmoins, il prévient: ces facteurs
externes peuvent exacerber une problématique sans nécessairement la
créer. Or, en cette période de crise sanitaire, la santé mentale des
jeunes est au plus bas.
Un sentiment d’impuissance
Selon une enquête Ipsos pour la fondation de coopération scientifique
FondaMental, près des deux tiers des 18-25 ans estiment que la crise
sanitaire «aura des conséquences négatives sur leur santé mentale». Chez
les 22-24 ans, 47% montrent des signes de «trouble anxieux généralisé». Pis encore, 29 % des jeunes ont évoqué des pensées suicidaires.
En outre, il y a eu une hausse moyenne de 40% des recours aux urgences
pour des motifs liés à la santé mentale d’après les données recueillies
par le gouvernement.
Sur France Inter en mars dernier, Angèle Consoli, pédopsychiatre et membre du Conseil scientifique, avait indiqué que les hospitalisations des jeunes de moins de 15 ans pour motif psychiatrique étaient «en hausse de 80%» depuis le début de l’épidémie de coronavirus.
Des
chiffres qui ont alerté au sommet de l’État. Lors d’une visite au
service de pédopsychiatrie du CHU de Reims en avril dernier, Emmanuel
Macron livrait un constat guère rassurant: «Nous avons aujourd’hui un problème de santé qui touche nos enfants et adolescents, qui se rajoute à l’épidémie.»
Pour endiguer ce phénomène, le chef de l’État avait annoncé le
lancement d’un «forfait psy» comprenant dix séances chez un psychologue
pour les 3-17 ans. En outre, d’ici à juillet 2021 devraient se tenir les
Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, un événement censé
apporter «des réponses concrètes» à cette thématique pour le moins
compliquée.
«Chèques psy» pour les étudiants: le dispositif peine à convaincre Publié le : 23/05/2021 https://www.rfi.fr/*
Un peu plus de trois mois après le lancement des « chèques psy » par le gouvernement français, le dispositif semble peu efficace face à la détresse psychologique des étudiants en ces temps de pandémie de Covid-19. La complexité des démarches, ainsi que le manque de moyens et d’organisation rendent laborieuse l’application de cette mesure d’urgence, pourtant nécessaire.
Agatha rêvait de rejoindre la métropole. Originaire de l'île de la Réunion, cette étudiante en Master à la Sorbonne vit seule dans un petit appartement parisien. Depuis plus d’un an, la jeune femme de 23 ans déchante : « Cette solitude est insoutenable. J’ai du mal à suivre les cours à distance et je pleure souvent », confesse-t-elle.
La crise sanitaire, débutée en mars 2020, s’éternise et les angoisses des étudiants s’aggravent. D’après un sondage Ipsos commandé par la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) publié dimanche 9 mai dans le JDD, près d’un étudiant sur trois a eu des pensées suicidaires depuis le début de la pandémie. Alors quand le président Emmanuel Macron a annoncé fin janvier l’arrivée des « chèques psy » pour répondre à la détresse psychologique des plus de deux millions et demi d'étudiants, les associations et les psychologues se sont réjouis de la nouvelle. Mais, deux mois après sa mise en service le 10 mars, le dispositif patine.
« On reconnaît l’utilité de la mesure, mais elle a du mal à se mettre en place », regrette Mamadou N’Doye, vice-président de la Fage en charge des affaires de santé. Même son de cloche du côté de Christophe Ferveur, psychologue à la Fondation santé des étudiants de France et président du Réseau de soins psychiatriques et psychologiques pour les étudiants. « L'initiative est nécessaire, car on observe une vraie détresse étudiante. Mais cette mesure s’est faite sans coordination avec les réseaux de soins, et ça ne fonctionne pas bien », déplore-t-il. Publicité
Une prise en charge limitée
Concrètement, pour disposer des six séances chez un psychologue que permettent les chèques, l’étudiant doit d’abord prendre rendez-vous avec un médecin généraliste rattaché à l’université ou conventionné. Ce dernier détermine alors si son patient a besoin d’un accompagnement psychologique. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que l’étudiant peut prendre rendez-vous avec l’un 1 547 professionnels de santé mentale participant au dispositif sans avoir à avancer de frais.
Mais pour certains étudiants, le parcours est déjà dissuasif, comme l'explique Victoria, étudiante en troisième année d’administration économique et sociale à Lyon. « Finalement, j’ai décidé de ne pas utiliser les « chèques psy ». Entre le temps de la démarche vers un généraliste puis vers un psy, c’est trop long », assure-t-elle.
À l’issu des trois premières séances de quarante-cinq minutes, c’est à nouveau vers le médecin généraliste que l’étudiant doit se tourner afin de renouveler ses « chèques psy » pour maximum trois rendez-vous supplémentaires. Au-delà, les consultations ne sont plus prises en charge, ce qui préoccupe Christophe Ferveur. « Si l’étudiant ne peut pas continuer à voir un psychologue libéral parce que la consultation devient payante, il va se sentir abandonné. Et là, ça devient une question d’éthique », prévient le médecin.
Plusieurs syndicats de professionnels, dont le Syndicat national des psychologues (SNP), dénoncent par ailleurs la mauvaise gestion de cette mesure, notamment l'aspect financier. En effet, le dispositif impose aux professionnels exerçant en libéral une consultation à 30 euros, au lieu des 60 euros en moyenne. Malgré leur engagement auprès des jeunes en difficulté, ces psychologues refusent de pérenniser les ingérences de l’État au sein de la profession et d’exercer des « tarifs au rabais ».
Trois mille consultations hebdomadaires
D'autres obstacles freinent l'accès à une aide psychologique gratuite pour les étudiants comme l'engorgement des réseaux de soins déjà existants tels que les Bureaux d’aide psychologique universitaire (BAPU). Simon, étudie les mathématiques à Paris et en a fait l'amère expérience. « J’ai appelé mon BAPU mais il y a au moins quatre mois d’attente », souffle-t-il. Le jeune homme a finalement pris rendez-vous par ses propres moyens avec un psychiatre libéral, qu'il a eu « la chance de pouvoir payer ».
Pour pallier le problème, les associations étudiantes tentent tant bien que mal de prendre le relais via des plateformes d’écoute. Mais la question de leur encadrement se pose, « L’écoutant doit avoir les bons outils, s’il n’est pas supervisé par un professionnel, il risque un effet traumatique face à un appelant suicidaire », s’inquiète Christophe Ferveur.
Malgré les difficultés rencontrées, certains étudiants vont au bout de la démarche, tant la vulnérabilité psychique causée par la crise sanitaire et l’urgence d’y remédier est forte. C'est même devenu pour eux une nécessité absolue.
Fin avril, selon le ministère de l’Enseignement supérieur, le dispositif comptait plus de trois mille consultations hebdomadaires dans le cadre des « chèques psy ». Agatha en fait partie. L'étudiante a pris rendez-vous avec le médecin de l’université pour pouvoir ensuite voir un psy. « Je souhaite être professeur et mon CAPES, je le veux ! Je dois faire en sorte d’aller mieux et consulter avant que ça ne me consume », affirme la jeune femme, déterminée à sortir d'une spirale où solitude, études et mesures sanitaires ne font pas bon ménage. https://www.rfi.fr/fr/france/20210523-ch%C3%A8ques-psy-pour-les-%C3%A9tudiants-le-dispositif-peine-%C3%A0-convaincre
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La crise sanitaire favorise-t-elle les suicides ?
Publié le 19/05/2021 jim.fr/ Paris, le mercredi 19 mai 2021 – Étude après étude, le lien entre confinement et hausse des tentatives de suicides ne cesse de se brouiller.
Ce mercredi 19 mai, alors que les bars, les restaurants et les lieux culturels entrouvrent à travers toute la France, beaucoup de Français n’hésitent pas à parler d’une véritable libération. Un signe sans doute que ces plus de 14 mois de restrictions sanitaires en tout genre ont mis nos nerfs et même notre santé mentale à rude épreuve.
Dès mars 2020, Santé Publique France a mis en place une surveillance des indicateurs de santé mentale dans la population générale et de nombreuses données indiquent une hausse des troubles dépressifs et anxieux, notamment chez les plus jeunes.
Baisse des tentatives de suicides lors du premier confinement… Mais qu’en est-il du nombre de tentatives de suicide et de suicide, chez les Français en général et chez les jeunes en particulier ? Les médias se sont régulièrement fait l’écho ces derniers mois de cas d’étudiants ou de commerçants se donnant la mort parce qu’ils ne supporteraient pas les restrictions sanitaires. De nombreux pédopsychiatres ont également tiré la sonnette d’alarme sur une hausse des tentatives de suicide chez les enfants et les adolescents. Mais la réalité des chiffres semble beaucoup plus difficile à appréhender. Établir un lien entre confinement et hausse des suicides est rendu difficile en raison de la multitude des sources. Selon les études, on se base tantôt sur les appels aux centres anti poison (CAP), tantôt sur les hospitalisations pour gestes auto-infligés mais aussi sur les chiffres des causes médicales de décès collectés par le CépiDc à partir des certificats de décès.
A partir de ces données éparses, deux tendances semblent se confirmer. Tout d’abord, contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, le premier confinement (de mars à mai 2020) a semble-t-il provoqué une baisse des tentatives suicides. Ainsi, sur les huit premiers mois de l’année 2020, le nombre d’hospitalisations pour gestes auto-infligés a diminué de 8,5 % par rapport à 2019. La baisse aurait commencé dès la première semaine du confinement. Selon les psychiatres, il s’agirait d’un phénomène fréquent en cas de catastrophe de grande ampleur, qui provoquerait un effet de sidération. On peut également faire l’hypothèse que le confinement et la généralisation du télétravail aurait dans un premier temps diminué le stress dans la population active.
…mais hausse lors du deuxième confinement Ensuite, les différents indicateurs semblent montrer en revanche une hausse des tentatives de suicides au fur et à mesure que se prolonge la crise. Une hausse que certains situent vers octobre 2020 (début du deuxième confinement), d’autres plutôt vers janvier 2021 (renforcement du couvre-feu). Le docteur Dominique Vodovar, qui a étudié les appels faits aux centres anti poison entre 2018 et 2021, explique que les appels liés à des tentatives de suicide ont augmenté lors du premier trimestre 2021, « essentiellement chez les 12-24 ans » indique-t-il.
« Je crains que depuis l’automne 2020, on soit entré dans une autre période de souffrance psychique » abonde dans le même sens le Pr Fabrice Jollant, qui s’appuie sur une hausse des hospitalisations pour tentatives de suicides. Même son de cloche du côté de Santé Publique France, qui a constaté une hausse de « 40 % par rapport aux années précédentes » des gestes suicidaires chez les moins de 15 ans « autour des semaines 5 et 10 » de l’année 2021. S’agissant des morts par suicide, leur nombre a baissé en 2020 en France et aussi dans le monde selon une étude publiée dans The Lancet Psychiatry le 22 avril dernier. Aucune donnée n’est cependant disponible pour l’année 2021, les statistiques sur les causes de décès élaborés par le CépiDc ayant 4 mois de décalage.
Sur le terrain, les pédopsychiatres signalent une situation qui leur semble très inquiétante. « Mars a été le pire mois de l’année (…) des collègues me décrivent des cas inédits pour eux de tentatives de suicide par arme à feu chez de jeunes enfants » s’inquiète le Pr Richard Delorme, chef du service de pédopsychiatrie à l’hôpital Robert-Debré à Paris. Alors que le lien entre confinement et suicide semble plus complexe qu’il n’y parait, difficile de dire quel effet aura le déconfinement sur l’état mental des Français.
Plusieurs données font apparaître une hausse des tentatives de suicide chez les enfants et les jeunes adultes Sandrine Cabut
Le Monde
Placements, mardi 18 mai 2021 1538 mots, p. 6
Ce sont des chiffres à interpréter avec prudence, mais qui rejoignent ce qu'observent des pédopsychiatres sur le terrain depuis quelques mois. Les tentatives de suicide (TS) semblent à la hausse en France chez les enfants, mais aussi chez les adolescents et les jeunes adultes, selon plusieurs enquêtes s'appuyant sur différents indicateurs. Ainsi, le nombre d'appels aux centres antipoison (CAP) pour intoxication volontaire est en augmentation depuis le deuxième confinement de l'automne 2020, et la tendance s'accentue depuis début 2021, en particulier chez les jeunes, selon une étude en cours de publication.
Le docteur Dominique Vodovar (médecin au CAP de Paris) et le professeur Fabrice Jollant, psychiatre et chercheur (GHU Paris psychiatrie et neurosciences), ont analysé l'activité des huit CAP du territoire, entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2021. Ils se sont en particulier intéressés aux appels (provenant soit de professionnels accueillant ces patients en urgence, soit des suicidants eux-mêmes ou de leur entourage) pour tentative de suicide par ingestion de produits ménagers, de plantes ou le plus souvent de médicaments. Sur cette période de trois ans et un trimestre, environ 50 000 dossiers ont été examinés.
« Alors que le nombre d'appels quotidiens pour TS avait nettement chuté pendant le premier confinement [du 17 mars à au 11 mai 2020], on observe une hausse globale depuis celui de l'automne 2020 et surtout depuis janvier, essentiellement chez les 12-24 ans », détaille M. Vodovar. Le médecin réanimateur souligne que ces données s'inscrivent dans un contexte de baisse du nombre de TS et de suicides ces dernières années.
L'augmentation récente des tentatives de suicide chez les jeunes est à rapprocher d'autres signaux de mal-être rapportés dans cette catégorie de population par les médecins : anxiété, troubles du sommeil, états dépressifs... En cause, le stress persistant et la situation exceptionnelle engendrés par la pandémie, qui exacerbent les fragilités psychologiques. Mais peut-être aussi d'autres facteurs. « Cette génération subit une incroyable pression entre la crise sanitaire, l'inquiétude écologique et les menaces d'attentats qui la touchent aussi », soulignait le pédopsychiatre Richard Delorme dans Le Monde du 17 mars.
De janvier à mars 2021, les CAP ont traité quotidiennement quarante à soixante dossiers d'intoxications volontaires, contre trente à quarante-cinq pour la même période en 2020. Des médicaments sont impliqués dans 80 % des cas. Une hausse des appels se dessine aussi depuis l'automne 2020 chez les moins de 12 ans et les plus de 65 ans, « mais les effectifs sont limités, donc il est difficile de conclure », tempère le docteur Vodovar.
Estimation en deçà de la réalité
« Ces résultats, qui vont dans le sens de ce que décrivent les pédopsychiatres, incitent à la vigilance en particulier chez les jeunes, ajoute M. Jollant, en précisant quel'intérêt du suivi des appels aux CAP est de donner des tendances rapides, quasiment en temps réel. Pour ce spécialiste du suicide, ces signaux concordent avec le suivi d'un autre indicateur : les hospitalisations pour gestes auto-infligés. Celles-ci sont décomptées au niveau national grâce à la base de données PMSI (programme de médicalisation des systèmes d'information), où sont codés les diagnostics des patients admis dans les hôpitaux publics et privés.
Une première salve de résultats, portant sur la période 1er janvier-31 août 2020, a été publiée dans la revue The Lancet Regional Health le 29 avril, mais l'équipe a depuis exploité des données allant jusqu'au 31 décembre 2020, révélant une photographie complexe des gestes suicidaires. Sur les huit premiers mois de 2020, 53 584 hospitalisations pour gestes auto-infligés ont été recensées chez les 10 ans et plus, correspondant à 46 922 patients. C'est 8,5 % de moins qu'en 2019.
La baisse a commencé dès la première semaine du premier confinement et a concerné les deux sexes dans toutes les tranches d'âge, sauf celles des plus de 65 ans où le nombre d'hospitalisations pour TS n'a pas faibli. Il a même un peu augmenté chez les plus de 80 ans, un résultat à manier avec précaution du fait de l'effectif réduit. Fabrice Jollant et ses coauteurs font par ailleurs état d'un accroissement significatif des gestes sévères, avec un recours plus fréquent aux armes à feu et défenestrations.
Sur la période de septembre à décembre 2020, les chercheurs retrouvent un nombre d'hospitalisations pour TS inférieur à 2019, « mais cette baisse n'est pas constatée chez les personnes âgées et les jeunes de moins de 25 ans, le nombre a même légèrement augmenté chez les 10-14 ans », poursuit le professeur Jollant.
« S'agissant de la première vague, la diminution des hospitalisations pour TS est plutôt une bonne nouvelle, pour laquelle on peut faire l'hypothèse d'une sidération, d'une souffrance collective partagée. Mais je crains que depuis l'automne 2020, on soit entrés dans une autre période de souffrance psychique », s'inquiète le psychiatre, qui rappelle que des vagues de suicides ont été constatées après d'autres pandémies, comme celle du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), en 2003.
Or, selon lui, les indicateurs actuels sont peu performants pour rendre compte en temps réel des gestes suicidaires à l'échelle d'une population. Ainsi, les TS hospitalisées sont sous notifiées, « les médecins préférant le codage de la pathologie psychiatrique lorsqu'il y en a une à celui de l'acte suicidaire », explique Fabrice Jollant. Ensuite, une proportion non négligeable des gestes suicidaires, en particulier chez les jeunes et lorsqu'ils sont peu sévères, ne conduit pas à une prise en charge hospitalière. « Une enquête menée avant la pandémie, dans le cadre du Baromètre santé, a montré que 40 % des suicidants ne vont pas à l'hôpital, et que parmi eux la majorité ne consulte pas ensuite un psychiatre ou un psychologue », souligne le professeur Jollant. L'estimation de 200 000 tentatives de suicides par an en France serait donc bien en deçà de la réalité.
A Santé publique France (SPF), une surveillance des indicateurs de santé mentale a été mise en place en mars 2020, dès le début de la crise sanitaire. « D'abord ponctuelle, elle a été renforcée depuis l'automne, notamment à la suite d'alertes de pédopsychiatres, pour pouvoir faire des analyses réactives », précise la docteure Céline Caserio-Schönemann, de l'agence sanitaire. S'agissant en particulier des tentatives de suicide, plusieurs indicateurs sont suivis : gestes suicidaires chez les patients pris en charge dans les services d'urgences (réseau Oscour), décès et, depuis février, pensées suicidaires en population générale (enquête CoviPrev) et chez les enfants aux urgences.
« Sur 2020, nous n'avons pas constaté de hausse des gestes suicidaires dans les services d'urgence quelle que soit la tranche d'âge, souligne la spécialiste de Santé publique. En revanche, nous avons été interpellés depuis début 2021 par plusieurs épisodes de hausse, notamment deux pics chez les moins de 15 ans autour des semaines 5 et 10, avec une augmentation de l'ordre de 40 % par rapport au niveau des années précédentes. Nous restons très vigilants. »
Quid des décès ?
Les pédopsychiatres et les pédiatres, qui prennent en charge ces jeunes patients, sont eux toujours préoccupés. A l'hôpital pédiatrique Robert-Debré, « mars a été le pire mois avec + 300 % de tentatives de suicide par rapport aux années précédentes », souligne ainsi le professeur Richard Delorme, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de cet hôpital parisien.
Quid des décès par suicide ? Pour l'instant, il n'y a pas de signal à ce niveau. A l'échelle internationale, une étude menée dans vingt et un pays de différents niveaux de vie (publiée le 22 avril dans la revue The Lancet Psychiatry) n'a pas mis en évidence de hausse de cet indicateur dans les premiers mois de la pandémie, voire même d'une diminution dans certains. Encore provisoires, les données françaises, qui portent sur l'ensemble de l'année 2020, sont plutôt rassurantes. « Le nombre de décès par suicide a baissé pendant les deux confinements, encore plus pendant le premier, par rapport aux deux années précédentes. Et les effectifs sont comparables pour les périodes hors confinement », résume la biostatisticienne et épidémiologiste Anne Fouillet, de SPF.
Habituellement, ces statistiques sont traitées par le centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès de l'Inserm (CépiDc) à partir des certificats de décès remplis par les médecins, et rendues publiques après plusieurs années. Les dernières données disponibles, celles de 2016, faisaient état de 8 435 morts par suicide sur le territoire, avec une sous-estimation communément évaluée à 10 %.
Compte tenu du contexte, Grégoire Rey, directeur du CépiDc, et Mme Fouillet ont réalisé des estimations en accéléré, d'abord à partir des certificats de décès électroniques (qui représentent 30 % de ces certificats), puis en utilisant un algorithme automatique pour l'année 2020. Les données mensuelles sont exploitées quand plus de 90 % des certificats attendus sont réceptionnés, ce qui est le cas jusqu'à janvier 2021.
Considérées comme les plus fiables pour étudier les causes de mortalité, ces statistiques du CépiDc ont cependant l'inconvénient de leur faible réactivité, au moins quatre mois. L'analyse des certificats électroniques est, elle, plus rapide, mais pas encore assez représentative. « C'est un point problématique de la surveillance », souligne Anne Fouillet. « Si un pic est survenu début 2021, on ne peut pas encore le voir aujourd'hui, c'est fâcheux, pour les suicides comme pour d'autres causes de décès », renchérit Grégoire Rey.
Comme bien d'autres, ces deux spécialistes plaident pour un déploiement massif des certificats électroniques, sans attendre une nouvelle crise sanitaire.
USA Le taux de suicide national est en baisse depuis deux ans, mais tous les Américains n'en profitent pastraduction article de Bethany Ao https://medicalxpress.com*
Lorsque le confinement de la pandémie a entraîné des chiffres de chômage élevés et des mesures strictes de distanciation sociale, les experts en santé publique ont mis en garde contre une crise de santé mentale à venir. Cependant, les récentes données provisoires du Système national des statistiques de l'état civil publiées par JAMA Network ont montré que les décès par suicide ont chuté de 5,6 % l'année dernière - passant de 47 511 en 2019 à 44 834 en 2020, ce qui donne aux chercheurs une raison d'afficher un "optimisme prudent."
Cette baisse serait la deuxième année consécutive - les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont signalé la première baisse en décembre dernier, soit un total de 833 décès de moins que l'année précédente. Il s'agissait de la première baisse depuis 1999.
Mais si les chiffres préliminaires indiquent un changement dans la bonne direction, il est important de reconnaître que "ce n'est peut-être pas une diminution pour tous les groupes", a déclaré Mary Ann Murtha, directrice de la section de la région de Philadelphie de la Fondation américaine pour la prévention du suicide. La pandémie a eu un effet disproportionné sur certaines populations, a-t-elle ajouté.
"Lorsque le CDC commencera à analyser les données relatives à l'âge, au sexe, à la race, aux déterminants sociaux tels que les niveaux de revenus, et à la question de savoir si la communauté a eu l'accès le plus approprié aux soins de santé, nous aurons une meilleure vue d'ensemble", a-t-elle ajouté.
Des études préliminaires portant sur des communautés de l'Illinois, du Connecticut et du Maryland ont révélé une augmentation du nombre de suicides parmi les Noirs américains et les autres personnes de couleur, par rapport aux années précédentes. Les communautés de couleur ont supporté le poids de la pandémie - les Hispaniques, les Noirs et les Amérindiens sont plus susceptibles d'être hospitalisés et de mourir du COVID-19 que les Américains blancs. Elles ont également connu plus de difficultés financières ; les taux de chômage déclarés en février étaient de 9,9 % et 8,5 % pour les travailleurs noirs et hispaniques, respectivement, mais seulement de 5,6 % pour les travailleurs blancs.
"Nous ne savons pas encore comment cela se traduira dans les données sur le suicide", a déclaré Rhonda Boyd, psychologue clinique à l'hôpital pour enfants de Philadelphie. "Les communautés de couleur ont également du mal à accéder aux traitements de santé mentale, donc nous ne savons pas comment ces groupes - Noirs, Latinos, Asiatiques et Américains indigènes - seront affectés. Espérons que davantage de données seront publiées et que nous aurons une meilleure idée de la situation."
Le suicide touche également les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, représentant la deuxième cause de décès chez les Américains âgés de 10 à 34 ans. Mme Boyd a souligné qu'au cours des dernières années, le taux de suicide chez les jeunes Noirs a augmenté. Il est impossible pour l'instant de connaître les conséquences à long terme de la pandémie sur la santé mentale des enfants, a-t-elle dit.
"Le cerveau des enfants se développe encore jusqu'à l'âge de 25 ans", a déclaré Mme Boyd. "Nous ne connaissons pas l'impact de ces interactions sociales manquées et ce qu'elles signifieront à long terme. En attendant, nous devons nous assurer que nous prenons soin de nos jeunes, car ils sont notre avenir. Il est très important d'arrêter la transmission intergénérationnelle des traumatismes et des problèmes de santé mentale."
Malgré tout, les baisses sont encourageantes pour les organisations de prévention du suicide, a déclaré Mme Murtha.
"Nous commençons définitivement à sentir que le travail qui est fait autour de la prévention du suicide dans la communauté commence à être reconnu", a-t-elle déclaré. "Des choses comme la mise en place de conseils, l'offre de stratégies et la recherche de signes avant-coureurs lorsque quelqu'un est en train de tourner en rond, les programmes éducatifs que nous offrons sur les lieux de travail et dans les écoles, c'est ainsi que nous brisons la stigmatisation. La pandémie a donné lieu à un dialogue ouvert et honnête au sein de nos communautés et entre nous, ainsi qu'à une sensibilisation accrue au niveau national."
Et même si l'époque de la distanciation sociale touche bientôt à sa fin, puisque les rendez-vous de vaccination sont désormais accessibles à toute personne âgée de plus de 16 ans, il est important de continuer à se contacter et à prendre des nouvelles des autres, a déclaré Mme Murtha.
"Nous devons nous rappeler les uns aux autres qu'il n'y a pas de mal à ne pas être bien, dit-elle. "C'est normal de demander de l'aide. Lorsque la situation revient à la normale, nous devons continuer à poser des questions ouvertes et aimantes, telles que : "Comment puis-je t'aider ? Comment vous sentez-vous ? Nous devons toujours nous assurer que tout le monde va bien."
Enquête FAGE-IPSOS - Un an après : l'urgence d'agir pour ne pas sacrifier la jeunesse
09/05/2021
Pour la deuxième année consécutive, la FAGE publie une enquête commandée auprès de l’institut de sondage IPSOS, retraçant ainsi les problématiques concernant l’ensemble des jeunes, qu’elles ou ils soient étudiant·e·s, en stage, à la recherche d’un emploi ou actif·ve·s. Cette dernière est l’occasion de réaliser d’une part une analyse de l’évolution des différentes difficultés vécues par les jeunes, et d’autre part une évaluation des mesures prises pendant la crise sanitaire, rapidement devenue sociale et économique.
Notre jeunesse déjà éprouvée par la précarité et l’isolement social a été d’autant plus fragilisée : difficultés financières, aggravation de son état psychologique et incompréhension des décisions politiques. Pourtant, la FAGE alerte depuis des années sur le manque de moyens dans l’enseignement supérieur et dans les politiques de jeunesse. Le bilan est désormais tiré. Force est de constater que les universités et l’ensemble des acteur·rice·s politiques n’en ont pas fait suffisamment.
Ce manque de moyens structurels n’a pas permis de relever les défis qu’étaient ceux de la crise, que ce soit sur le versant pédagogique, social ou administratif. Les universités n’ont pas été à la hauteur. Le Gouvernement quant à lui, a mis en place certains dispositifs, tels que le ticket RU à 1 euro pour l’ensemble des étudiant·e·s ou encore les « chèques psy ». Saluées, ces mesures n’en restent pas moins très tardives et ne répondent pas totalement aux besoins sociaux. Ainsi, il est plus que jamais le moment de repenser intégralement notre système d’aides sociales : cette réforme des bourses attendue depuis de nombreuses années doit réellement voir le jour.
En proie à l’impossibilité de se restaurer convenablement, des dizaines de milliers de jeunes ont dû se tourner vers l’aide alimentaire. Ainsi, en 2020, autant d’étudiantes et d’étudiants ont été accueilli·e·s dans les épiceries sociales et solidaires du réseau de la FAGE – les AGORAé – que depuis leur création en 2011. Autant de jeunes continuent à se rendre à des distributions alimentaires et c’est à ce jour plus de 150 000 paniers de biens alimentaires ou d’hygiène qui ont été distribués par le réseau de la FAGE.
La précarité alimentaire a beaucoup été médiatisée, mais les effets de la crise sont pluriels : orientation revue à la baisse, abandon d’un projet de mobilité, insertion professionnelle parfois impossible, parcours académique durement touché, renforcement des troubles somatiques et psychologiques sont autant de difficultés vécues par une trop grande partie des jeunes.
Souvent vantée, la résilience de la jeunesse ne peut être la solution à tous les maux : elle laisse au bord de la route des milliers de jeunes et brise des projets personnels. C’est pourquoi il appartient aux pouvoirs publics d’impulser des mesures fortes de soutien à celle-ci. Entre constats et propositions, nous appelons l’ensemble des acteur·rice·s à se mobiliser pour permettre à notre jeunesse de regagner espoir en l’avenir, faire en sorte que cette résilience n’ait pas été vaine.
ANGLETERRE Covid-19: le taux de suicide `` n'a pas augmenté lors du premier confinement ''
Par Michael Buchanan correspondant aux affaires sociales, BBC News
Le nombre de suicides en Angleterre n'a pas augmenté après le premier confinement national en 2020, selon des recherches.
Les organismes de bienfaisance ont signalé plus de personnes recherchant un soutien en santé mentale, ce qui laisse craindre une augmentation du nombre de suicides.
Les résultats sont conformes aux recherches menées dans d'autres pays à revenu élevé.
À l'aide de données de surveillance en temps réel, qui enregistrent les suicides au fur et à mesure qu'ils surviennent, mais avant qu'une enquête ne soit tenue, les universitaires ont étudié les suicides dans des régions d'Angleterre couvrant quelque 13 millions de personnes - environ un quart de la population.
Ils ont constaté que le taux de suicide entre janvier et mars 2020 était de 125,7 par mois contre 121,3 par mois entre avril et octobre.
En comparant 2020 à 2019, les données ont montré un total de 633 suicides entre avril et octobre 2019, contre 637 au cours des mêmes mois en 2020.
"Nous savons grâce à des sondages et des appels aux organismes de bienfaisance que la pandémie a aggravé notre santé mentale", a déclaré le professeur Louis Appleby, directeur de l'enquête nationale confidentielle de l'Université de Manchester sur le suicide et la sécurité en santé mentale.
«Pour être clair, aucun taux de suicide - qu'il soit élevé ou faible, en hausse ou en baisse - n'est acceptable, et nos conclusions à ce stade doivent être prudentes car ces premiers résultats peuvent changer.
"Il peut encore y avoir des variations entre les groupes démographiques ou les zones géographiques. Après tout, l'impact de Covid-19 lui-même n'a pas été uniforme à travers les communautés."
La BBC Action Line contient des informations sur les organisations offrant des informations et un soutien si vous, ou quelqu'un que vous connaissez, avez été touché par des problèmes de santé mentale.
L'équipe affirme qu'il sera important de surveiller l'impact des conséquences à long terme de la pandémie, telles que l'impact économique.
Le professeur Nav Kapur, qui a également travaillé sur l'étude, a déclaré qu'il n'y avait pas nécessairement de ligne droite entre les personnes déclarant ressentir une plus grande détresse et mettre fin à leurs propres vies.
Écrivant dans le journal Lancet Regional Health Europe, les universitaires disent qu'il est important de continuer à surveiller les chiffres.
"Le suicide est complexe. Il peut y avoir un véritable effet de cohésion sociale au moment des crises extérieures - nous l'avons vu dans les données sur les taux de suicide à l'époque des deux guerres mondiales, les taux de suicide ont diminué et il y a cette idée que les sociétés se serrent les coudes lorsqu'il y a une menace extérieure."
Une recherche distincte publiée la semaine dernière dans le Lancet Psychiatry et examinant les taux de suicide de 21 pays principalement à revenu élevé, tels que l'Australie, le Canada, l'Allemagne, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, n'a trouvé aucune preuve d'une augmentation significative du risque de suicide depuis le début de la pandémie. .
Les chercheurs de cette étude ont émis l'hypothèse que le soutien financier que les gouvernements avaient mis en œuvre pour faire face à Covid-19, y compris l'investissement dans les services de santé mentale, pourrait avoir eu un effet protecteur. https://www.bbc.com/news/health-56818876
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Grand angle Deux mineurs tchadiens vivant dans les rues de Paris (archives). Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants
Coronavirus : les troubles psychiques des mineurs isolés se sont accentués pendant le confinement
Par
Leslie CarreteroPublié le : 20/04/2021
Anxiété, idées
suicidaires, troubles du sommeil, sentiment de déshumanisation... Dans
un rapport, Médecins sans frontières et le Comede révèlent que les
troubles psychiques des mineurs non-accompagnés en recours se sont
accentués pendant le confinement strict de mars 2020. Les associations
appellent les autorités à ouvrir des structures d'hébergement réservées à
ce public spécifique, dans les plus brefs délais.
Le rapport "Vivre le confinement : les mineurs non accompagnés en recours face à l'épidémie de Covid-19"
de Médecins sans frontières (MSF) et du Comede est sans appel : durant
le confinement strict imposé dès mars 2020 en France, les troubles
psychiques des mineurs non-accompagnés (MNA) se sont accrus. "La
précarité socio-administrative et l'isolement qui les caractérisent ont
accentué les effets délétères du confinement sur leurs équilibres
psychiques", dénoncent les auteurs.
Qu'ils aient vécu dans la rue ou qu'ils aient bénéficié d'un
hébergement d'urgence, la période du confinement a été particulièrement
éprouvante pour les jeunes en recours suivis par MSF et le Comede.
Des mineurs à la rue en proie à des "angoisses massives et des idées suicidaires"
Les MNA à la rue ont dû faire face à davantage de difficultés dans
leur quotidien, notamment dans l'accès aux besoins essentiels. Trouver
de la nourriture est devenu pour les jeunes synonyme de prise de risque.
La règle interdisant les déplacements au-delà d'un kilomètre a en effet
rendu difficile l'accès aux distributions de repas des associations.
Certains jeunes, épuisés, ne se sont pas déplacés et ont jeûné par peur
d'enfreindre les règles, pourtant non applicables aux publics à la rue.
L'accès à l'hygiène a subi la même logique : se rendre aux bains
douches municipaux, utilisés en temps normal par les migrants, est
devenu compliqué, du fait de leur éloignement des campements et des
restrictions d'horaires. Par ailleurs, "les jeunes ont dû, et doivent
toujours, faire leurs besoins dans l'espace public, ou dans des
toilettes publiques d'une saleté déconcertante", notent MSF et le
Comede.
Ainsi, la logique de survie, dans laquelle vivent les mineurs isolés,
s'est renforcée pendant le confinement, et a eu un "impact sur leur
équilibre psychique puisqu'elle entraîne un nouveau rapport à soi-même",
peut-on lire dans le rapport. Dans ce contexte, le sentiment de
déshumanisation s'accentue. "Quand le confinement a été proclamé mais
que certains n'ont pas pu se confiner, le sentiment d'être exclu du
groupe humain a été puissant. Cela n'avait aucun sens d'entendre tous
ces messages qui ne pouvaient s'appliquer à eux."
Isolés dans des rues désertes, craignant les contrôles et les
arrestations, les MNA ont souffert "d'angoisses massives et d'idées
suicidaires" dans cet environnement "quasi apocalyptique", assurent les
associations.
Des mineurs hébergés en proie à de "l'anxiété massive et des troubles du sommeil"
Les mineurs en recours hébergés par MSF ne sont pas en reste. Anxiété
massive, troubles du sommeil, de l'attention et de la concentration,
sont autant de conséquences du confinement sur les jeunes. Cette période
s'est traduite par une "mise à l'épreuve de leurs ressources psychiques
et un renforcement de leur fragilité", signalent MSF et le Comede.
Selon le rapport, 43% des jeunes hébergés et interrogés ont fait état
de troubles du sommeil - dont une majorité d'insomnies. Parmi eux, 20%
ont affirmé être atteint d'hypersomnies : ils ont échappé à leurs
angoisses par le sommeil. Par ailleurs, la moitié des jeunes ayant
mentionné des troubles du sommeil ont eu des cauchemars.
Ces difficultés à s'endormir s'expliquent également par l'anxiété
suscitée par leurs démarches juridiques, alors que les audiences au
tribunal ont été annulées. 79% des jeunes suivis par les psychologues de
MSF et du Comede ont fait état d’une anxiété plus ou moins intense liée
aux retards dans leur procédure.
L'ennui provoqué par le confinement a en outre réactivé des
traumatismes liés à l'exil (fuite de son pays, violences sur la route,
perte des proches en mer…). Le rapport stipule que 30% des jeunes
interrogés ont vu leurs symptômes, comme le stress, la dépression ou les
psychotraumas, se redéployer voire se renforcer au cours du
confinement.
Boubacar*, interrogé par les associations, avoue réfléchir beaucoup
plus pendant le confinement. "Noir c'est l'intérieur de ma tête pendant
le confinement. Je suis tout le temps en train de penser. Maintenant il y
a un peu de lumière", a déclaré le jeune homme.
MSF et le Comede préviennent les autorités que, si l'ensemble des
effets négatifs du confinement ont été observés sur l'ensemble de la
population française, ceux sur les MNA ont quant à eux été décuplés,
alors que ces jeunes sont déjà "affaiblis par une politique d'accueil
déshumanisante".
Les associations exhortent le gouvernement à ouvrir, "sans délais",
des lieux d'hébergements pour les mineurs en recours dotés "des moyens
matériels et humains nécessaires à une prise en charge
pluridisciplinaire durant toute la période d’exercice du recours et tant
qu’une décision définitive relative à la minorité du jeune n’a pas été
rendue".
Stabilité des taux de suicide au début de la pandémie. Et après ? Publié le 20/04/2021 https://www.jim.fr/*
La pandémie de Covid-19 a des conséquences importantes sur la
santé mentale des citoyens du monde entier. Certains prévoient une
augmentation conséquente des taux de suicide. Peu de données
existent toutefois sur l’effet d’autres pandémies sur ce
paramètre.
Certaines études se sont intéressées à de précédentes
pandémies de grippe aux USA ou au Royaume-Uni, de SRAS à Hong Kong
et Taïwan ou encore d’Ebola en Guinée. Elles suggèrent que, si le
risque de suicide augmente, cela ne concerne pas obligatoirement
l’émergence de la pandémie, moment où, au contraire, le risque peut
même être réduit.
Une équipe Internationale a relevé les données officielles émanant
de 21 pays (16 pays à revenus élevés et 5 pays à revenus
moyens-supérieurs). Cinq d’entre elles renseignaient l’évolution
des incidences de suicides préalablement à la pandémie.
En prenant en compte le nombre de suicides attendus et le nombre de
suicides observés, il n’apparaît pas d’augmentation significative
du risque de suicide dans les premiers mois de la pandémie (d’avril
à juillet 2020). Dans 12 pays ou régions, l’on observe même une
diminution du nombre de suicides par rapport à ce qui était
prévisible. C’est le cas par exemple de la Nouvelle-Galles du sud
(réduction de 19 %), de la Colombie britannique (réduction de 24
%), de Leipzig en Allemagne (réduction de 51 %) ou encore de
l’Illinois (réduction de 21 %). Davantage de dépression, d’anxiété et de pensées suicidaires surtout
Cette absence d’augmentation du nombre des suicides au début de la
pandémie peut avoir plusieurs explications. Des informations ont
dès le début émergé, rapportant une élévation du niveau de
dépression, d’anxiété et de pensées suicidaires à la suite du
confinement, de la fermeture des écoles et des entreprises. Mais
cela peut ne pas s’être traduit par davantage de suicides. De
nombreux gouvernements ont rapidement pris des mesures pour
encourager l’accès aux soins.
Le contexte particulier a favorisé l’émergence d’initiatives
individuelles pour soutenir les plus fragiles, ou le maintien des
contacts par la technologie. Pour certaines personnes, le
confinement a réduit le stress quotidien, pour d’autres, le
sentiment d’être tous dans la même situation difficile a pu être
bénéfique. Enfin, de nombreux pays ont rapidement mis en place des
mesures pour limiter les conséquences économiques de la
pandémie.
Mais les auteurs mettent en garde. Les mesures économiques n’auront
qu’un temps et la récession qui va suivre pourra favoriser le
risque suicidaire. C’est ce que confirme la prolongation de la
période d’observation jusqu’en octobre 2020 à Porto Rico, Vienne ou
au Japon, qui montre une augmentation des taux de suicide pourtant
stables pendant les premiers mois de la pandémie. Si d’autres
facteurs peuvent y avoir contribué (par exemple la médiatisation du
suicide de personnalités célèbres au Japon au début de la pandémie,
ou la pauvreté endémique à Porto Rico), il semble toutefois
nécessaire de continuer à produire des données de qualité, pour une
information fiable et des actions préventives adaptées à la
situation réelle.
Dr Roseline Péluchon Références Pirkis J et coll.: Suicide trends in the early months of the COVID-19 pandemic: an interrupted time-series analysis of preliminary data from 21 countries. Lancet Psychiatry 2021 ; publication avancée en ligne le 13 avril. doi: 10.1016/S2215-0366(21)00091-2. https://www.jim.fr/medecin/actualites/medicale/e-docs/stabilite_des_taux_de_suicide_au_debut_de_la_pandemie._et_apres__187327/document_actu_med.phtml
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SANTE MENTALEETCOVID-19: DE LA SURVEILLANCE A L’ACTIONa lire aussi Dossier de presse, Santé Publique France, 6 avril 2021Télécharger (pdf - 591.95 Ko)
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Les conseils de Angèle Consoli, la psychiatre du conseil scientifique, pour survivre à la période actuelle Face au Covid-19, "il faut ouvrir des lits en psychiatrie", alerte Angèle Consoli, qui appelle à s'accrocher aux espoirs suscités par la vaccination. Par Antoine Beau https://www.huffingtonpost.fr/* 5/04/2021
SANTÉ MENTALE - Depuis son bureau à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, Angèle Consoli est au chevet d’une France qui se ronge les ongles. Entre deux consultations dans le plus grand service psychiatrique de France, cette nouvelle recrue du Conseil scientifique apporte son expertise à Emmanuel Macron pour ménager la santé mentale des Français, malmenés par la crise du coronavirus.
Alors que le coronavirus sature déjà les hôpitaux, l’Élysée s’inquiète de l’émergence d’une nouvelle épidémie. À la mi-février, 22,7 % des Français interrogés par Santé publique France se disaient victimes de troubles dépressifs ou anxieux. La détresse psychologique n’a jamais été aussi répandue, même pendant les deux confinements nationaux.
Isolement, désocialisation, incertitude, incohérence, contradiction, absence de loisirs, perte de proches… Le Covid-19 et ses restrictions chagrinent, froissent, déstabilisent notre psyché, jusqu’à nous rendre malades. La première psy de France a accepté de répondre au HuffPost. Allongez-vous.
Le HuffPost: Les Français vont mal. Dépression, anxiété, hospitalisations après une tentative de suicide... Tous les indicateurs sont au rouge. La crise exacerbe-t-elle des troubles psychologiques préexistants ou sommes-nous tous à risque de développer des maladies mentales ?
Pr Angèle Consoli: La crise sanitaire peut aggraver certaines maladies mentales ou en révéler de nouvelles. Les populations particulièrement vulnérables sont les jeunes et les personnes âgées. Dans le service de pédopsychiatrie à la Pitié Salpêtrière où je travaille, je vois des adolescents et des enfants qui vont plus mal alors qu’ils étaient déjà suivis pour des pathologies psychiatriques (troubles dépressifs, troubles anxieux, troubles du développement). Il y a aussi des personnes qui consultent pour la première fois.
Il existe un continuum entre des signes d’une détresse émotionnelle, plus légère, plus temporaire, et des décompensations (ndlr : dégradations brutales) psychiatriques relevant de soins spécifiques. Les deux situations ne s’opposent pas, elles font partie d’un ensemble qui est préoccupant.
L’hôpital a-t-il les moyens pour affronter cette vague psychiatrique ?
La crise du Covid-19 aggrave les tensions dans les services psychiatriques, notamment ceux destinés aux patients les plus jeunes. Avant la pandémie, nous refusions déjà des malades relevant de soins en hospitalisation à temps plein. Depuis le second confinement, le nombre d’hospitalisations après une tentative de suicide ou pour idées suicidaires, troubles anxieux ou troubles dépressifs augmente fortement dans toute la France. La demande de consultations est également très forte. Les malades repartent chez eux dans une cellule familiale inquiète d’un nouveau passage à l’acte.Angèle Consoli, pédopsychiatre, membre du Conseil scientifique
A la Pitié Salpêtrière, nous avons actuellement environ 40 patients sur une liste d’attente pour les admissions en hospitalisation temps plein, du fait de crises suicidaires principalement. Les malades repartent chez eux dans une cellule familiale inquiète d’un nouveau passage à l’acte. Nous devons faire rentrer chez eux des adolescents relevant de soins en hospitalisation, et annoncer à leurs familles inquiètes et parfois très démunies qu’il faut attendre qu’une place se libère… En attendant, on continue à les suivre en consultation.
Quelles sont les recommandations du Conseil scientifique pour que le pays puisse répondre à cette épidémie de maladie mentale ? Les mesures préconisées par le Conseil scientifique varient selon le degré de difficultés rencontrées. Le système de soins en psychiatrie est très saturé, notamment en pédopsychiatrie. Cela mérite une réflexion profonde au-delà de cette crise sanitaire, sur l’offre de soins et l’organisation des soins en santé mentale (augmenter le nombre de lits temps plein, renforcer les alternatives aux hospitalisations). Des assises de psychiatrie doivent se tenir avant l’été.
Pour les personnes les plus à risques, nous préconisons notamment d’augmenter le quota de médecins et psychologues scolaires, de psychologues au sein des universités. Enfin, pour la population générale, nous recommandons au gouvernement de continuer à soutenir des campagnes d’information sur l’impact sur la santé mentale de la crise sanitaire, qui accentue le risque suicidaire, les conduites addictives, les manifestations anxieuses et dépressives. Une consultation avec un spécialiste est nécessaire si les symptômes persistent et deviennent invalidantsAngèle Consoli, pédopsychiatre, membre du Conseil scientifique
Comment repérer les signes d’un mal-être qui s’installe à la maison ?
Il est important de repérer chez un enfant ou un adolescent un changement de comportement, une rupture avec son fonctionnement antérieur. Par exemple, il va montrer une irritabilité inhabituelle, voire des crises de colère, ou bien un retrait, un isolement, une humeur triste, voire des pleurs inhabituels et fréquents.
La première chose à faire est de parler avec son enfant ou son adolescent et avec les personnes qui s’en occupent, les enseignants par exemple. C’est important de pouvoir les amener à parler de ce qu’ils ressentent, de leurs inquiétudes, de leurs sentiments. Une consultation avec un spécialiste sera nécessaire si les symptômes s’installent, persistent, deviennent invalidants et intenses.
Pour aller mieux, faut-il s’accrocher aux espoirs que provoquent la vaccination et les protocoles sanitaires dans les restaurants et les lieux de culture ?
La vaccination est un espoir indéniable. Les courbes rapportant le nombre d’infections par la COVID 19 en Île-de-France dans la population générale et chez les soignants de l’AP-HP étaient jusqu’à maintenant tout à fait superposables. Depuis que 37% des soignants sont vaccinés versus 7% de la population de l’Île-de-France, la courbe des infections COVID des soignants a nettement diminué, ce qui témoigne de l’efficacité de la vaccination. Se faire vacciner permet d’être acteur d’une amélioration possible. Essayons de nous projeter. On va pouvoir reprendre des activités qui nous font du bien.Angèle Consoli, pédopsychiatre, membre du Conseil scientifique
Cet espoir peut se transmettre aux plus jeunes qui ont besoin de se projeter vers un avenir meilleur. Penser et imaginer retrouver des activités qui faisaient du bien, comme les activités sportives ou culturelles, est essentiel. Une adolescente en consultation me disait: “mon petit café en sortant du lycée avec les copains était tellement important”. La vie culturelle et le bien être psychique sont étroitement liés.
Est-ce qu’on va aller mieux une fois la crise terminée ou rester chez nous, anxieux?
Les deux mouvements sont possibles et il faudra y être attentif. On peut s’attendre à des moments d’exaltation avec la tentation d’oublier et de passer vite à autre chose. L’enjeu c’est de faire comprendre que reprendre cette vie la plus “normale” possible s’accompagnera aussi de la poursuite des gestes et mesures barrière…
Que va-t-il se passer si certains troubles psychologiques graves s’installent dans la population ?
Les effets de la crise sanitaire sur la santé mentale peuvent tout à fait se prolonger pour les personnes les plus vulnérables (personnes âgées, sujets jeunes, personnes précaires…), d’autant plus que les difficultés économiques sont un facteur de risque bien connu de troubles mentaux. Les symptômes rapportés dans la population (anxiété, dépression, idées noires), la précarité, l’isolement social sont aussi des facteurs de risque de passage à l’acte suicidaire. Le nombre de tentatives de suicide, indice majeur en termes de santé mentale, est observé de très près.
Peut-être que la mobilisation aujourd’hui concernant la santé mentale permettra une déstigmatisation des pathologies mentales. Et enfin, il est important de rappeler tous les élans de solidarité, d’altruisme et de créativité qui se sont développés et qui peuvent aussi permettre de faire face à l’adversité et d’aller mieux.
Hospitalizations for suicide attempt during the first COVID‐19 lockdown in France Emilie Olié 1, 2, * Erika Nogué 3 Marie Christine Picot 3 Philippe Courtet 1, 2 * Auteur correspondant 1 IGF - Institut de Génomique Fonctionnelle 2 CHU - Hôpital Lapeyronie [Montpellier] 3 CHRU Montpellier - Centre Hospitalier Régional Universitaire [Montpellier]
Abstract : When the first lockdown was implemented to limit the spread
of coronavirus disease 19 (COVID-19), many experts alerted on the
potential risk of suicide. Indeed, prolonged social isolation due to the
stay-at-home directives has been associated with increased loneliness
(1), known to increase suicide risk. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03181295 Soumis le : jeudi 25 mars 2021 - 15:06:08 Citation Emilie
Olié, Erika Nogué, Marie Christine Picot, Philippe Courtet.
Hospitalizations for suicide attempt during the first COVID‐19 lockdown
in France. Acta Psychiatrica Scandinavica, Wiley, 2021, ⟨10.1111/acps.13296⟩. ⟨hal-03181295⟩
Recherche : Les hospitalisations pour tentative de suicide pendant le premier confinement en France
Publié : 11 avril 2021
https://www.fondation-fondamental.org/*
Lors du premier
confinement de mars 2020 mis en place afin de limiter la propagation du
COVID-19, de nombreux psychiatres ont alerté sur un possible impact
quant aux possibles passages à l’acte suicidaire, en particulier chez
les personnes en situation de détresse psychologique. Au CHRU de
Montpellier, une équipe de chercheurs, membres de la Fondation
FondaMental, a montré que le nombre d’hospitalisations pour tentative de
suicide avait nettement baissé pendant le confinement alors que le
nombre de cas les plus sévères restait stable sur l’ensemble du
territoire français.
Étudier le lien entre la pandémie et les tentatives de suicide
En mars 2020, les mesures du confinement ont contraint la
population française à l’isolement social pendant une période prolongée.
Certains experts ont dès lors alerté sur l’impact psychologique
du confinement, qui a fortement aggravé le sentiment de solitude,
lui-même identifié comme un facteur de risque suicidaire.
Les données concernant le taux de mortalité par suicide pendant
cette période ne sont pas encore assez précises et, à ce jour, peu
d’études ont analysé l’effet du confinement sur un échantillon large et
représentatif.
En s’appuyant sur la base de données nationale sur les sorties
d’hôpital, des chercheurs du CHRU de Montpellier ont, dans un premier
temps, identifié le nombre d’hospitalisations pour tentative de suicide
pendant la période du confinement ainsi que pendant les 56 jours
précédant et suivant le confinement et des périodes similaires en 2019.
Ils ont aussi évalué la proportion de gestes sévères, le taux de
mortalité hospitalière, les tranches d’âge et le sexe les plus touchés.
Une baisse générale des tentatives de suicide pendant le confinement
Pour la période du premier confinement, 10 400 hospitalisations pour tentative de suicide ont été recensées, soit une réduction significative du nombre global des tentatives de suicide pendant le confinement.
Les tentatives dites « non-sévères » (c’est-à-dire ne requérant pas de
soins intensifs) étaient les plus fréquentes, soit près de 79% des cas.
Les autres chiffres montrent que :
La réduction s’explique principalement par une diminution du nombre de tentatives de suicide non-sévères, par rapport à la période précédant le confinement et aux mêmes périodes en 2019 ;
Le pourcentage de tentatives de suicide chez les femmes et les moins de 30 ans a également diminué ;
Ces résultats correspondent avec la baisse observée dans les autres pays pendant les périodes de confinement. D’après les auteurs, cette diminution pourrait s’expliquer selon plusieurs facteurs :
Le sentiment collectif d’entraide, observé pendant les périodes de crise nationale ;
L’adaptation à une nouvelle forme de travail (télétravail, diminution des heures) ;
Les aides financières.
Le nombre de cas sévères demeure préoccupant
En comparaison à ces chiffres, le nombre de tentatives de suicide
sévères, ainsi que les décès liés pendant l’hospitalisation, sont restés
relativement stables. Par conséquent, la proportion des passages à
l’acte sévères était plus importante lors du confinement.
Le Pr Philippe Courtet indique ainsi que « cet
écart pourrait s'expliquer par la non-hospitalisation des cas de
tentatives de suicide non-sévères en raison de l’accès limité aux
urgences, contrairement aux tentatives les plus graves. (1)»
Une autre hypothèse suggère que le contexte psychosocial a plus
fortement impacté les personnes ayant commis une tentative de suicide
sévère et qui de fait présentent une psychopathologie plus grave.
« La prévention du suicide doit rester une priorité car le nombre
des tentatives de suicide sévères n’a pas changé, ce qui pourrait
conduire à une augmentation du taux de suicide pendant la pandémie
COVID-19 », indique le Dr Emilie Olié. « Des
études supplémentaires sont nécessaires pour identifier l'impact à long
terme de la pandémie de COVID-19 sur le risque de suicide en raison de
ses conséquences psychosociales et des séquelles neuropsychiatriques
attendues. »
_____
(1) GÓMEZ-RAMIRO M, FICO G, ANMELLA G, et
al. Changing trends in psychiatric emergency service admissions during
the COVID-19 outbreak: Report from a worldwide epicentre. J Affect
Disord. 2020 Dec 27;282:26-32
Source : Emilie Olié, Erika Nogue,
Marie-Christine Picot et Philippe Courtet. // Acta Psychiatrica
Scandinavica // Hospitalizations for suicide attempt during the first
COVID-19 lockdown in France
*** Les hospitalisations pour tentative de suicide ont baissé lors du premier confinement, pointe une étude montpelliéraine Des chercheurs du CHRU de Montpellier et de la Fondation Fondamental se sont penchés sur les données d'hospitalisation pour tentative de suicide. Les résultats soulèvent de nombreuses hypothèses d'interprétation. Publié le 16/04/2021 https://france3-regions.francetvinfo.fr*
Le CHU de Montpellier, en février 2020. Hérault Montpellier
C’est un résultat qui a de quoi surprendre, à l’heure d’une vigilance accrue concernant les troubles psychologiques engendrés par la pandémie de Covid-19. Selon une étude menée par des chercheurs du CHRU de Montpellier et publiée début mars dans l'Acta Psychiatrica Scandinavica, le nombre d’hospitalisations après une tentative de suicide a diminué pendant le premier confinement. Et ce, malgré les facteurs de risque aggravés par les restrictions de circulation, à commencer par l'isolement. Diminution globale des hospitalisations
Entre le 16 mars et le 11 mai 2020, les auteurs dénombrent 10 400 hospitalisations pour ce motif à travers la France, soit 2864 de moins que l’année précédente à la même période. Cette évolution à la baisse se confirme si l’on considère les semaines qui ont précédé ou suivi le confinement. Mais elle concerne surtout les tentatives "non-sévères", c’est-à-dire celles pour lesquelles le patient n’a pas eu besoin de soins intensifs. Ce sont aussi les plus nombreuses.
Reste à savoir comment expliquer cette diminution. Les auteurs, rattachés à la Fondation Fondamental avancent plusieurs hypothèses : changement du mode de travail et diminution des heures, mécanismes d’aides qui ont allégé la pression financière, ou encore un "sentiment collectif d’entraide observé pendant les périodes de crise nationale". "On sait que sur une période de guerre par exemple, il y a une plus grande cohésion sociale et une réduction de la mortalité par suicide, avec un sentiment d'appartenance qui est plus fort", explique ainsi Emilie Olié, professeure de psychiatrie au CHU de Montpellier. Une "diminution artificielle" ?
Mais ces pistes sont à nuancer par une autre explication possible : le recours moindre aux services de soin. "Est-ce qu'on capte une réelle diminution des tentatives de suicide, s’interroge Emilie Olié, ou est-ce que c'est une diminution artificielle parce que des gens qui, en temps normal, auraient atterri aux urgences ne se sont pas présentés (...) du fait de l'engorgement ou d'un accès à l'hôpital moins aisé pendant le confinement ?"
D’autant que les tentatives les plus graves n’ont elles pas diminué. Et que l’étude ne prend en compte que les personnes hospitalisées, laissant donc sous silence les suicides qui ont abouti à la mort de leur auteur avant toute prise en charge. Il faudra donc attendre les données de la mortalité, certainement d’ici "2023 ou 2024", pour avoir une idée plus fine de l’impact du confinement sur les passages à l’acte. "Rester vigilant"
Les alertes sur la dégradation générale de la santé mentale en France se sont également multipliées au cours de l’année écoulée. L’étude CoviPrev, dont les résultats sont publiés par Santé Publique France, indique une augmentation de la dépression et des troubles anxieux, mais aussi des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois. Elles concerneraient 9 % des Français, soit quatre points de plus que le niveau "hors épidémie".
"Il faut quand même rester vigilant et continuer à prendre en charge la dépression, les troubles anxieux, et faire de la prévention sur la santé mentale, insiste Emilie Olié. C’est essentiel et c’est un des éléments de la prévention du suicide." De quoi imaginer un impact sur le long terme, au-delà du confinement ? L’équipe montpelliéraine a donc commencé à travailler sur les données de l’année 2020 dans sa globalité. M. Lesprit
Suicide trends in the early months of the COVID-19 pandemic: an interrupted time-series analysis of preliminary data from 21 countries Prof Jane Pirkis, PhD, Prof Ann John, MD Sangsoo Shin, MPH Marcos DelPozo-Banos, PhD Vikas Arya, MRes Pablo Analuisa-Aguilar, MPH Prof Louis Appleby, FRCPsych Prof Ella Arensman, PhD Prof Jason Bantjes, PhD Anna Baran, PhD Prof Jose M Bertolote, MD Prof Guilherme Borges, PhD Prof Petrana Brečić, MD Prof Eric Caine, MD Giulio Castelpietra, PhD Shu-Sen Chang, PhD David Colchester, BTech Prof David Crompton, FRANZCP Prof Marko Curkovic, MD Eberhard A Deisenhammer, MD Chengan Du, PhD Jeremy Dwyer, PhD Annette Erlangsen, PhD Jeremy S Faust, MD Sarah Fortune, PhD Andrew Garrett, PhD Devin George, MPPA Rebekka Gerstner, MPH Renske Gilissen, PhD Prof Madelyn Gould, PhD Prof Keith Hawton, FMedSci Joseph Kanter, MD Prof Navneet Kapur, FRCPsych Prof Murad Khan, PhD Olivia J Kirtley, PhD Duleeka Knipe, PhD Kairi Kolves, PhD Stuart Leske, PhD Kedar Marahatta, MD Prof Ellenor Mittendorfer-Rutz, PhD Prof Nikolay Neznanov, PhD Thomas Niederkrotenthaler, PhD Emma Nielsen, PhD Prof Merete Nordentoft, DrMSc Herwig Oberlerchner, Dr med Prof Rory C O’Connor, PhD Melissa Pearson, PhD Prof Michael R Phillips, MD Prof Steve Platt, PhD Prof Paul L Plener, MD Georg Psota, MD Prof Ping Qin, PhD Daniel Radeloff, Dr med Christa Rados, Dr med Prof Andreas Reif, MD Christine Reif-Leonhard, MD Prof Vsevolod Rozanov, PhD Christiane Schlang, Dr med Prof Barbara Schneider, Dr med habil Natalia Semenova, PhD Mark Sinyor, MD Prof Ellen Townsend, PhD Michiko Ueda, PhD Lakshmi Vijayakumar, PhD Prof Roger T Webb, PhD Manjula Weerasinghe, PhD Prof Gil Zalsman, MD Prof David Gunnell, FMedSci † Matthew J Spittal, PhD †
Background The COVID-19 pandemic is having profound mental health consequences for many people. Concerns have been expressed that, at their most extreme, these consequences could manifest as increased suicide rates. We aimed to assess the early effect of the COVID-19 pandemic on suicide rates around the world. Methods We sourced real-time suicide data from countries or areas within countries through a systematic internet search and recourse to our networks and the published literature. Between Sept 1 and Nov 1, 2020, we searched the official websites of these countries’ ministries of health, police agencies, and government-run statistics agencies or equivalents, using the translated search terms “suicide” and “cause of death”, before broadening the search in an attempt to identify data through other public sources. Data were included from a given country or area if they came from an official government source and were available at a monthly level from at least Jan 1, 2019, to July 31, 2020. Our internet searches were restricted to countries with more than 3 million residents for pragmatic reasons, but we relaxed this rule for countries identified through the literature and our networks. Areas within countries could also be included with populations of less than 3 million. We used an interrupted time-series analysis to model the trend in monthly suicides before COVID-19 (from at least Jan 1, 2019, to March 31, 2020) in each country or area within a country, comparing the expected number of suicides derived from the model with the observed number of suicides in the early months of the pandemic (from April 1 to July 31, 2020, in the primary analysis). Findings We sourced data from 21 countries (16 high-income and five upper-middle-income countries), including whole-country data in ten countries and data for various areas in 11 countries). Rate ratios (RRs) and 95% CIs based on the observed versus expected numbers of suicides showed no evidence of a significant increase in risk of suicide since the pandemic began in any country or area. There was statistical evidence of a decrease in suicide compared with the expected number in 12 countries or areas: New South Wales, Australia (RR 0·81 [95% CI 0·72–0·91]); Alberta, Canada (0·80 [0·68–0·93]); British Columbia, Canada (0·76 [0·66–0·87]); Chile (0·85 [0·78–0·94]); Leipzig, Germany (0·49 [0·32–0·74]); Japan (0·94 [0·91–0·96]); New Zealand (0·79 [0·68–0·91]); South Korea (0·94 [0·92–0·97]); California, USA (0·90 [0·85–0·95]); Illinois (Cook County), USA (0·79 [0·67–0·93]); Texas (four counties), USA (0·82 [0·68–0·98]); and Ecuador (0·74 [0·67–0·82]). Interpretation This is the first study to examine suicides occurring in the context of the COVID-19 pandemic in multiple countries. In high-income and upper-middle-income countries, suicide numbers have remained largely unchanged or declined in the early months of the pandemic compared with the expected levels based on the pre-pandemic period. We need to remain vigilant and be poised to respond if the situation changes as the longer-term mental health and economic effects of the pandemic unfold. Funding https://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(21)00091-2/fulltext#%20
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TRIBUNES : « Sommes-nous vraiment prêts à “trier” les enfants et adolescents suicidaires ? » Tribune jeudi 25 mars 2021 https://www.lemonde.fr/* Collectif
Depuis le début de la crise sanitaire, idées et pulsions suicidaires chez les plus jeunes déferlent, alerte un collectif emmené par Lisa Ouss, pédopsychiatre à l’hôpital Necker.
La seconde vague psychiatrique nous submerge
Chez les plus jeunes, les actes et les idées suicidaires déferlent depuis l'automne, alerte un collectif emmené par Lisa Ouss, professeure associée en pédopsychiatrie à l'hôpital Necker, à Paris, et les membres du conseil scientifique de la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent un collectif page 29
Comment répondre à ce dilemme impossible : trier les enfants et adolescents que l'on va hospitaliser après un geste ou une intentionnalité suicidaire forte ? Si les actes ou idées suicidaires des jeunes ont diminué pendant le premier confinement, ils déferlent depuis l'automne, peut-être à la faveur d'un discours fataliste sur une jeunesse sacrifiée.
La seconde vague psychiatrique nous submerge, et nous, les pédopsychiatres, psychiatres, psychologues, acteurs du soin psychique, avec l'aide précieuse des pédiatres, malgré les alertes lancées depuis longtemps, écopons la catastrophe annoncée mais désormais quotidienne. Or, un geste ou une intention suicidaire, chez un enfant ou un adolescent, marque une détresse qui doit être immédiatement entendue, accompagnée, dans toute la complexité d'un environnement scolaire, familial, sociétal que le contexte actuel fragilise.
Pour ce faire, il faut du temps, une écoute, un espace, et celui de l'hôpital est un nécessaire refuge, à l'abri des turbulences. Or, il devient extrêmement difficile voire impossible d'hospitaliser rapidement un enfant ou un adolescent qui présente de telles pensées ou est passé à l'acte. Nous ne voulons pas « trier » les patients Covid-19, sommes-nous vraiment prêts à « trier » les enfants et adolescents après un geste ou une intention suicidaire forte ?
Notre inquiétude
Faut-il raconter la quête interminable et infructueuse d'un lit ? Faut-il raconter comment nous renvoyons chez eux ces adolescents et les revoyons tous les jours jusqu'à l'obtention du Graal, un lit en pédiatrie ou en pédopsychiatrie ? Faut-il détailler la réaction de leur environnement à l'annonce de leur retour à domicile ? Faut-il souligner le risque de transformer ce retour à domicile en un premier palier d'une escalade face à un acte qui n'est pas entendu dans toute sa gravité ? Faut-il raconter notre inconfort, notre inquiétude, et notre manquement à les laisser partir ? Faut-il rapporter les discussions pour savoir quelle « pire » situation nous allons choisir d'hospitaliser car nous n'avons qu'un lit et plusieurs patients ?
Une société qui court à sa perte
Faut-il raconter que nous déprogrammons chaque semaine nos activités, depuis plusieurs mois, pour répondre à ces besoins urgents ? Faut-il rappeler que nous ne pouvons pas transférer en TGV, vers des territoires meilleurs, des adolescents qui doivent être, paradoxalement, éloignés de l'environnement qui a précipité leur geste, tout en en restant proches ?
Faut-il attendre un inéluctable accident à venir, un autre fait divers, pour dire la souffrance et la détresse pourtant déjà si visibles qui étreignent notre jeunesse ? Nous ne voulons plus rentrer chez nous en nous disant que nous n'avons pas pu faire correctement notre travail.
Koltès savait ouvrir ces horizons : « Je voudrais aller voir la neige en Afrique. Je voudrais faire du patin à glace sur les lacs gelés », dit la gamine. Une société qui ne laisse pas à ses adolescents le territoire du possible, à défaut de celui du rêve, est une société qui court à sa perte.
Et nous, acteurs du soin psychique, qui sommes convoqués sans arrêt pour soutenir les équipes médicales pendant la tempête déchaînée du Covid-19, à chaque événement traumatique, face aux questions sociétales de la jeunesse, sans que l'on nous donne les moyens d'y répondre, refusons d'être les spectateurs muets d'une catastrophe que nous pouvons prévenir. Note(s) : Premiers signataires : Florence Askenazy-Gittard, professeure de pédopsychiatrie,chef de service; Michel Basquin, professeure émérite de pédopsychiatrie; Thierry Baubet, professeur de pédopsychiatrie; Bérengère Beauquier-Maccotta, pédopsychiatre, praticienne hospitalière; Avicenne Bellis, interne en pédopsychiatrie; Olivier Bonnot, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent; Marie Bon-Saint-Côme, pédopsychiatre; Romain Bourdoncle, pédopsychiatre; Marie-Michèle Bourrat, pédopsychiatre; Lisa Ouss, professeure associée en pédopsychiatrie, membre du conseil scientifique de la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et disciplines associées. La liste complète sur Lemonde.fr
« Souvent, chez les jeunes, la finalité de l’acte suicidaire, c’est de vouloir un changement radical de vie » S&B Vonlanthen on Unsplash
Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact exact de la crise sanitaire et des confinements à répétition sur l’évolution du nombre de suicides en France. Mais la psychologue clinicienne Nathalie de Kernier, qui a publié en décembre 2020 un « Que sais-je ? » sur le sujet, redoute que cette pandémie ne pousse un nombre négligeable de personnes à mettre fin à leurs jours. Philippe Chassepot
- 22 mars 2021
Le penseur roumain francophone Emil Cioran a fait du suicide une grande partie de son fond de commerce, avec des formules aussi drôles que profondes telles que : « On se suicide toujours trop tard », ou encore « Sans l’idée du suicide, je me serais tué depuis longtemps ». La réalité est hélas bien plus terrible que cet exercice de style. Les confinements multiples et les privations de liberté liées à la crise sanitaire ont renforcé l’isolement, les contraintes et le sentiment d’emprise chez ceux qui souffrent. Nathalie de Kernier, maître de conférences et psychologue clinicienne, vient de publier un « Que sais-je ? » sur le sujet. Si on ne peut encore mesurer l’ampleur des dégâts, faute de statistiques, elle craint que cette pandémie s’annonce cruelle à court terme.
Usbek & Rica : Quelles sont, selon vous, les tranches d’âges les plus touchées par les tendances suicidaires depuis le début de la pandémie ?
Nathalie de Kernier : Je pense d’abord aux personnes âgées et isolées, pour qui les visites sont souvent leur seule raison d’exister. Lorsqu’elles en sont privées, elles se détachent de toute raison de vivre et se laissent « glisser » – ce qu’on appelle le syndrome de glissement, c’est-à-dire le contraire de tenir. Elles abandonnent tout élan vital car il n’y a plus le sel de leur vie. C’est une forme de suicide à petit feu. Il est fort probable que les conséquences psychiques de l’isolement les tuent davantage que le virus lui-même, même si on n’a pas encore les statistiques pour le prouver.
« Mes collègues exerçant en milieu hospitalier évoquent davantage d’arrivées aux urgences et de crises suicidaires, dépressives et anxieuses depuis un an »
Nathalie de Kernier, psychologue clinicienne
Une étude anglaise vient de montrer une forte augmentation des signes d’anxiété et de dépression chez les adolescents et les post-ados. C’est l’autre catégorie à risques ?
Mes collègues exerçant en milieu hospitalier évoquent davantage d’arrivées aux urgences et de crises suicidaires, dépressives et anxieuses depuis un an. Plus de phobies scolaires, également. Les jeunes sont eux aussi fortement impactés, surtout les étudiants sommés de rester isolés. Rester rivé sur son écran entre quatre murs, c’est tout le contraire de ce dont ils ont besoin à ce moment de leur vie : les contacts, la sensorialité, les expériences sont aussi essentiels que le contenu des apprentissages. Le resto U, la cafétéria, la pelouse du campus, les jobs étudiants, les activités extra-universitaires, c’est aussi essentiel que l’enseignement.
Nathalie de Kernier, psychologue clinicienne / Capture d’écran du site Doctolib
Pendant des mois, on a surtout entendu parler d’urgence sanitaire et très peu de souffrance psychologique. Pourquoi un tel fourvoiement ?
Très souvent, dans les situations de crises, les aspects psychologiques se voient dans un premier temps mis à l’écart, voire déniés. Parce que le premier réflexe, c’est la survie physique, le suivi des consignes sans trop se poser de questions. Sans doute la plupart des gens estimaient qu’on en viendrait vite à bout et qu’il fallait juste prendre son mal en patience pendant un temps limité. Un an plus tard, on n’entrevoit toujours pas de sortie de crise, et la répétition des restrictions a entraîné un véritable inconfort.
Plusieurs épidémiologistes militent toujours pour un confinement dur et long. Ont-ils selon vous une vision trop étroite du problème ?
Certains n’ont sans doute pas la pleine maîtrise du sujet. Chaque spécialiste est tenté d’aller dans le sens de son approche principale. Il est très compliqué pour certains d’avoir une vision globale, et ils perdent de vue les effets collatéraux. En temps que psychologue, j’ai vu cette urgence-là plus vite, évidemment. Mais il faut un certain temps pour qu’il y ait pleine prise de conscience chez tout le monde. Et puis l’émotion collective est souvent un empêcheur de penser, dans un premier temps.
J’ai surtout été très surprise quand on a reconfiné tous les étudiants en novembre dernier. J’avais voulu publier un article grand public sur le sujet à ce moment-là, mais les grands quotidiens nationaux ont refusé mes propositions spontanées. J’ai alors posté un article intitulé « Jeunesse confinée, jeunesse sacrifiée ? » sur le blog de Mediapart, et depuis quelques semaines, je retrouve des bribes du contenu ici et là, avec le mot « sacrifice » qui revient. Mais j’avoue avoir été très étonnée de cet apparent déni de la détresse des étudiants à la fin de l’automne.
« Le non-dit est le fil rouge dans la problématique suicidaire, quel que soit l’âge »
Nathalie de Kernier, psychologue clinicienne
Ces passages à l’acte sont parfois étonnants, déclenchés par un événement anodin que personne ne voit venir.
C’est la face émergée de l’iceberg, oui, une accumulation qui fait qu’un événement en apparence insignifiant vient déclencher quelque chose de très très fort. Je rencontre souvent des personnes qui survivent à leur acte suicidaire, qui peuvent encore parler, et je suis toujours stupéfaite de voir à quel point leur détresse était incommunicable. Le non-dit est le fil rouge dans la problématique suicidaire, quel que soit l’âge : il existe un sentiment de honte dans l’histoire familiale, ou d’autres suicides dans la famille, ou des traumas précoces enfouis, parfois des générations en arrière. Et le geste suicidaire vient interroger sur le sens de ce non-dit, dans une quête désespérée d’élucidation.
Entre le terrorisme, la pandémie, les crises économique et environnementale, le monde d’aujourd’hui est très anxiogène. Pensez-vous que les tentatives de suicide soient un « recours » amené à se développer au cours des prochaines années ?
Je ne veux pas entretenir une vision alarmiste d’une vie qui serait forcément de plus en plus dure pour tous. Certaines personnes arrivent à tirer des ressources pour faire de leur vulnérabilité une opportunité. Ce contexte de pandémie est propice à la réflexion existentielle : où aller, pourquoi… Il faut absolument ouvrir les portes de l’introspection plutôt que s’enfermer avec des « on doit » ou des « il faut ». Ces tunnels peuvent aussi tuer, parce qu’on se dit qu’il n’y plus le choix, et que la seule possibilité, c’est d’en finir.
Vous écrivez dans votre ouvrage : « Très souvent, vouloir mettre fin à ses jours ne signifie pas, dans le fond, vouloir mettre fin à sa vie. » C’est-à-dire ?
C’est le plus souvent le cas chez les jeunes : la finalité de l’acte suicidaire, c’est de vouloir un changement radical de vie, une volonté de mettre fin à la vie telle qu’elle est vécue dans sa forme actuelle. Mais la détresse est telle que la conviction qui règne à ce moment-là, c’est que cette forme de vie ne pourrait pas changer. Quand la personne survit à cet acte, le travail thérapeutique consiste à l’amener à une plus grande souplesse, à un élargissement des possibles. Amener la personne à sortir des ses propres enfermements, soit en réalisant comment elle a pu être son propre geôlier, soit en s’autorisant à ne pas se figer dans des rôles que d’autres lui assignent. Il faut travailler avec la famille, aussi, amener les parents à prendre conscience des messages qu’ils peuvent véhiculer le plus souvent à leur insu. Car certains ne fonctionnent qu’avec des injonctions et des stratégies de culpabilisation, avec l’idée qu’il n’y aurait qu’une seule voie possible pour leurs enfants. Le plus souvent avec la meilleure volonté du monde, d’ailleurs, mais avec des résultats inverses aux effets recherchés. Il faut mettre tout ça à plat et ouvrir les alternatives. Tout l’enjeu est là. Philippe Chassepot - 22 mars 2021
Covid-19 : depuis le 31 octobre, les crises suicidaires chez les jeunes multipliées par deux fois et demi Selon Sylvie Tordjman, professeur de pédopsychiatrie, cheffe du pôle de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'Université de Rennes 1, les hospitalisations des moins de 15 ans pour motif psychiatrique sont en hausse de 80%. Article rédigé par franceinfo Radio France
Publié le 22/03/2021 Sylvie Tordjman, le 20 novembre 2007, à Rennes. (MAXPPP)
"Depuis le 31 octobre, on a assisté à un nombre de crises suicidaires qui a été multiplié par deux fois et demi", a souligné lundi 22 mars sur franceinfo Sylvie Tordjman, professeur de pédopsychiatrie, cheffe du Pôle de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'Université de Rennes 1, alors que les hospitalisations des moins de 15 ans pour motif psychiatrique sont en hausse de 80% et qu'une réunion interministérielle sur la santé mentale s'est tenue lundi matin.
franceinfo : Est-ce qu'il y a vraiment une dégradation de la santé mentale chez les plus jeunes ?
Sylvie Tordjman : Oui, tout à fait. Depuis le 31 octobre, on a assisté à un nombre de crises suicidaires - à savoir des tentatives de suicide, mais aussi des jeunes qui présentent des idées suicidaires, en particulier pour les moins de 16 ans - qui a été multiplié par deux fois et demi. On a une équipe mobile de pédopsychiatrie basée aux urgences pédiatriques, donc on voit passer tous ces jeunes. On était avant sur à peu près une à deux tentatives par semaine, on est passé à cinq par semaine. Pour les idées suicidaires, on avait à peu près cinq jeunes avec des idées suicidaires par semaine et actuellement c'est plus de dix. C'est vrai pour les crises suicidaires, c'est vrai aussi pour les troubles anxieux, avec des problèmes de somatisation, d'absentéisme scolaire qui ont été triplés. Et c'est vrai également pour les problèmes d'anorexie qui ont quadruplés avec un passage aux urgences pédiatriques et qui sont vus par nos équipes.
Est-ce qu'on a sous-estimé les problèmes chez cette tranche d'âge jusqu'à maintenant ?
Oui. Après, ce n'était pas évident. On est tous confrontés à cette crise sanitaire. On a été aussi les premiers surpris puisqu'ils n'étaient pas déscolarisés. Il y a eu un maintien de la scolarisation, que ce soit pour les écoliers, les collégiens et les lycéens. On a vraiment fait un brainstorming, y compris pour essayer de faire une prévention, pour essayer de mieux comprendre pourquoi ça touchait comme ça ces préadolescents et adolescents de moins de 16 ans. Dans les causes, avec ce confinement depuis le 31 octobre, on est devant une diminution des activités sociales. Le port du masque n'arrange rien. On est aussi devant une diminution de tout ce qui est activités extrascolaires de type activités physiques sportives. Et là, c'est un enjeu important pour eux en termes de mieux-être et de mal-être. On est face aussi un reconfinement, c'est à dire du stress qui se répète, un stress qui est chronique dans un contexte d'incertitude, de précarité sociale. Tout ça vient alimenter des préoccupations chez ces jeunes qui sont un peu comme des éponges qui absorbent tout ça.
Deuxième point : on a les conséquences du précédent confinement. L'Agence nationale de sécurité sanitaire montrait qu'il y avait une augmentation de la consommation d'écrans qui était extrêmement importante avec des thématiques d'addiction. Donc, on paye un peu les pots cassés de ce précédent confinement. Et puis, il y a aussi chez certains jeunes qui, quand il y a eu le déconfinement en mai, n'ont pas repris le chemin de l'école, et se sont retrouvés dans une sorte de cocon familial, avec un décrochage. Enfin un des problèmes les plus importants, c'est que beaucoup de parents sont encore dans du télétravail. Du coup, ils ont eu un changement majeur de leurs repères temporels, ne sortent plus forcément pour aller pour aller travailler. Et on assiste à une synchronisation de l'horloge biologique avec des temps qui sont complètement désynchronisés, avec des rythmes veille-sommeil qui peuvent être complètement mis à mal. Et c'est là où c'est extrêmement important que les parents puissent respecter des facteurs d'environnement extérieur, à savoir des heures régulières de coucher et de lever.
Est-ce qu'il faut privilégier désormais une approche préventive ? Est-ce qu'on peut imaginer des numéros de téléphone, des centres accessibles ?
Je suis beaucoup plus basique. La clé de tout cela, c'est cette synchronisation des horloges biologiques avec des rythmes veille-sommeil qui sont très altérés. On peut facilement faire de la prévention avec un respect des heures de coucher et de lever, de repas, d'activités sociales, scolaires, d'activités physiques. En sachant que quand il y a une désynchronisation des horloges biologiques, c'est un terrain de vulnérabilité aux troubles anxieux, aux troubles dépressifs, mais également à l'émergence de troubles psychiatriques de type psychotique entraînant la schizophrénie. C'est en effet extrêmement important que les parents puissent respecter pour eux-mêmes, mais également pour leurs enfants, ces prérequis. On est sur de la prévention.
Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe des services d'écoute anonymes. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.
Covid-19 et santé mentale des Français : des bulletins hebdomadaires publiés à partir de ce jeudi
IMPACT - Alors que l’enquête CoviPrev atteste d’une dégradation de la santé mentale de la population, Santé publique France publie à compter de ce jeudi 18 mars des bulletins spécifiques pour suivre son évolution à partir des données des urgences et de SOS Médecins. ALG - Publié hier à 10h52
L'impact de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 sur la santé mentale des Français n'est plus à démontrer. Pour suivre au plus près son évolution et l'analyser, Santé publique France publiera à un rythme hebdomadaire à compter de ce jeudi des bulletins spécifiques, a annoncé l'agence de veille sanitaire sur son site.
Pour ce faire, deux indicateurs seront particulièrement scrutés, à savoir les "passages aux urgences pour geste suicidaire, troubles de l’humeur (incluant les troubles dépressifs) et troubles anxieux" ainsi que les "actes SOS Médecins pour angoisse, états dépressifs et troubles du comportement", est-il par ailleurs précisé sur leur site.
Trois outils de surveillance
Plus en détails, le système de surveillance mis en place par Santé publique France concernant la santé mentale des Français repose sur trois "systèmes d’information complémentaires". À savoir les données d’enquête déclaratives, le système national des données de santé et enfin le système de surveillance Sursaud, qui comprend les données des urgences hospitalières, les données des associations SOS Médecins et les données mortalité.
Derrière la publication de ces nouveaux bulletins hebdomadaires, l'objectif s'avère double. Il s'agit d'une part de renseigner "sur le résultat des études mises en place dans le cadre de cette surveillance" mais aussi d'"informer l’ensemble des acteurs de la santé mentale de l’évolution de la santé mentale des Français et contribuer ainsi aux orientations des prises de décision des décideurs, des actions menées par les acteurs de terrain, et plus largement à sensibiliser la population générale de ce constat", détaille encore Santé publique France ce jeudi.
Depuis les prémices de la pandémie et le premier confinement en mars 2020, l’enquête CoviPrev menée de façon répétée par Santé publique France atteste d’une dégradation de la santé mentale de la population. Cette situation a fait l’objet de plusieurs signalements émanant de professionnels, notamment de services de psychiatrie et de pédiatrie, portant sur une augmentation de la prise en charge de jeunes patients pour tentatives de suicide et autres diagnostics de santé mentale, rappelle encore l'agence de veille sanitaire.
Coronavirus : les pensées suicidaires augmentent chez les jeunes en Pays de la Loire
Jeudi 18 mars 2021 à 5:09 - Par Nina Valette, France Bleu Loire Océan, France Bleu Mayenne Pays de la Loire https://www.francebleu.fr/*
Face à l'épidémie de Covid-19, les hôpitaux font face a un mal-être grandissant chez les plus jeunes. Des idées morbides qui touchent les enfants dès l'âge de 7 ans. En Vendée et en Loire-Atlantique, certaines structures sont même débordées par le phénomène.
"Nous sommes débordés en Vendée devant le nombre de suicides chez les jeunes", annonce Pascal Forcioli, directeur général du Centre Hospitalier Georges Mazurelle. Avec la crise sanitaire, le mal-être monte en flèche chez les adolescents mais aussi chez les enfants. Depuis mars 2020, l’activité a fortement augmenté. A titre d’exemple, le nombre de consultations en pédopsychiatrie, a augmenté de +25% en moyenne dans la région Pays de la Loire. Etat des lieux dans la région
Avec la crise sanitaire, le manque de visibilité sur l'avenir, le télétravail et la fermeture des universités, le mal-être gagne les Français. Pour Jean-Paul Boulé, chef de projet régional en santé mentale à l'ARS Pays de la Loire, "la crise Covid n'épargne personne, et c'est normal de ne pas aller bien. Mais quand ça nous envahit trop, il faut consulter".
Une crise sanitaire qui touche la santé des plus jeunes. Une situation inhabituelle dans les hôpitaux. "La crise de la Covid n'est pas qu'une crise de virus, mais une crise du mal-être dans la société", raconte le directeur général du Centre Hospitalier Georges Mazurelle en Vendée avant d'ajouter, "en pédiatrie on a des patients qui sont hospitalisés avec des tableaux cliniques très graves. Avec des pensées suicidaires très fortes, avec des jeunes qui passent à l'acte, de plus en plus jeunes. Et pas seulement les étudiants". Un département débordé "par les tentatives de suicides assez graves, qui nécessitent de la réanimation mais aussi une prise en charge chirurgicale", ajoute Yves Bescond président de la commission médicale de l'établissement vendéen.
Dans la région, le Maine-et-Loire n'est pas épargné non plus. D'après Jean François Poirier, directeur à l’Institut psychothérapeutique au Pin-en-Mauges, "30% des patients qui sont soignés actuellement sont mineurs. Il y a six ou sept ans, nous étions à 5% des prises en charge". Situation inquiétante au CHU de Nantes
Aux urgences pédiatriques du CHU de Nantes, Bénédicte Vrignaud, la responsable constate un vrai mal-être chez les plus jeunes depuis le mois de septembre. "Ça se traduit par des enfants et des ados déprimés, tristes qui ont envie de mourir, qui refusent de manger, d'aller à l'école..."
Sophie Montassier, l'une des infirmières du service, se souvient d'un cas : "C'était une jeune de 12 ans qui me disait 'j'ai peur de contaminer ma famille'. C'est parti d'un camarade de classe qui a éternué. A partir de là, elle s'est mise en tête que potentiellement il était positif donc elle pouvait ramener la Covid-19 à la maison". A l’hôpital de Nantes, la situation est très préoccupante d'après le service de pédopsychiatrie L'autre infirmier du service, Olivier Langlet, reconnaît que le discours des jeunes est de plus en plus sombre. "Ils n'ont plus goût à la vie. Souvent j'entends, 'à quoi ça sert de vivre ? Si c'est pour aller à l'école, au collège, au lycée.... Et puis ne rien pouvoir faire'" L'infirmier se souvient d'un enfant à Noël. "Il était très agité, il n'arrivait pas à verbaliser les choses. A la fin de l'entretien, j'ai demandé s'il avait envie de mourir, et il m'a dit que oui. Nous avons dû l'hospitaliser". Des conséquences sur les prises en charges
En Vendée, le service de prise en charge des adolescents est plein à 100%. "Nous arrivons difficilement à admettre de nouveaux patients. Alors ils vont aux urgences, ou en pédiatrie. On doit accueillir ces jeunes de 15 ou 16 ans dans les chambres d'isolement des secteurs adultes qui normalement auraient leur place dans le service d’adolescent". Une situation comparable à celle du CHU de Nantes où là aussi les équipes disent manquer de lit.
En psychiatrique on ne peut pas déprogrammer l'activité. - Pascal Forcioli, directeur général du Centre Hospitalier Georges Mazurelle
"On peut déprogrammer en chirurgie, si l'ARS le demande, en psychiatrie ce n'est pas possible. C'est un peu comme en réanimation. La priorisation des patients est extrêmement complexe", raconte Pascal Forcioli, directeur général du Centre Hospitalier Georges Mazurelle.
Dans la région, il n'y a pas encore de données sur ces tentatives de suicide chez les plus jeunes, précise l'ARS, mais le gouvernement et le ministère de la Santé regardent le sujet de très près.
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Coronavirus : hausse des tentatives de suicide, alerte sur la santé mentale des jeunes ÉCLAIRAGE - La Société Française de pédiatrie parle de "déferlement" d’enfants qui vont mal. Les tentatives de suicide augmentent, notamment chez les moins de 15 ans.
RTL Matin Yves Calvi
Coronavirus : les tentatives de suicides augmentent chez les jeunes Sophie Aurenche édité par Coline Daclin publié le 17/03/2021 Au centre Hospitalier Georges Daumezon, à Nantes, les 14 lits d'hospitalisation en pédopsychiatrie sont saturés. Depuis plusieurs mois, les soignants font face à un phénomène inédit et inquiétant : l'augmentation des tentatives de suicide des enfants et adolescents. Un problème qui se passe aussi ailleurs en France.
Selon la Société Française de pédiatrie, qui parle de "déferlement" d’enfants qui vont mal dans les hôpitaux et en ville, les services de protection maternelle et infantile (PMI), les psys et les centres médico-psychologiques ne savent plus où donner de la tête.
Il y a encore peu d’études quantitatives sur le sujet depuis le début du confinement. Mais on dispose de quelques indicateurs. On compte peu plus d’hospitalisations pour gestes suicidaires chez les moins de 15 ans, +80% de passages aux urgences pour troubles dépressifs et anxieux, et plus d’actes également pour SOS médecins. Un Français sur 5 anxieux ou dépressif
Selon Santé Publique France qui réalise depuis un an des enquêtes très régulières sur la santé mentale, un Français sur 5 souffre de troubles anxieux et de dépression : 22,7% exactement. C’est le chiffre le plus élevé depuis un an. Deux fois plus de personnes en souffrance qu’en temps normal, hors crise. Et depuis le mois de novembre, ce chiffre ne baisse pas.
Au départ, les Français ont exprimé de l’anxiété. Mais les mois passant, cette anxiété s’est transformée en troubles dépressifs devant l’accumulation des difficultés et l’absence de perspective. Il y a eu un vrai basculement à l’automne. Après une rentrée où les Français avaient retrouvé de l’espoir.
Et il y a une différence selon les âges. Les 18-24 ans sont beaucoup plus en souffrance que les plus âgés, pourtant plus à risque sanitaire. Un sur trois est en dépression : 31,5%. Un triste record depuis le début de cette crise.
On connaît les raisons : isolement, cours à distance pour ceux qui font des études, difficultés de trouver un travail, un stage, un petit boulot, moins de temps passé avec des amis, retour chez les parents, cohabitation difficile… Trois séances gratuites chez le psy pour les jeunes
Depuis la semaine dernière, ils peuvent bénéficier de trois séances gratuites chez le psy, renouvelable une fois. Le jeune doit d’abord aller voir son médecin qui juge, ou non, s’il a besoin de soutien. Si c’est le cas, il bénéficie de trois premières séances chez le psy. 750 professionnels sont déjà inscrits sur le portail "Santé psy étudiant". Ensuite, retour chez le médecin qui peut à nouveau prescrire 3 séances supplémentaires. Tout est gratuit bien sûr.
Plus généralement, quel que soit son âge, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide. Un numéro vert a été ouvert : le 0 800 130 000. Les spécialistes conseillent, surtout en télétravail, surtout en confinement, de rythmer sa journée, faire du sport, appeler ses amis et, très important, d'aider les autres.
Car nous sommes tous sujets en ce moment à ce que l’épidémiologiste Antoine Flahault appelle la "fatigue pandémique". Lassitude, impression de jour sans fin, absence de perspective…. Un dernier conseil pour y faire face : créer chacun, chaque jour, un moment agréable, même très court, pour se faire du bien.
Association internationale pour la prévention du suicide (IASP): Protocole de réponse aux urgences de santé publique mondiales et transnationales et aux catastrophes naturelles L’IASP est heureuse de présenter un développement important dans notre travail lié à la réponse des associations à la pandémie COVID-19.
En avril 2020, le professeur Murad Khan, alors président de l'IASP, en réponse aux menaces pour la santé mentale mondiale et au risque de comportement suicidaire résultant de la pandémie COVID-19, a créé un groupe de travail présidentiel spécial sur le COVID-19 (PSTFC).
Le but du PSTFC était de développer la réponse stratégique de l'IASP à l'impact mondial potentiel de la pandémie COVID-19 sur les comportements suicidaires, les idées suicidaires et l'automutilation en développant la réponse stratégique de l'IASP à l'impact mondial potentiel de la pandémie COVID-19 sur les suicidaires. comportement, idées suicidaires et automutilation.
Le «Protocole de réponse aux urgences de santé publique et aux catastrophes naturelles mondiales et transnationales» peut être téléchargé ci-dessous.
Bulletin de surveillance syndromique de la santé mentale du 8 mars 2021
Publié le 11 Mars 2021 Mis à jour le 11 mars 2021 Synthèse
En semaine 09 (du 1er au 07 mars de 2021). Données de passages aux urgences du réseau Oscour® Chez les adultes de 15 ans et plus, les passages pour geste suicidaire, troubles anxieux et troubles de l’humeur se maintiennent dans des niveaux comparables voire inférieurs à ceux des 2 dernières années. Chez les enfants de moins de 15 ans, après 4 semaines de baisse, les passages pour geste suicidaire sont en hausse en S09 : 131 passages en S09 (vs 120 en S08 soit +8%). Le niveau observé reste légèrement supérieur à ceux des années précédentes : 115 en S09-2020 et 116 en S09-2019.
Après une semaine de forte baisse (-39%), les passages pour troubles de l’humeur (contenant les troubles dépressifs) sont de nouveau en hausse avec 111 passages en S09 vs 94 en S08 soit +8%. Le niveau atteint en S09 reste entre 1,5 et 3 fois supérieur à celui des années précédentes (respectivement 36 et 71 passages en S09 de 2020 et 2019).
If Suicide Were COVID-19: A Neglected Cause of Premature Death This letter points to the disparity in resources devoted to combating COVID-19 versus another preventable epidemic: suicide. Alejandro Porras-Segovia, MD, PhDa; Enrique Baca-García, MD, PhDa,e–l; Philippe Courtet, MD, PhDb; Milton Wainberg, MD, PhDc; and Maria A. Oquendo, MD, PhDd a Instituto de Investigación Sanitaria Fundación Jiménez Díaz, Madrid, Spain b Department of Emergency Psychiatry and Acute Care, CHU Montpellier, University of Montpellier, Montpellier, France c New York State Psychiatric Institute, Columbia University, New York, New York d Perelman School of Medicine, University of Pennsylvania, Philadelphia, Pennsylvania e Department of Psychiatry, Hospital Universitario Fundación Jiménez Díaz, Madrid, Spain f Department of Psychiatry, University Hospital Rey Juan Carlos, Mostoles, Spain g Department of Psychiatry, General Hospital of Villalba, Madrid, Spain h Department of Psychiatry, University Hospital Infanta Elena, Valdemoro, Spain i Department of Psychiatry, Madrid Autonomous University, Madrid, Spain j CIBERSAM (Centro de Investigacion Biomédica en Red Salud Mental), Carlos III Institute of Health, Madrid, Spain k Universidad Catolica del Maule, Talca, Chile l Department of Psychiatry, Centre Hospitalier Universitaire de Nîmes, Nîmes, France J Clin Psychiatry. 2021;82(2):20l13702. Published online: February 23, 2021. To the Editor: A sad soul can kill you quicker, far quicker, than a germ.
—John Steinbeck
In the year since the start of the pandemic (as of January 19, 2021), coronavirus disease 2019 (COVID-19) has claimed 2,057,095 lives worldwide, while the number of cases exceeds 95 million.1 According to data from the World Health Organization, suicide accounts for about 800,000 deaths worldwide every year, while the number of suicide attempts may be more than 20 times higher, or more than 16 million suicide attempts every year.2
Focusing on the US, as of January 13, 2021, 329,593 COVID-19 deaths have been reported,3 compared with the 47,096 deaths by suicide that occurred in the whole of 2018.4 However, an estimation using data from the Centers for Disease Control and Prevention reveals that COVID-19 has resulted in 1,591,487.5 years of potential life lost (YPLL) before age 75 in the US,3 while suicide resulted in 1,344,552 YPLL in 20184 (Figure 1).
To understand the social impact of these two conditions, we must consider the age at which death occurs.5 Most of the COVID-19 victims were 85 years or older,3 and they often had a history of chronic physical conditions, especially respiratory diseases.3 By comparison, suicide is the second leading cause of death among 15- to 29-year-olds,2 and up to 90% of victims had a history of mental illness, most frequently depressive disorders.6 Both the COVID-19 pandemic and suicidal behavior are major public health issues, and COVID-19 has appropriately received unprecedented attention in public health, biomedical research, and the media, while suicidal behavior continues to be neglected. There is no doubt that COVID-19 is one of the greatest health challenges we have ever faced, but suicide also requires a sustained and effortful attention that continues to be denied. Suicidal behavior has been so neglected that rates of suicide in the US have dramatically increased by 35% between 1999 and 2018.4
This comparative grievance is not exclusive to COVID-19. It is normative for physical health to absorb more clinical and research resources than mental health. A 2014 Nature article highlighted this disparity using cancer and depression as examples, stating: “If the extent of human suffering were used to decide which diseases deserve the most medical attention, then depression would be near the top of the list.”7
This disparity in resource deployment is especially notable in the case of COVID-19 because prevention measures aimed at combating the pandemic may increase suicidal behavior.8,9 In addition to the increased social isolation and economic consequences of the pandemic, face-to-face mental health care has been hampered or disrupted, further exacerbating the situation of psychiatric patients.10 COVID-19 prevention measures are fully justified by the severity of the situation and the risk of massive contagion, but we must do our best to minimize their impact on other areas. Moreover, while we are hopeful that the recent development of vaccines will soon rid us of the COVID-19 pandemic, suicide has remained a leading cause of death for decades, and we have not yet been able to provide effective prevention measures. The sustained mortality rates and the direct and indirect economic costs of suicide generate an overwhelming cumulative impact over time.
Both COVID-19 and suicide are preventable. Studies show that a large number of deaths from COVID-19 could be avoided by the use of a face mask.11 Suicide prevention measures undertaken in Denmark in recent decades—a combination of restriction of access to lethal means and specific clinical programs—have resulted in a substantial decrease in suicide attempts: from 38 attempts per 100,000 people in 1980 to 11.4 per 100,000 in 2007.12
The disparity in resources for addressing suicide and COVID-19 is evidence of an unexplained gap that still exists between concern for physical illness and concern for mental illness. In the late 20th century, HIV infection was one of the leading causes of YPLL in the US.13 Thanks to the development of antiretroviral therapies, life expectancy of those infected with HIV now resembles that of the general population.14 This increase is proof that when public and private health systems devote themselves to solving a health problem, mortality rates drop dramatically. We are still waiting for society to show the same degree of concern for suicide.
To cite: Porras-Segovia A, Baca-García E, Courtet P, et al. If suicide were COVID-19: a neglected cause of premature death. J Clin Psychiatry. 2021;82(2):20l13702.
*** NORVEGE Research paper Prevalence of mental disorders, suicidal ideation and suicides in the general population before and during the COVID-19 pandemic in Norway: A population-based repeated cross-sectional analysis Ann Kristin Skrindo Knudsen a Kim Stene-Larsen b Kristin Gustavson cd Matthew Hotopf ef Ronald C. Kessler g Steinar Krokstad hi Jens ChristofferSkogen jkl Simon Øverland aAnne Reneflot b a Centre
for Disease Burden, Norwegian Institute of Public Health, Zander Kaaes
Gate 7, PO Box 973 Sentrum, 5-5808, 5015 Bergen, Norway b Department of Mental Health and Suicide, Norwegian Institute of Public Health, Marcus Thranes Gate 6, 0473 Oslo, Norway c PROMENTA Research Center, Department of Psychology, University of Oslo, Blindern, 0317 Oslo, Norway d Department of Mental Disorders, Norwegian Institute of Public Health, Marcus Thranes Gate 6, 0473 Oslo, Norway e Department
of Psychological Medicine, Institute of Psychiatry, Psychology and
Neuroscience, King's College London, 16 De Crespigny Park, Camberwell,
London SE5 8 AF, United Kingdom f Biomedical
Research Centre, South London and Maudsley NHS Foundation Trust, 16 De
Crespigny Park, Camberwell, London SE5 8 AF, United Kingdom g Department of Health Care Policy, Harvard Medical School, 180 Longwood Avenue, Boston, MA 02115 United States h HUNT
Research Centre, Department of Public Health and Nursing, Norwegian
University of Science and Technology, Forskningsvegen 2, 7600 Levanger,
Norway i Levanger Hospital, Nord-Trøndelag Hospital Trust, Kirkegata 2, 7600 Levanger, Norway j Department of Health Promotion, Norwegian Institute of Public Health, Zander Kaaes gate 7, 5015 Bergen, Norway k Center for Alcohol & Drug Research, Stavanger University Hospital, 4010 Stavanger, Norway l Department of Public Health, Faculty of Health Sciences, University of Stavanger, 4021 Stavanger, Norway The Lancet Regional Health - Europe Volume 4, May 2021, 100071 Available online 27 February 2021. https://doi.org/10.1016/j.lanepe.2021.100071 Abstract
Background
Self-report data on mental distress indicate a deterioration of population mental health in many countries during the COVID-19 pandemic. A Norwegian epidemiological diagnostic psychiatric interview survey was conducted from January to September 2020, allowing for comparison of mental disorder and suicidal ideation prevalence from before through different pandemic periods. Prevalence of suicide deaths were compared between 2020 and 2014–2018.
Methods
Participants from the Trøndelag Health Study (HUNT) in Trondheim were recruited through repeated probability sampling. Using the Composite International Diagnostic Interview (CIDI 5.0) (n = 2154), current prevalence of mental disorders and suicidal ideation was examined in repeated cross-sectional analyzes. Data on suicide deaths was retrieved from the Norwegian Cause of Death Registry and compared for the months March to May in 2014–2018 and 2020.
Findings
Prevalence of current mental disorders decreased significantly from the pre-pandemic period (January 28th to March 11th 2020; 15•3% (95% CI 12•4–18•8)) to the first pandemic period (March 12th – May 31st; 8•7% (6•8–11•0)). Prevalences were similar between the pre-pandemic period and the interim (June 1st July 31st; 14•2% (11•4–17•5)) and second periods (August 1st-September 18th; 11•9% (9•0–15•6)). No significant differences were observed in suicidal ideation or in suicide deaths.
Interpretation
Except for a decrease in mental disorders in the first pandemic period, the findings suggest stable levels of mental disorders, suicidal ideation and suicide deaths during the first six months of the COVID-19 pandemic compared to pre-pandemic levels. Potential methodological and contextual explanations of these findings compared with findings from other studies are discussed.
USA Suicide Ideation and Attempts in a Pediatric Emergency Department Before and During COVID-19 Ryan M Hill 1 , Katrina Rufino 2 3 , Sherin Kurian 4 , Johanna Saxena 4 , Kirti Saxena 4 , Laurel Williams 4 1 Departments of Pediatrics and ryan.hill@bcm.edu. 2 Department of Social Sciences, University of Houston-Downtown, Houston, Texas; and. 3 The Menninger Clinic, Houston, Texas. 4 Psychiatry, Baylor College of Medicine, Houston, Texas. . 2021 Mar;147(3):e2020029280. doi: 10.1542/peds.2020-029280. Epub 2020 Dec 16. DOI: 10.1542/peds.2020-029280
Abstract Objectives: Elevated rates of mental health concerns have been identified during the coronavirus disease 2019 (COVID-19) pandemic. In this study, we sought to evaluate whether youth reported a greater frequency of suicide-related behaviors during the 2020 COVID-19 pandemic as compared with 2019. We hypothesized that rates of suicide-related behaviors would be elevated between the months of March and July 2020 as compared with 2019, corresponding to the onset of the COVID-19 pandemic.
Methods: Routine suicide-risk screening was completed with youth aged 11 to 21 in a pediatric emergency department. Electronic health records data for suicide-risk screens completed between January and July 2019 and January and July 2020 were evaluated. A total of 9092 completed screens were examined (mean age 14.72 years, 47.7% Hispanic and/or Latinx, 26.7% non-Hispanic white, 18.7% non-Hispanic Black).
Results: Rates of positive suicide-risk screen results from January to July 2020 were compared with corresponding rates from January to July 2019. Results indicated a significantly higher rate of suicide ideation in March and July 2020 and higher rates of suicide attempts in February, March, April, and July 2020 as compared with the same months in 2019.
Conclusions: Rates of suicide ideation and attempts were higher during some months of 2020 as compared with 2019 but were not universally higher across this period. Months with significantly higher rates of suicide-related behaviors appear to correspond to times when COVID-19-related stressors and community responses were heightened, indicating that youth experienced elevated distress during these periods.
Incidence de la pandémie sur les tentatives de suicide
Publié
le jeudi 11 février 2021
Auteurs : HO S.1, HENRY J.1, NGUYEN C.1, AMERIGO K.1, MATHIOT A.1
1 Assistance Publique des Hopitaux de Marseille, Marseille, FRANCE
Résumé Introduction
La pandémie Covid-19 et le confinement décrété pour l’endiguer ont
induit des modifications profondes des comportements. La littérature a
pu mettre en évidence une exacerbation des éléments de vulnérabilité
psychique pendant cette période. L’augmentation des facteurs de risques
des comportements suicidaires tels que l’isolement, la fragmentation
sociale et la menace des appartenances ont-ils induit une augmentation
des passages à l’acte ? Dans cette perspective, nous avons étudié
l’impact du confinement sur le nombre de tentatives de suicide reçues
aux urgences. Cette étude se déroule au sein du service des urgences
psychiatriques de l’hôpital de la Timone, un des deux centres recevant
des urgences psychiatriques à Marseille et qui enregistre environ 7000
passages tous les ans.
Méthode
Il s’agit d’une étude
épidémiologique descriptive. Nous avons comptabilisé et analysé, le
nombre de tentatives de suicide reçues aux urgences psychiatrique le
premier semestre 2020 et l’avons comparé à la même période en 2019.
Résultats
Nous
relevons 343 prises en charge pour tentatives de suicide en 2019 contre
307 en 2020. Nous observons ainsi une diminution de 10.5% du nombre de
tentatives de suicide. Cette diminution est proportionnelle à la
diminution du nombre de passages aux urgences psychiatriques pendant le
premier semestre 2020. Le taux de tentative de suicide dans la file
active reste donc stable. Nous relevons également une nette modification
du sexe ratio (H/F) pour les comportements suicidaires qui passe de
47,8% en 2019 à 73,4% en 2020.
Conclusion
Contrairement à
notre hypothèse initiale, nous observons une diminution de 10,5% des
comportements suicidaires reçus au premier semestre 2020,
proportionnelle à la baisse d’activité. Si la tendance globale est à la
baisse, la modification du sexe ratio traduit une augmentation du
comportement suicidaire chez les hommes et une diminution chez les
femmes. Ces résultats préliminaires laissent donc supposer une
vulnérabilité différente des hommes et des femmes en cette période
épidémique pour le suicide. L’échelle locale d’observation incite à la
plus grande prudence mais invite à la confrontation avec les indicateurs
nationaux de suicidalité sur cette période.
Tentatives de suicide en baisse, idées noires en hausse Mathilde GARNIER Le Progrès (Lyon) Jura, mardi 9 février 2021 505 mots, p. Jura10
Les hôpitaux du Jura ont enregistré moins de patients diagnostiqués pour des tentatives de suicide en 2020, malgré la crise sanitaire. Les appels au dispositif VigilanS et SOS Amitié restent cependant soutenus.
Un bulletin de Santé publique dévoilé en février 2019 dressait un inquiétant bilan du nombre de suicides et tentatives de suicide enregistrés dans le Jura et au niveau régional, avec des taux supérieurs à la moyenne nationale. Une tendance à la baisse avait toutefois été observée entre 2015 et 2017, et pourrait se confirmer dans le département. S'il est trop tôt, répond l'Observatoire régional de la santé, pour avoir des informations concernant le nombre de suicides enregistrés en 2020, les hospitalisations pour des tentatives de suicide ont diminué ces trois dernières années dans plusieurs établissements du Jura et, en particulier, pendant l'année où le Covid-19 est entré dans nos vies.
-25 % de patients reçus aux urgences
Les hôpitaux de Dole, Lons-le-Saunier, Saint-Claude et Morez comptent 261 diagnostics liés à des comportements suicidaires, contre 349 en 2018, soit une baisse de 25 %. Le dispositif VigilanS, mis en place depuis 2016, a notamment fait ses preuves contre la récidive suicidaire. « Il se déploie maintenant sur l'ensemble de la Franche-Comté », note Nathalie Haberkorn, cadre de santé. « On n'a pas constaté d'impact particulier sur notre travail en 2020, répond Elisabeth Cambazard, infirmière. Comme au niveau national, il y a eu moins d'appels au premier confinement et on est revenu à la normale aujourd'hui. »
Plus de pensées suicidaires
« Le confinement a aussi quelque chose de rassurant pour certaines personnes, habituellement angoissées », pointe Danielle Sire, médecin coordinatrice du dispositif VigilanS, dont les locaux sont basés à Dole. Une enquête de la Fondation Jean-Jaurès, publiée en novembre 2020, a en effet révélé une augmentation des idées suicidaires au premier déconfinement.
Selon cette étude, 17 % des Français interrogés ont envisagé de se suicider durant cette période, contre 11 % pendant le confinement où « nous étions tous égaux face à la menace qui n'était pas relative à notre personne », note le rapport. Le décès d'un proche, la difficulté de se faire soigner ou de poursuivre des soins, les tensions et violences conjugales, ou encore l'arrêt de son activité économique, peuvent expliquer l'aggravation des pensées suicidaires au déconfinement.
« On a une hausse des personnes avec des idées suicidaires de +39 % en 2020 par rapport à 2019, confirme Bernard Ruelle, responsable de l'antenne bisontine de SOS Amitié. Ce sont les situations de santé psychique qui sont passées en tête. »
Psychiatre et formateur régional pour la prévention au suicide, Pierre Vandel observe, quant à lui, « plus de passages à l'acte violents », avec « une explosion très nette » de son activité au CHRU de Besançon depuis septembre. « Dans le Jura, on a eu une expérience assez unique avec VigilanS. Cela contribue à montrer qu'il y a des équipes et des relais possibles, positive le professionnel. Ce qu'il faut, avant tout, c'est en parler. »
Se mobiliser pour prévenir le suicide des jeunes Présentée par Melchior Gormand UA-161199 mercredi 10 février https://rcf.fr/* Durée émission : 55 min
Pour lutter contre le suicide des jeunes, des associations agissent, sensibilisent, forment et tentent de libérer la parole des jeunes concernés et de leurs parents.
Donner aux parents les moyens d’agir
Pour aider un jeune à se sortir du mal-être, "il est nécessaire que les professionnels de santé travaillent en collaboration avec les parents. Il faut leur donner les moyens d’agir", explique Thérèse Hannier, présidente de l’association Phare Enfants Parents. En plus d’un dialogue avec les professionnels, les parents doivent être accompagnés pour renouer le lien avec les enfants. De son côté, Marie Rimbaud, vice-présidente de SOS Suicide Phénix note un travail important à faire "sur le sentiment de culpabilité de parents. Il faut les accompagner pour qu’ils ne se sentent pas responsables et coupables". C’est dans cette optique que l’association met en place des groupes de paroles entre parents.
Libérer la parole des jeunes
Afin de lutter contre le mal-être des jeunes, des plateformes sont mises en place pour leur permettre de s'exprimer. Marie Rimbaud affirme qu’il est important de "multiplier les espaces de paroles". Une affirmation que partage Thérèse Hannier qui explique que l’association Phare Enfants Parents a mis en place une boîte mail : "C’est un outil qui permet aux jeunes d’évacuer leur souffrance, les échanges peuvent durer plusieurs mois et cela leur permet de s’exprimer librement". En cette période difficile, Marie Rimbaud note "une augmentation du nombre de consultations des jeunes". Une souffrance de plus en plus reconnue qui peut permettre aux jeunes de se sentir écoutés. Marie Rimbaud invite à "signifier à la personne en souffrance que l’on a vu qu’elle souffrait et [à] être à l’écoute sans jugement, qu’il soit positif ou négatif". Pour permettre aux jeunes en souffrance de s’exprimer et notamment de consulter un professionnel de santé, une sensibilisation est à faire en amont d’une crise suicidaire, car "il y a une honte à aller voir le psy". Ne pas associer le mal-être et le suicide
La période actuelle est difficile et déstabilisante pour toute la population, notamment chez les jeunes pour qui le lien social est précieux. Ces dernières semaines, la classe politique s’est emparée du sujet suite à deux suicides et aux appels à l’aide d’une partie de la jeunesse. En revanche, Marie Rimbaud insiste sur la nécessité de ne pas "lier ados et mal-être, et encore moins mal-être et suicide”. Elle ajoute qu’il est nécessaire de "légitimer la souffrance des jeunes, mais de ne pas être trop alarmistes. Dire que la Covid-19 pousse les jeunes au suicide ce n’est pas bon". Par Nathan Chaize
Combien sont-ils, comme ce patron de bar restaurant de 35 ans, en couple, avec un enfant, hospitalisé en psychiatrie à sa demande ? Combien sont ces Français qui ont traversé la crise sanitaire et qui finalement se sont effondrés, broyés par les conséquences de la pandémie ? Des entrées en dépression de plus en plus nombreuses, des séjours à l'hôpital également. Des gens ordinaires sans antécédent, des jeunes aussi, basculent, s'alarment les psychiatres. Les deux confinements, le chômage partiel, l’absence de loisirs, de sport, de sorties, de voyages : ces habitudes de la vie d’avant disparues ont une incidence inquiétante et même parfois dramatique. "Je croyais être quelqu’un de fort"
Nous avons cherché à comprendre comment un trentenaire sportif, jovial, cabotin et fêtard avait pris la décision de se rendre aux urgences psychiatriques du CHU de Besançon, dans le Doubs. Cet homme qui tente de sourire derrière son masque chirurgical a fait sa valise à la hâte un jour où il a senti que les idées noires qui l’assaillaient depuis des mois ne le quittaient plus du tout.
"J’ai laissé ma chérie et son petit garçon, je n’y arrivais plus. Pourtant je croyais être quelqu’un de fort. Mais un jour ça te tombe dessus et tu ne comprends pas ce qui t’arrive, tu te demandes s’il n’y a pas un truc qui a pété dans ta tête, tu es en panique et il n’y a personne pour te parler. J’ai appelé six ou sept psy, mais personne ne te prend, ils sont tous débordés”, raconte-t-il. Il est donc venu demander de l’aide aux urgences psychiatriques, avant, confie t-il, “de faire une bêtise”.
“La première nuit ici c’est marquant. T’entends les gens dans les chambres voisines qui crient, qui hurlent ‘Tuez-moi, je veux mourir’. Ou alors tu comprends qu’ils s’en prennent aux soignants, ils mordent ou griffent des infirmiers. Ça fait peur et toi, t’es déjà pas bien, alors…” Il raconte qu'on lui a pris ses effets personnels, mis dans un placard sous clef :
Pas le droit au chargeur de téléphone, ils ont peur que tu te pendes avec. Parce que quand t’es très mal, tu oublies que t’as une femme, tu oublies que t’as des enfants, tu veux juste arrêter, tout arrêter.
Carrure robuste, pull en laine kaki, jean, il fixe ses pieds, gêné. En guise de chaussons, pour son séjour ici, il porte des sandales Birkenstock et des chaussettes. “Je n’avais pas imaginé qu’ils me garderaient si longtemps. Ce matin, on m’a dit que j’en aurai pour quatre semaines, peut-être même six semaines ! J’aurais préféré me casser la jambe ou les ligaments croisés… Au moins, tu sais pour combien tu en as après un accident. Là, ce n’est pas pareil. En plus, je suis quelqu’un de fier. Je n’ai pas dit à mon frère ni à mon associé du restaurant que j’étais ici, on a un sentiment de honte d'être là”, raconte-t-il, expliquant encore que, depuis la fermeture de son établissement qui servait 100 couverts par jour, il s’est senti glisser.
La perte de repères, l’inactivité, mais surtout la peur du lendemain, l’incertitude de l’avenir, sans perspective, sans projet et surtout la casse sociale qu’il redoute. Inévitable selon lui. “J’avais six employés. Quatre sont au chômage partiel, mais quand le gouvernement va stopper les aides, on va être obligé de licencier. Il ne faut pas se leurrer. Et tous ces salariés qui n’auront plus de boulot, il faudra les soutenir. Il va y avoir de plus en plus de gens qui vont aller mal…”
On a soigné les corps mais oublié les esprits
Même si nous ne disposons pas de données précises et chiffrées, le phénomène est général, national. Pas encore d’études, mais déjà des alertes se multiplient chez les psychiatres. En urgence, on a soigné les corps attaqués par la Covid-19, on a sans doute négligé les esprits.
Si le décompte des morts, des malades en réanimation, des contaminations, peut être d’une précision chirurgicale, si nous disposons de statistiques sur ces victimes directes de la pandémie, avons-nous conscience des dommages de cette crise sanitaire, sociale, économique sur les âmes ; des stratégies, des échappatoires et des pansements que les uns et les autres mettent en place entre les murs de nos foyers, à l’abri des regards ?
En 2019, 12 millions de Français étaient déjà touchés par une maladie psychiatrique sévère (troubles anxieux, dépressions, suicides, schizophrénies). La sidération de mars 2020 a laissé la place, au fil des mois, à l’angoisse, l’insomnie, la colère, l’addiction, la dépression. 2021 sera-t-elle l’année d’un variant du “burn-out” ? “Les personnes que nous accueillons arrivent ici parce qu’elles n’ont pas trouvé de psychiatre disponible. Souvent, les prises de rendez-vous sont impossibles, avec des délais excessivement longs. Plusieurs semaines, plusieurs mois même !”, précise Aurore Develle, psychiatre au CHU de Besançon.
Elle décrit une situation préoccupante aux urgences psychiatriques : “Il y a les patients qui présentaient des troubles ou des pathologies et qui ont été déstabilisés par la crise. Mais il y a aussi des personnes qui n’avaient jamais consulté de psychiatres auparavant qui sont bouleversés, soit dans leur travail, soit dans leur milieu familial. Ils viennent de tous milieux sociaux.” Impact psychologique “bien réel” de la crise
Et la psychiatre de citer les exemples les plus significatifs : les gens de l’hôtellerie-restauration, les étudiants, aussi, qui ne parviennent pas à obtenir de l’aide, même dans les structures dédiées dans les universités. Il y a embouteillage dans les centres médico-psychologiques, tant la demande est importante.
“Ils sont débordés dans les facultés. Nous sommes dans une ville universitaire et souvent les jeunes sont loin de leur famille et le vivent mal. Parfois c’est un camarade ou un colocataire qui vient les accompagner aux urgences psy. Le motif principal de l’hospitalisation en urgence est la crise suicidaire. Ils en viennent à imaginer des stratégies, des scénarios pour mettre fin à leurs jours”, constate Aurore Develle.
“La santé mentale des français s’est détériorée”, confirme Emmanuel Haffen, professeur de psychiatrie au service de psychiatrie de l'adulte du CHU de Besançon, directeur du département Neurosciences à l'université de Franche-Comté :
Nous constatons des difficultés face à l’absence de lien social, les gens nous parlent de leur isolement, de leur ennui, de leur lassitude, de leur incapacité à se projeter dans l’avenir puisque nous sommes face à de nombreuses inconnues.
L’impact psychologique de cette crise sanitaire, sociale et économique “est bien réel”, estime-t-il, “même s’il est trop tôt pour le mesurer aujourd’hui”. “Ce qui est certain, c’est que nous constatons, depuis septembre ou octobre dernier, une augmentation des cas de personnes en ébriété, pour des situations qui combinent à la fois des états de stress, d’anxiété et une consommation excessive d’alcool. Ce que nous avons aussi observé depuis la fin 2020 c’est une baisse de l’âge moyen des patients admis après un geste suicidaire avec des populations globalement plus jeunes par rapport à ce que l’on pouvait observer habituellement, autour d’une vingtaine d’années. Des hospitalisations en cascade, notamment dans notre unité post urgences psychiatriques d’adultes jeunes suite à une tentative de suicide, avec une moyenne d’âge relativement basse : 20 ou 21 ans.”
Dans la chambre silencieuse et spartiate d’un pavillon de l’hôpital Saint-Jacques au centre-ville de Besançon où il a été transféré pour se reposer et se remettre sur pied, notre patron de bar à qui l’on demande ce que l’on peut lui souhaiter avant de le quitter, prend une longue inspiration et lâche comme une supplique : “J’espère redevenir la personne que j’étais avant, pleine d’énergie, qui parle à tout le monde, qui fait un peu le boute-en-train et qui a envie de croquer la vie.”
De l’importance du traitement médiatique du suicide en période de crise Nathalie Pauwels Chargée de déploiement du programme Papageno papageno@f2rsmpsy.fr
Dans L'information psychiatrique 2021/1 (Volume 97), pages 9 à 10
Il nous a semblé important de vous relayer quelques informations utiles en cette période de crise sanitaire. Pourquoi ? Parce que les médias s’alarment en ce moment de l’impact psychique du confinement, de la crise et de l’augmentation des suicides. La probabilité que vous soyez contactés en tant qu’acteur de la prévention du suicide est donc forte. Vous savez que nous incitons toujours à ce que les experts de la prévention du suicide répondent et accompagnent les journalistes mais jamais sans préparation au préalable. Ce mail se veut donc un récapitulatif de quelques conseils en vue d’impulser une réponse appropriée face aux angoisses de certains journalistes (révélatrice des angoisses en population générale). Ces recommandations sont issues de l’association internationale de prévention du suicide avec laquelle notre programme travaille et qui est particulièrement mobilisée en ce moment. Si vous êtes contacté.e par un journaliste, n’oubliez pas de : Vous concentrer sur les risques psychologiques potentiels de Covid-19 pour la santé mentale, reconnaître qu’il est important de soutenir la santé mentale des gens en ce moment de façon générale. Profitez de cette occasion pour encourager les gens à se rapprocher les uns des autres en utilisant le téléphone ou les réseaux sociaux, à participer à des activités qui les aident à gérer leur santé mentale et à donner de l’espoir. Évitez de faire directement référence au suicide ou une corrélation entre pandémie et suicide … https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2021-1-page-9.htm
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Replay Comment aborder un tel sujet avec un proche qui va mal, et envisage le suicide.
Replay du vendredi 5 février 2021 25èmes Journées nationale pour la prévention du suicide (JNPS) Le dossier du jour Du lundi au vendredi à 9h05 France Bleu Cotentin
25èmes Journées nationale pour la prévention du suicide (JNPS)
Plus
que jamais nous allons évoquer ce sujet avec bienveillance et espoir et
nous poser les bonnes questions, autour de la prévention et du partage.
Vous allez comprendre grâce à cette émission comment aborder un tel
sujet avec un proche qui va mal, et envisage le suicide.
Comment réagir face à ce désespoir?
Comment soutenir cette personne?
Comment prévenir un tel acte?
Aider quelqu'un qui va mal c'est s'aider soit même, c'est aider toute l'humanité.
Pour
répondre à toutes nos questions notre expert est le docteur Vincent
Lapierre, psychologue, directeur du CPS à Paris, le centre de prévention
du suicide.
Isolées, confinées, déprimées… Les personnes âgées ont-elles plus de risques de se suicider avec la crise sanitaire ? 05 février 2021 Avec la crise sanitaire, les idées suicidaires plus répandues ? À l’occasion de la Journée nationale de Prévention du suicide ce 5 février 2021, les Petits Frères des Pauvres rappellent la double peine que vivent les personnes âgées depuis le début de la crise sanitaire entre isolement forcé et risque face au virus. L’Association souligne l’importance de briser la solitude pour éviter la multiplication des dépressions qui peuvent conduire à des crises suicidaires.
L’envie d’en finir. De tous temps, les personnes âgées de plus de 65 ans ont toujours été la population la plus à risque de décès par suicide. En 2016, 2 695 personnes âgées se sont donné la mort, ce qui correspond à 31 % du total des suicides (Inserm CédiDc 2016). Mais depuis la crise sanitaire, il semble que ce phénomène d’idées suicidaires prenne de l’ampleur chez tous les Français, et plus particulièrement chez les plus âgés. La dépression, fait le lit du suicide ?
Les Petits Frères des Pauvres le constatent tous les jours : pendant cette période, de nombreuses personnes âgées se sont retrouvées de plus en plus isolées et angoissées. La ligne d’écoute et de soutien téléphonique des Petits Frères des Pauvres, Solitud’écoute a d’ailleurs enregistré une augmentation de 15 000 appels sur l’année 2020 par rapport à 2019. « La ligne Solitud’écoute a connu un pic d’appels pendant les confinements avec des personnes âgées angoissées et dépressives. Nous avons constaté une hausse d’appels de personnes qui exprimaient des tendances suicidaires surtout en fin d’année », observe Mélanie Rossi, Cheffe de Projet Téléphonie Sociale pour notre Association.
Notre rapport sur l’isolement des personnes âgées et les effets du confinement publié en juin 2020 a aussi révélé que le confinement a généré un impact négatif sur la santé mentale pour 41 % des personnes âgées, or une bonne santé psychique et un soutien moral jouent un rôle essentiel vis-à-vis du risque suicidaire. En effet, les principaux facteurs de risques du passage à l’acte chez les personnes âgées sont le deuil, l’isolement et la dépression.
Plusieurs autres études attestent que le moral des Français est en berne… L’enquête CoviPrev de Santé publique France sur l’état psychologique de la population montre que 21 % des Français sont touchés par la dépression, c’est deux fois plus que l’année précédente. Nos aînés sont particulièrement impactés, d’après les observations de l’hôpital Charles Perrens à Bordeaux (33) qui a ouvert une ligne téléphonique depuis le confinement. Plus de 20 % des consultations ont été réalisées avec des retraités qui ressentent un fort isolement.
Les pensées suicidaires en hausse pendant le confinement
Si les chiffres officiels du nombre de suicides en 2020/2021 ne nous parviendront pas avant plusieurs mois voire années, ces quelques éléments annoncent d’ores-et-déjà de terribles nouvelles…
D’autant qu’une étude de la Fondation Jean Jaurès réalisée avec l’IFOP réalisée avant le deuxième confinement auprès de 2000 Français, dévoilait que parmi les 20 % à avoir envisagé le suicide au cours de leur vie, 18 % l’avait fait depuis mars 2020… Parmi les personnes ayant eu des pensées suicidaires au moins une fois dans leur vie, 11 % d’entre elles les avaient eues durant le premier confinement, 17 % depuis le déconfinement. Un manque criant de liens sociaux et de perspectives d’avenir ?
Privés de liens sociaux, nos aînés tombent dans une profonde dépression.
Pour les personnes âgées, les différents confinements ont
considérablement réduit les interactions sociales. Notre rapport de juin
2020 indiquait notamment que 720 000 personnes âgées n'avaient eu aucun contact avec leur famille durant le 1er confinement
et 650 000 n’avaient trouvé personne à qui parler. Pour 32 % des
Français de 60 ans et plus, la solitude était ressentie tous les jours
ou souvent. Privés de liens sociaux et familiaux, nos aînés plongent
dans une profonde dépression…
« Le confinement, c’est très triste. Je me sens seule. Personne
ne vient me voir. Je tourne en rond dans ma chambre. Les journées sont
interminables. », témoigne Claudette, 87 ans.
Des témoignages de solitude auxquels les bénévoles de ligne Solitud’écoute font face au quotidien : « "Je
suis tellement seule", "je tourne en rond comme un animal en cage" … ce
sont les témoignages que nous recevons sur la ligne Solitud’écoute. Et
cette solitude extrême, ils finissent par ne plus la supporter », révèle Mélanie Rossi.
« Les conséquences de l’isolement, ce sont d’abord des troubles psychiques, et en particulier dépressifs. L’absence de lien social contribue beaucoup à la dépression
chez le sujet âgé. La meilleure façon de lutter contre cette
dépression, c’est le maintien d’un lien social de qualité. C’est un
élément protecteur contre le risque de passage à l’acte suicidaire. La
solution est humaine, elle n’est pas seulement médicamenteuse. La bonne
pilule antidépressive, c’est le lien social ! », explique François Puisieux, gériatre au CHU de Lille.
Dans un monde en pleine crise sanitaire où les lendemains sont
incertains, les personnes âgées peinent également à se projeter et
questionnent leur place dans la société. « Très vite, depuis le
début du confinement, nous avons eu des appels de panique avec des
personnes qu’il est impossible de raisonner ou de rassurer. Ils ont des
boules de panique et d’angoisse de l’avenir. "Je suis seul, je
ne sais pas où on va, comment ça va se passer ?" Les appelants sont de
plus en plus angoissés et ils se sentent encore plus exclus que les
autres parce qu’ils sont âgés. La plupart sont dans le moment présent,
avec peu de projection dans le futur », précise Héloïse, bénévole écoutante à Solitud’écoute.
Privés de liens sociaux, exclus de la société, sans projection
d’avenir, nos aînés tombent dans une profonde dépression qui peut les
conduire petit à petit au suicide. Si vous repérez un tel mal-être chez
une personne âgée de votre entourage, voici 5 bons réflexes pour agir.
CANADA Prévention du suicide chez les ados : comment avoir une conversation sincère avec ses enfants
Auteurs Marie-Claude Geoffroy
Assistant Professor, Department of Educational and Counselling
Psychology and Canada Research Chair in Youth Suicide Prevention, McGill
University
Anthony Gifuni Visiting Scholar, Department of Psychology, Stanford University
Déclaration d’intérêts
Marie-Claude Geoffroy a reçu des financements de
American Foundation for Suicide Prevention et des Instituts de recherche
en santé du Canada.
Anthony Gifuni reçoit un financement du Fonds de
Recherche du Québec - Santé (programme de formation du FRQS/MSSS pour
les résidents en médecine spécialisée intéressés à poursuivre une
carrière de chercheur).
Partenaires
McGill University apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation CA-FR.
McGill University apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation CA.
« Les problèmes des jeunes sont moins gros que ceux des adultes. »
En tant que chercheurs qui se préoccupent de la prévention du suicide
chez les jeunes, nous entendons parfois des gens exprimer ce type de
sentiments à propos des jeunes pendant la pandémie. Cependant, la
socialisation est une partie importante de la jeunesse. Si la Covid-19 a
affecté les adultes, il est possible qu’elle affecte encore plus les
enfants et les adolescents.
Comment expliquer à un jeune enfant pourquoi il ne peut pas jouer avec ses amis ? Comment les enfants peuvent-ils apprendre à lire les expressions du visage lorsque les gens portent des masques
? Comment voir ses copains, son petit ami ou nouer de nouvelles
relations avec la distanciation sociale et des cours principalement en
ligne ? Pourtant, de telles expériences sont essentielles au
développement des adolescents et des jeunes adultes.
Tous les jours, une information fiable sur la Covid-19.
Bien des parents se demandent ce qu’ils doivent savoir sur le suicide
chez les jeunes et ce qu’ils peuvent faire pour le prévenir. Nous
pensons que, avec une meilleure compréhension du suicide et grâce au
fait que les adolescents passent plus de temps à la maison, c’est
l’occasion pour les parents d’engager une conversation sincère et sans
risques sur le suicide avec leurs enfants.
Ce que les parents doivent savoir sur le suicide chez les adolescents
Il existe un écart important entre les sexes pour les décès par
suicide : environ deux ou trois garçons pour une fille. Cependant, les
filles font davantage de tentatives de suicide.
Pourquoi le taux de suicide est-il plus élevé chez les garçons ?
Premièrement, les garçons utilisent souvent des moyens plus violents, ce
qui rend l’intervention médicale difficile. Deuxièmement, les
stéréotypes de genre (« les garçons sont forts ») peuvent encourager les
jeunes hommes à dissimuler leurs pensées intimes et les dissuader de
demander de l’aide. Mais l’écart se réduit. Le taux de suicide est en hausse chez les filles et les jeunes femmes au Canada.
Pourquoi les adolescents tentent-ils de s’ôter la vie ? Cette question troublante n’a pas de réponse claire.
De nombreux experts soulignent que l’utilisation accrue des médias
sociaux et la cyberintimidation sont des facteurs qui alimentent la
crise de santé mentale. Environ 15 % des adolescents déclarent avoir été
victimes de cyberintimidation au moins une fois par an.
C’est pourquoi il est important d’être présent et vigilant. Soyez
particulièrement attentifs aux signaux d’alerte. N’attendez pas que les
adolescents viennent vous voir. Engagez la conversation avec eux.
Remarquez tout signe de souffrance psychologique, d’automutilation
non suicidaire, d’isolement social, d’augmentation de la consommation de
drogues ou d’alcool ou de recherche de moyens pour mettre fin à ses
jours sur Internet. Tout geste d’exploration du suicide ou tout signe de
tentative de suicide doit être considéré comme un signal d’alarme.
On peut dire : « Je suis inquiet parce que j’ai remarqué que ton
comportement avait changé ces derniers temps. Certains adolescents qui
traversent une période difficile peuvent avoir des idées noires ou même
des pensées suicidaires, est-ce que c’est ton cas ? »
En posant une question sur le suicide, vous montrez votre
préoccupation. Cela n’augmentera pas les pensées suicidaires et ne
mettra pas des idées dans la tête de votre enfant.
La meilleure réponse parentale consiste à valider les émotions de
votre adolescent. Valider ne signifie pas être d’accord, mais
reconnaître et accepter véritablement les sentiments, les pensées et les
comportements.
Cependant, un adolescent peut ne pas avoir envie de partager ou
d’exprimer sa solitude. Lorsque la communication est difficile, dites à
votre adolescent que vous êtes disponible et assurez-vous qu’il a
quelqu’un à qui se confier.
La validation peut être difficile. On encourage les parents à
chercher un soutien de professionnels pour eux-mêmes et à consulter des
livres qui aident à pratiquer la validation.
Ne pas tarder à demander de l’aide
La plupart des adolescents qui passent de l’idéation à la tentative
de suicide le font au cours de la première année. Demandez de l’aide dès
le début.
Pour certains, le risque subsiste à l’âge adulte. Le risque de mourir
par suicide est plus élevé pour ceux qui ont fait plusieurs tentatives.
Restreindre l’accès aux moyens, en plaçant par exemple les médicaments
dans un endroit fermé à clé, est une bonne stratégie de prévention.
Il est important de savoir qu’un soutien social adéquat et des soins
de santé mentale professionnels peuvent changer la perception de la vie.
Si le suicide peut apparaître comme une solution pour un adolescent en
souffrance, ce ne l’est jamais. La guérison est toujours possible. Il
faut rappeler aux adolescents qui ont des idées suicidaires qu’il n’est jamais trop tard pour bâtir une vie qui vaut la peine d’être vécue.
Si les premières interventions doivent être axées sur la sécurité, le
traitement à long terme doit viser à créer des facteurs de protection,
tels que l’acceptation de soi, les relations de soutien et l’engagement
envers des objectifs de vie positifs. En cette époque où on met l’accent sur le rétablissement,
les récits de personnes qui ont survécu à l’idéation ou à des
tentatives de suicide et qui sont passées de la survie à
l’épanouissement peuvent être une source importante d’espoir.
Ressources pour les parents et les adolescents
Évaluer le risque suicidaire est complexe, même pour un professionnel
de la santé mentale avec beaucoup d’expérience. Il n’existe pas de test
sanguin ou d’examen cérébral qui puisse prédire avec précision qui fera
une tentative ou qui mourra par suicide.
Selon l’ampleur du besoin, nous recommandons que les parents inquiets
appellent une ligne d’assistance, contactent le thérapeute de leur
enfant ou emmènent celui-ci au service des urgences de l’hôpital. Une
visite aux urgences peut être appropriée lorsque le risque est élevé ou
imminent.
Les services de santé mentale sont disponibles dans le secteur privé
ou dans des institutions publiques telles que les écoles et les
cliniques médicales. Des traitements comme la thérapie comportementale dialectique,
ou la thérapie cognitivo-comportementale lorsque les parents
s’impliquent, se sont avérés efficaces pour réduire le risque de suicide
chez des adolescents vulnérables.
Même si l’on ne s’attend pas à ce que vous sachiez exactement quoi
faire ou dire si votre adolescent a des pensées suicidaires, vous pouvez
néanmoins lui être d’un soutien précieux.
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CANADA
Avec la pandémie, les idées suicidaires sont en hausse chez les 65 ans et + Stéphanie Marin, La Presse Canadienne 4 février 2021 https://lactualite.com*
MONTRÉAL — On en parle peut-être moins, mais le suicide existe chez les 65 ans et plus. Et avec les bouleversements causés par la pandémie de COVID-19, leurs idées suicidaires ont augmenté, prévient un psychiatre de la Santé publique, qui appelle à la vigilance de leurs proches.
Ça reste souvent caché, dit le Dr Robert Perreault, un médecin psychiatre et expert en médecine préventive à la Direction de la santé publique de Montréal.
Mais «parce qu’il faut en parler», il a saisi l’occasion de cette semaine consacrée à la prévention du suicide.
S’il y a moins de Québécois de plus de 65 ans qui s’enlèvent la vie que ceux du groupe de 45 à 64 ans – qui affiche le plus haut taux – ils y parviennent tristement plus souvent. Selon les données des bureaux du coroner, six suicides sur dix sont des personnes âgées de plus de 65 ans, rapporte le médecin.
Le taux d’idées suicidaires «sérieuses» est passé de 1 % à 4 % chez les Québécois de 65 ans et plus, un chiffre «significatif» selon le Dr Perreault qui compare ainsi les taux mesurés en septembre à ceux de novembre.
Le taux est 5,8 % dans la population en général et de près de 8 % lorsque l’on se concentre sur la Ville de Montréal.
Depuis le début de la crise de la COVID-19, les gens âgés sont beaucoup plus isolés, rapporte-t-il. Ils ont nettement moins de contacts humains, certains ont été confinés dans leurs chambres de CHSLD durant de longs mois, leur santé physique s’est détériorée, ils se savent plus à risque de mourir de la COVID-19, et alors que les plus jeunes réussissent à garder un semblant de vie sociale avec l’internet, les plus âgés ne maîtrisent pas tous les nouvelles technologies.
La pandémie et le confinement, «ça leur a enlevé des protections».
Ceux qui sont encore à la maison auraient été touchés plus durement que ceux qui habitent en résidences pour aînés, où le personnel a un œil sur eux. Il n’y a pas d’étude sur le sujet, dit-il, mais c’est ce que rapportent les intervenants sociaux sur le terrain.
Et puis, des aînés qui craignent d’être perçus comme un fardeau par leur famille peuvent hésiter à parler de dépression ou d’idées suicidaires, pour ne pas leur faire peur et les éloigner davantage.
En cette semaine de la prévention du suicide, Dr Perreault souhaite que les proches des aînés esseulés ne les oublient pas, et intensifient les contacts avec eux pour briser l’isolement, qui peut être source de détresse. Cela leur permettra peut-être aussi de percevoir les signes d’un état dépressif.
Car ils ne sont pas forcément faciles à reconnaître, avertit-il.
Chez les gens plus âgés, la dépression ne montre pas les mêmes signes que chez les plus jeunes, comme la grande tristesse et la perte d’envie de faire quoi que ce soit. Elle se manifeste plutôt par des douleurs étranges, un sommeil difficile, plus de confusion ou d’irritabilité, des signes qui s’apparentent parfois à la sénilité, explique le docteur Perreault.
«On ne pense pas forcément à un état dépressif et donc on ne pense pas toujours à le traiter. Et c’est là qu’il peut progresser».
Comme dans tous les groupes d’âge, la dépression et la maladie mentale en général font partie des facteurs prédisposant au suicide, indique l’Association Québécoise en prévention du suicide dans un guide mis en ligne.
Les proches doivent donc être vigilants, conclut le Dr Perreault. Besoin d’aide pour vous ou un proche? – Ligne téléphonique de prévention du suicide: 1 866 APPELLE (1 866 277-3553) – Ligne Info-Social du gouvernement du Québec (811) – Site d’aide et de prévention (suicide.ca) – Centre de prévention du suicide du Québec (cpsquebec.ca) – Association québécoise de prévention du suicide (aqps.info)