LE BRETON David Adolescence et conduites à risque Yapaka, 2014-10, 57 p.
Les conduites à risque sont des manières
ambivalentes de lancer un appel aux plus proches, à ceux qui comptent.
Elles témoignent de la résistance active du jeune et de ses tentatives
de se remettre au monde. En dépit des souffrances qu’elles entraînent,
elles possèdent un versant positif, elles favorisent la prise
d’autonomie du jeune, la recherche de ses marques, elles sont un moyen
de se construire une identité. Elles n’en sont pas moins douloureuses
dans leurs conséquences à travers les blessures ou les morts qu’elles
entraînent. Mais la souffrance est en amont, perpétuée par une
conjonction complexe entre une société, une structure familiale, une
histoire de vie. Ces épreuves que les jeunes s’infligent répondent à
cette nécessité intérieure de s’arracher à soi-même et de renaître
meilleur. Ce sont des rites intimes, privés, autoréférentiels, insus,
détachés de toute croyance et tournant le dos à une société qui cherche à
les prévenir.
Au Québec, une enquête du coroner
est entreprise dès qu’une mort survient sur le territoire afin d’établir
si celle-ci est due à des causes naturelles ou non. C’est le cas lors
des décès dans les institutions carcérales. Dans le présent article,
nous étudierons plus spécifiquement comment le suicideen prison devient ce
que les acteurs sociaux et les rapports officiels en disent dans
l’enquête du coroner. Nous disposons à cet effet d’un corpus empirique
de première main : les enquêtes des coroners du district judiciaire de
Montréal qui ont conclu à des décès par suicide entre 1892 et 1950.
Notre étude permet de saisir comment les diverses explications du
suicide en institution carcérale se construisent au fil de l’enquête des
coroners, par les informations qu’ils colligent et notent dans leurs
rapports, mais aussi par les témoignages qu’ils recueillent et les mots
utilisés par les uns et les autres pour décrire les événements entourant
la mort (et le mort). Nous verrons notamment qu’un « suicide » peut
connaître des interprétations différentes selon les acteurs sociaux
appelés à le commenter et l’expliquer, de même que selon la période dans
laquelle il est nommé. Nous constaterons aussi que les verdicts de
suicide dans les institutions carcérales montrent que le statut de
détenu comme paria rend concevable la « volonté suicidaire » aux yeux du
coroner (et de ses témoins), alors que ce n’est pas le cas pour les
verdicts touchant la population générale.
«Expression et créativité, les médiations artistiques dans l’accompagnement
thérapeutique». Un tour d’horizon de ces pratiques dans le champ du soin.
VENDREDI 16 ET
SAMEDI 17 JANVIER 2015 Journées Organisées par le Centre Popincourt, la Cité
de la Santé, et la FFAT (Fédération française des art-thérapeutes)
Cité
de la santé, Cité des Sciences et de l’Industrie : 30 avenue Corentin Cariou 75019 Paris, Niveau -1, amphithéâtre : Jean Painlevé.
Ces journées viseront à
donner la parole aux praticiens des médiations et à apporter un regard sur
la richesse et la diversité des actions dans ce domaine, contribuant ainsi à
enrichir nos connaissances
mutuelles. Elles ouvriront des espaces d’informations et d’échanges autour de
la :
•diversité des pratiques (art thérapie, médiations artistiques,
sociothérapie,...),
•diversité des champs d’intervention (psychiatrie, santé, médico-social,
social,...),
•diversité des publics accompagnés (enfants, adolescents, adultes, personnes
âgées,...).
Avec une intervention •«Spécificité du travail d’art-thérapie au Centre Popincourt : isolement et prévention
du suicide», I. Katz-Mazilu (artiste plasticienne, art-thérapeute).
N’hésitez pas à relayer l’information de ces journées dans votre réseau.
CENTRE
POPINCOURT
CENTRE THERAPEUTIQUE SPECIALISE
Lutte contre l’isolement et prévention du suicide
6 rue de l’Asile Popincourt
75011 Paris
Tél : 01 42 78 19 87 centrepopincourt@orange.fr http://centrepopincourt.fr
Conférence / Gestion du mal-être chez les adolescent Le 30/01/2015 à 20:30 Adresse Service enfance jeunesse Centre de Loisirs Rue des anciens combattants AFN 85340 OLONNE SUR MER Tél : 02 51 95 10 23 http://www.olonnesurmer.fr
2éme conférence : Intervenant : Madame PICARD - Maison des Adolescents
Entrée libre Prise en charge gratuite des enfants par une équipe d'animation
Organisée par la Mairie d'Olonne sur Mer (service Enfance Jeunesse)
Le suicide au Liban, un phénomène-fléau social réversible 24/11/2014 http://www.lorientlejour.com/article/897535/le-suicide-au-liban-un-phenomene-fleau-social-reversible.html
Le rocher de Raouché, symbole de suicides au Liban, a été choisi il y a
quelques mois pour le lancement d’une campagne nationale contre les
suicides.
Se supprimer alors qu'on a encore la vie devant soi reste non seulement une énigme pour l'entourage d'une personne qui vient de se suicider, mais un sujet difficilement abordable. Selon les statistiques du département de psychiatrie et d'Embrace de l'AUBMC, une personne se suicide tous les trois jours au Liban. Cause de décès évitable, la prévention ne devient-elle pas un enjeu majeur de santé publique ? Marlène AOUN FAKHOURI | OLJ
À travers le monde, le suicide tue plus que les guerres, les actes de terrorisme et les homicides. Selon les estimations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), huit cent mille personnes mettent fin à leurs jours chaque année: environ une personne toutes les quarante secondes.
Le Liban est particulièrement touché. L'Orient-Le Jour mène l'enquête. «Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux, c'est le suicide. Et il n'y a vraiment qu'un problème psychiatrique vraiment tabou, c'est le suicide», disait Camus. Les spécialistes de l'association Embrace pour la lutte contre le suicide estiment, dans une étude qu'ils ont fait paraître récemment, à 15% le nombre de jeunes Libanais(es) de 13 à 15 ans ayant sérieusement envisagé de se donner volontairement la mort au cours des douze derniers mois, ou ayant tenté de passer à l'acte. Ce passage fatal à l'acte interroge nos conceptions de la vie, notre environnement social, les relations entre générations. À l'heure actuelle, il est regrettable de constater que le taux de suicide demeure aussi élevé, notamment chez les jeunes. Quelles raisons peuvent pousser un être à avoir plus peur de la vie que de la mort? Cette situation alarmante n'est-elle pas la marque d'un profond malaise, d'une maladie qui remue notre société de fond en comble et détruit les plus faibles? Comment comprendre une tentative de suicide? Le point avec le Dr Sami Richa, chef du service de psychiatrie à l'Hôtel-Dieu de France.
«Chez les jeunes, la tentative de suicide est souvent impulsive. Elle intervient dans un contexte difficile: conflit avec les parents, conflit amoureux, difficultés scolaires. Ce geste est souvent considéré comme "un appel au secours" qu'il ne faut surtout pas banaliser. Il faut le prendre au sérieux, et apporter le secours demandé», explique le psychiatre. «Dans 90% des suicides, les adolescents ont tenté de parler de leur mal-être, de mettre en garde leur entourage, d'interpeller leurs proches. Mais le message n'est pas passé, par manque de communication ou de disponibilité», ajoute-t-il, avant de recommander: «Il convient donc d'être attentif à ces signaux éventuels et de les prendre au sérieux, savoir écouter un jeune qui exprime des signes de détresse, l'encourager à parler en confiance et l'orienter efficacement.»
Chez les personnes plus âgées, le geste est plus prémédité, selon le Dr Richa qui précise à ce sujet: «Ce geste est aussi lié à des difficultés personnelles: divorce, dépression sévère, difficultés professionnelles. C'est un acte préparé, planifié. La personne s'isole avec un moyen hautement létal, et fait en sorte de limiter l'arrivée des secours. L'intention de mourir est très forte. Toujours est-il que le geste suicidaire n'a pas pour objectif la recherche de la mort, mais plutôt celui d'échapper à une souffrance devenue intolérable. C'est un isolement progressif, où les idées de suicide deviennent de plus en plus fortes, et les solutions pour sortir des problèmes de moins en moins nombreuses, jusqu'au passage à l'acte.»
Difficultés ou maladies
À la question de savoir quels sont les facteurs de risque, le psychiatre indique qu'«il existe une vulnérabilité spécifique chez certaines personnes». «Bien sûr, on retrouve dans toutes les tentatives de suicide des difficultés interpersonnelles, des problèmes sociaux, financiers (crise économique...) ou encore judiciaires, précise-t-il. Mais le plus souvent, le risque est lié à une maladie psychiatrique: dépression, anxiété, mis à part le problème de dépendance à la drogue ou à l'alcool. Heureusement, toutes les personnes dépressives ne font pas des tentatives de suicide. C'est pour cette raison que nous pensons qu'il existe une vulnérabilité, une prédisposition spécifique due à des facteurs biologiques, génétiques et personnels», estime-t-il. Et le Dr Richa de souligner la nécessité de la vigilance, car près de la moitié des «suicidants» récidivent, selon lui, «d'où l'importance de s'assurer que la personne est bien prise en charge, et de la protéger du contexte qui l'avait amenée au passage à l'acte».
Prévenir un acte suicidaire ?
«Le suicide n'est pas une fatalité, alors que de nombreuses personnes pensent à tort qu'il n'y a rien à faire pour les personnes suicidaires», poursuit le psychiatre qui développe l'état d'âme d'une personne souffrant de dépression. «S'il y a une dépression, il faut la soigner, relève le Dr Richa. Il faut être vigilant face à quelqu'un qui en parle, l'aider, être à l'écoute et l'amener à consulter, à accepter un suivi. La dépression est une véritable maladie qui peut être combattue, à condition d'être diagnostiquée. Ce que vit le malade est extrêmement pénible : il a le plus souvent l'impression de stagner dans un univers glacial, insécurisant, sombre et presque irréel. Il garde le plus souvent une perception du monde extérieur, mais rien ne peut le détourner de sa souffrance. Il se sent paralysé, anesthésié psychiquement, affectivement et physiquement. Il se sent et se sait différent, s'en veut, en a honte, culpabilise et souffre.»
«Accepter sa dépression et consulter reste une démarche difficile», estime le Dr Richa, qui indique que «50 à 60% des dépressifs ne sont pas traités, ou sont mal traités». Des chiffres inquiétants, «surtout quand on sait que la dépression affecte aussi largement l'entourage proche du malade». «Mais les gens consultent toujours très tard, déplore le psychiatre. Le plus souvent parce qu'ils ont honte et n'osent pas rompre le silence, parce qu'ils ignorent que 20% de la population est sujette à des troubles psychiques, plus précisément à des dépressions, au moins une fois dans la vie.» «Il est très difficile de reconnaître que l'on peut craquer nerveusement, qu'on a les nerfs qui lâchent», ajoute-t-il.
«Mais ce que beaucoup prennent pour une faiblesse n'est autre qu'une maladie qui peut toucher tout le monde. Sauf qu'il s'agit d'une maladie psychique, "un tabou", et cela fait peur. Une maladie physique rassurerait presque, car bon nombre de gens pensent que l'on peut poser un diagnostic, identifier la bactérie, la tumeur, le microbe, définir le traitement et enrayer le mal. Une maladie physique, on peut parfois la voir, sur les radios ou au scanner. Pas la dépression, pas l'angoisse: elles sont impalpables et restent au niveau d'un concept que l'on subit. La dépression n'est pas objectivable. Aucun examen paramédical ne permet de prouver qu'il y a une dépression. Et pourtant, plus on la soigne tôt, plus rapide sera la guérison. Un état dépressif aigu peut guérir dans 80% des cas. De nos jours, un traitement bien adapté, un solide suivi psychothérapique, une "bonne dose d'amour" et d'écoute permettent d'atténuer les effets ravageurs de la dépression, notamment quand il y a des comportements à tendances suicidaires, puis de la guérir en quelques semaines», affirme le spécialiste. Voir aussi Embrace, pour mieux comprendre les maladies mentales
Société Le suicide est un fléau, mais pas une fatalité. Une association a décidé de prendre le taureau par les cornesMarlène AOUN FAKHOURY | OLJ 25/11/2014
Agir ensemble contre l'isolement, la solitude, la dépression, le suicide, tel est le défi majeur de l'association Embrace qui, en étroite collaboration avec l'AUBMC (Centre médical de l'Université américaine de Beyrouth), a mené une enquête auprès de jeunes étudiants et lancé récemment une première et importante campagne de sensibilisation dans le but d'attirer l'attention de la population sur l'ampleur de la problématique du suicide des jeunes, tout en l'outillant pour faire face au risque suicidaire . « Le suicide est un sérieux problème de santé publique qui touche toute la communauté », déclare le Dr Ziad Nahas, président du département de psychiatrie de l'AUBMC, également fondateur et président de l'association Embrace. « Le phénomène est présent partout dans le monde et touche des individus à n'importe quel âge. C'est aussi la deuxième cause de décès chez les jeunes entre 15 et 29 ans. Sur une vingtaine de personnes qui tentent de mettre fin à leur vie, une seule en meurt. Dans son dernier rapport sur la lutte contre le suicide, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a signalé 43 décès survenus au Liban en 2012 alors que 107 cas ont été officiellement recensés dans les registres libanais. Force est de constater dès lors que dans notre société, une personne se suicide tous les trois jours !
Toutefois, les experts pensent fermement que ce chiffre ne correspond pas au nombre exact de tentatives, soigneusement camouflées pour des considérations d'ordres social, religieux et juridique », explique le psychiatre. Par ailleurs, des études récentes menées par le département de psychiatrie à l'AUBMC mettent l'accent sur le taux élevé d'idées suicidaires chez les jeunes et soulignent l'urgence de lutter contre ce phénomène, de mieux le prévenir. « Le suicide est évitable, insiste le Dr Nahas. 90 % des cas sont le résultat d'une pathologie mentale. La majorité de ceux qui passent à l'acte sont atteints de troubles psychiques curables (dépression, usage de drogue, dépendance à l'alcool, schizophrénie...). Selon les données de terrain depuis le début de 2014, on estime que le taux de suicide augmentera de 25 % par rapport aux années précédentes. » « Tous ceux qui se suicident ne veulent pas mourir effectivement, ils se donnent la mort car ils souffrent tellement que la vie leur devient insupportable », signale-t-il. Selon le Dr Nahas, au Liban, « une personne sur quatre souffre d'un trouble mental, mais seule une minorité accepte de le reconnaître et de suivre un traitement ». Le psychiatre considère que « l'État devrait agir au niveau de la prévention ». « Le suicide n'est pas uniquement le problème du suicidé, mais aussi celui de toute la société, de l'État, de la structure politique, économique et sociale dans un pays, d'où la nécessité de l'adoption d'un programme adéquat pour la prévention contre le suicide. »
« Bien sûr que je me réveillerai » « En parler, c'est recommencer à vivre ! » poursuit le Dr Nahas. « Embrace brise le silence, le tabou et s'engage à travers sa campagne nationale à informer, à sensibiliser le grand public afin de faire face à "ce fléau", de venir en aide aux personnes les plus vulnérables ainsi qu'à leurs proches, de solliciter des fonds pour couvrir les frais des traitements psychiatriques pour les maladies sévères et secondaires qui ne sont pas couvertes par les assurances au Liban », explique le Dr Nahas avant de souligner que « la campagne de prévention contre le suicide a été axée d'abord sur la conception et la diffusion d'un important matériel de sensibilisation et de communication : un spot télévisé avec le ministre de la Santé publique, Waël Bou Faour, des panneaux publicitaires, des affiches ».
Elle a ensuite tablé sur l'organisation d'événements publics pour « une prévention plus visible et pour rappeler qu'un Libanais tente de mettre fin à sa vie tous les trois jours. "Akid ra7 fee2" (Bien sûr que je me réveillerai) était le titre de la campagne menée pour encourager le public à participer à la marche qui a eu lieu il y a quelques mois, à 5 heures du matin, sur la corniche surplombant le rocher mythique de Raouché. Ce titre a été choisi non seulement parce que la marche était trop matinale, mais aussi parce que c'était l'aube d'une nouvelle vie. Les fonds recueillis seront destinés au financement d'une "hotline" pour venir en aide aux personnes qui songent au suicide et qui cherchent d'autres solutions que la mort pour surmonter leurs problèmes ».
Dans l’Église catholique, les suicidés, des personnes dans la détresse
«Le suicide est l'acte délibéré de mettre fin à sa vie.
C'est un acte d'autodestruction. L'Église le condamne car la vie est un
don gratuit de Dieu concédé à l'homme.» En quelques mots, le père
Richard Abi Saleh, curé de la paroisse Saint-Maron, à Gemmayzé, résume
la position de l'Église catholique par rapport au suicide. «Dieu est
le maître de la vie et de la mort. La vie humaine est sacrée et l'homme
ne peut détruire ce qu'il n'est pas capable de créer. Elle est une
valeur en soi, indépendante de toute contingence. Ainsi, le suicide,
considéré comme péché par l'Église, est aussi inacceptable que
l'homicide. Il constitue de la part de l'homme un refus de la
souveraineté de Dieu et de son dessein d'amour. Mettre fin à ses jours,
du point de vue objectif, est un acte gravement immoral, parce qu'il
comporte le refus de l'amour envers soi-même, bien que certains
conditionnements psychologiques, culturels et sociaux puissent pousser à
ce geste qui contredit l'instinct inné de chacun à la vie », explique
père Abi Saleh. « Pendant longtemps, l'Église catholique a refusé les
obsèques religieuses aux personnes suicidées. Actuellement, les choses
ont changé», signale-t-il. «L'Église se considère interpellée par les
suicides. Nous, les vivants, nous sommes alors mis ou remis devant le
mystère, c'est-à-dire la réalité profonde de cette personne qui, à un
certain moment, a accompli l'acte suicidaire pour des raisons qui nous
dépassent et qui la dépassaient sans doute elle-même: incapacité de
faire face à des difficultés insurmontables, un sentiment écrasant
d'indignité ou de culpabilité, des brisures personnelles et familiales,
et bien d'autres situations dramatiques », poursuit le père. Les
suicidés, dès lors, peuvent être admis aux funérailles religieuses. Ce
qui ne signifie nullement, selon père Abi Saleh, une approbation du
suicide, « mais plutôt l'expression d'une difficulté à discerner les
motivations qui ont poussé à un tel acte ainsi qu'à en mesurer le degré
de responsabilité, et le désir de confier celui qui l'a commis à la
miséricorde de Dieu. Aujourd'hui, l'Église parle essentiellement des
suicidés comme de personnes "dans un état de détresse".» «Ce
changement d'attitude montre bien que le développement de la psychiatrie
a pu modifier le jugement qui était porté sur eux. C'est bien pourquoi
l'entourage d'une personne suicidée ne cesse de s'interroger sur sa part
de responsabilité par rapport à l'acte. La société se doit de se
préserver de la mort, de lutter contre ce qui la cause. C'est son
devoir, ainsi que celui de l'Église, plus précisément à une échelle
pastorale, de fortifier dans l'individu le désir de vivre. De ce point
de vue, le suicide est un échec de la société et de l'Église. D'où la
nécessité de mobiliser toutes les énergies, toutes les institutions pour
supprimer l'envie du suicide. La question qui demeure est de savoir ce
qui peut donner l'envie de vivre, de s'accrocher; ce qui peut donner de
la valeur et du sens à la vie, pour que l'élan vital l'emporte sur le
pessimisme, la morosité et le désespoir», conclut le père Abi Saleh.
Le risque de suicidetombeconsidérablement après une thérapie par la parole Date: 24 novembre 2014 d'après article Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health. "Suicide risk falls
substantially after talk therapy." ScienceDaily. ScienceDaily, 24
November 2014.
<www.sciencedaily.com/releases/2014/11/141124074741.htm>.
Une nouvelle étude suggère que Les tentatives de suicide répétéesetdécès par suicideétaient à peu près25 pour centplus faibles chezun groupe de personnesvolontaires danoises qui ont subiun soutien psychosocialà court terme aprèsune tentative de suicide,
Les résultatssont soupçonnés d'êtreles premiers à montrerque la thérapie par la paroleaxée surla prévention du suicidefonctionne réellement, pour éviterde futures tentativesde suicidedans cette populationà très haut risque. Bien queseulement sixà dixséances de thérapieont été fournis, les chercheurs ont trouvédes avantages à longterme: Cinq ans après que lesconsultations soientterminées, il y avait 26 pour centmoins de suicidesdansle groupe ayant reçuun traitementpar rapportà un groupe quin'en a pas fait. EVALU Une étudesur les résultatsa été publiée en lignele 24 novembredans la revue Lancetpsychiatrie.
«Nous savonsque les personnes quionttenté de se suicidersontune populationà risque élevée etque nousdevons les aider. Toutefois, nous ne savions pasce qui allaitêtre efficaceen termes de traitement», dit le chef del'étude, AnnetteErlangsen, DPH, professeur agrégéadjoint au départementde la santé mentaleà l'écoleJohns Hopkins Bloombergdesanté publique. "Maintenant, nousavons la preuveque le traitementpsychosocial-qui fournit un soutien, pas de médicaments-est en mesure deprévenir le suicidedans un groupeà risque élevé demourir par suicide."
Leschercheurs disent que leursrésultats suggèrent qu'ilpourrait être utilede mettre en œuvreglobalementdes programmes de thérapiepour les personnesqui onttenté de se suiciderdans le passé.
Au Danemark, qui ades soins de santé gratuitspour les citoyens, les premières cliniques de préventiondusuicideont été ouvertsen 1992pour les personnesà risque de suicide, maisne nécessitantpasd'hospitalisation psychiatrique. Les cliniquesont été ouvertesà l'échelle nationaleen 2007.
Pour l'étudemulti-centre, les chercheurs ont analysé lesdonnées danoisesde santéde plus de65 000personnesau Danemarkqui ont tentéde se suiciderentre le 1er janvier1992 et le 31décembre 2010.De ce groupe, ils ont regardé5678personnes qui ont reçuune thérapiepsychosociale dans l'un des huitcentres deprévention du suicide. Leschercheurs ont ensuite comparéleursrésultatsdans le tempsavec17,304personnes qui avaienttenté de se suicideretse ressemblaientsur31facteurs, maisn'avaient pas suivide traitementpar la suite.Les participants ont étésuivis pendant20 ans.
Leschercheurs ont constaté quependant la première année, ceux qui ont reçula thérapieétaient27 pour centmoins susceptibles detenter de se suiciderà nouveauet 38 pour centmoins susceptibles de mourirde toute cause. Après cinq ans, il y avait 26 pour centmoins de suicidesdans le groupequi avait été traitéaprès leurtentative.Après 10 ans, le taux de suicidepour ceux qui avaienteu la thérapieétait de 229pour100 000, comparativement à 314par100 000dans le groupequi n'a pas eule traitement.
La thérapieelle-même modifiéeen fonction des besoinsindividuels du patientde sorte que leschercheursne peuvent pas direexactement quel a été le«principe actif». Bien qu'il soit possibleque ce soit simplementla fourniture d'unendroit sûr, et confidentiel pour parler, leschercheurs disent qu'ilsenvisagentde recueillirplus de données surles typesspécifiquesde traitement qui ont puavoir travaillémieuxqued'autres.
Elizabeth A.Stuart, Ph.D., co-auteur de l’étude, professeur agrégé auDépartementde la santé mentalede l'ÉcoleBloomberg, ditque, avantcela, iln'était paspossible de déterminer siun traitement spécifiquede prévention du suicide fonctionnait. Iln'est pas éthiquede faireune étude randomiséeoùcertains reçoiventla thérapiede prévention du suicidetandis que d'autresne le font pas, ditStuart. Le fait que lescliniquesdanoisesont pu être déployéeslentement, que la participation soit volontaire, etque la vastebaseet donnéesde suivis à long termeétaient disponiblessur ungrand groupe de personnes, ont pu permettre aux chercheursde recueillirce genre d'information.
"Nos résultats fournissent une base solide pourrecommander quece type de thérapieêtre considérépour les populations àrisque de suicide," dit-elle.
Références article cité : Annette Erlangsen PhD ab , Bertel Dam Lind MSc d, Elizabeth A Stuart PhD bc, Prof Ping Qin PhD e, Elsebeth Stenager PhD f, Kim Juul Larsen MSc g, August G Wang DMSc h, Marianne Hvid h, Ann Colleen Nielsen Cand Psych i, Christian Møller Pedersen Cand Psych j, Jan-Henrik Winsløv MSc k, Charlotte Langhoff Cand Psych l, Charlotte Mühlmann Cand Psych j, Prof Merete Nordentoft DMSc aShort
and long term effects of psychosocial therapy provided to persons after
deliberate self-harm: a register-based, nationwide multicentre study
using propensity score matching. The Lancet Psychiatry, November 2014 DOI: http://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366%2814%2900083-2/abstract
a Research Unit, Mental Health Centre Copenhagen, University of Copenhagen, Copenhagen, Capital Region of Denmark, Denmark
b Department of Mental Health, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, Baltimore, MD, USA
c Department of Biostatistics, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, Baltimore, MD, USA
d Clinic of Suicide Prevention and Treatment for Adults, Department of Psychiatry, Region of Southern Denmark, Denmark
e National Centre for Suicide Research and Prevention, University of Oslo, Oslo, Norway
f Department of Psychiatry, University of Southern Denmark, Odense, Region of Southern Denmark, Denmark
g
Department of Child and Adolescent Psychiatry, Clinic of Suicide
Prevention and Treatment for Children and Adolescents, Region of
Southern Denmark, Denmark
h Competence Centre for Suicide Prevention, Amager, Capital Region of Denmark, Denmark
i Competence Centre for Suicide Prevention, Copenhagen, Capital Region of Denmark, Denmark
j Clinic for Suicide Prevention, Aarhus University Hospital Risskov, Aarhus, Central Denmark Region, Denmark
k Unit for Suicide Prevention, Aalborg University Hospital, North Denmark Region, Denmark
l Clinic for Suicide Prevention, Herning, Central Denmark Region, Denmark
Correspondence to: Annette Erlangsen, Research Unit, Mental Health Centre Copenhagen, DK-2400 Copenhagen, Denmark
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Le suicide d'un octogénaire qui a tué son épouse atteinte d'un cancer incurable relance le débat sur l'euthanasie. Pour Damien Le Guay, auteur du Fin mot de la vie, contre le mal mourir en France, l'urgence n'est pas de légiférer sur la mort mais de remettre le malade au cœur de l'hôpital.
Damien
Le Guay, philosophe, président du comité national d'éthique du
funéraire, membre du comité scientifique de la SFAP, enseignant à
l'espace éthique de l'AP-HP, vient de faire paraitre un livre sur ces
questions: Le fin mot de la vie - contre le mal mourir en France, aux éditions du CERF. FIGAROVOX:
Un homme de 84 ans s'est donné la mort ce dimanche à l'hôpital Ambroise
Paré de Boulogne-Billancourt. Juste avant, il a tué d'une balle son
épouse hospitalisée pour un cancer incurable. Les partisans de
l'euthanasie demandent une loi pour «éviter ce genre de drames». Que
pensez-vous de ce «droit à mourir dans la dignité» qu'ils invoquent? Damien LE GUAY:
Il faut toujours remettre en cause l'idée selon laquelle il y aurait
d'un côté une mort «digne», celle, choisie, de l'euthanasie, et, de
l'autre une mort indigne, car «subie». Il faut contester à l'ADMD
(Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) la «dignité»
qu'ils revendiquent et qu'ils confisquent au détriment des autres. Il y a
des dignités différentes, voilà tout. Le droit à mourir dans la dignité
est mis en œuvre jour après jour par les innombrables bénévoles en
soins palliatifs bien plus que par l'ADMD. Un constat s'impose:
aujourd'hui, on meurt mal en France. Certains avancent une solution: ne
pas appliquer la loi Léonetti, ne pas améliorer les soins palliatifs et
légaliser l'euthanasie. Or, la légalisation de l'euthanasie serait un
mal pire que les maux qu'elle prétend résoudre.
Pourquoi? N'est-elle pas simplement l'expression d'une «ultime liberté»? Il
y a deux euthanasies. D'une part l'euthanasie-liberté qui est celle,
par exemple, d'André Comte-Sponville. Il pense l'euthanasie dans le
prolongement du suicide avec la noblesse d'une «ultime liberté» face à
toutes les contraintes, les lassitudes. Il est possible de discuter de
ces motivations - acceptables jusqu'à un certain point. D'autre part:
l'euthanasie économique. Plus sordide, moins avouable. Il y a un an un
vice-premier ministre japonais (avant de faire machine arrière) avait
fait le constat que 50% des dépenses de santé de son pays intervenaient
dans les dernières semaines de la vie. Ce qui est vrai au Japon l'est
aussi en France. Il avait suggéré que, par devoir civique, les japonais
«devraient» avancer de quelques semaines leur mort. Ainsi l'Etat ferait
de considérables économies. Les deux euthanasies sont distinctes et en
même temps, la seconde n'est pas loin de la première. Les coûts de la
santé sont collectifs. Une pression sociale existe, implicitement. La
dérive est possible. Et ceux qui, sans le dire, veulent diminuer les
dépenses de santé par une «économie» de quelques semaines sur la durée
de vie, font des partisans de l'euthanasie-liberté des «idiots utiles»
de ce débat. 96% des Français se disent favorables à l'euthanasie. Peut-il y avoir encore débat avec de tels sondages ? Oui.
Encore faut-il savoir pourquoi les Français veulent l'euthanasie? Avant
tout, ils craignent l'hôpital! Ils n'ont pas envie de mourir seuls,
abandonnés, face à des machines, réduits à leurs maladies et incapables
de comprendre la logique toute puissante des médecins. Ils savent qu'ils
vont perdre leur autonomie physique mais surtout leur autonomie de
décision. Ils ne seront plus maîtres du jeu. N'auront plus leur mot à
dire. De guerre lasse, ils préfèrent «l'euthanasie» sans savoir qu'ils
réclament bien des droits qui sont déjà acquis. Quand on demande aux
Français s'ils ont le droit de demander l'interruption des soins, ils
répondent non! Alors que c'est le cas depuis la loi de 2002! Toute cette
ignorance et cette peur se convertissent en une revendication
indistincte et incertaine de rejet de l'hôpital plus que d'adhésion à
l'euthanasie. Ne faudrait-il pas améliorer «l'offre palliative», la
place centrale de l'humain, l'écoute, l'humanité des relations, la
modestie du curatif! C'est une question de volonté politique. Avant de
se poser la question de l'euthanasie, posons-nous d'abord la question du
confort, de l'accompagnement, des conditions de la mort en France. Il y
a tant et tant à faire!
L'euthanasie, serait une solution de facilité, c'est ça? Oui.
On nous fait croire que le progrès est ce côté-ci, que la liberté
«moderne» est de ce coté-ci, que l'euthanasie va régler tous les
problèmes. Et inversement on nous dit qu'une mort bavarde, la moins
inconfortable possible, la plus accompagnée, serait «archaïque», trop
«chrétienne» - comme si le travail de l'ultime parole, des derniers
gestes, de la conscience seraient religieux avant que d'être humains. Le
rapport Sicard, demandé par le gouvernement socialiste pour, en
principe, mettre en œuvre l'engagement 21 de François Hollande nous le
dit bien: l'euthanasie n'est pas la solution. De nombreux aménagements
sont nécessaires pour améliorer la fin de vie de 150 000 personnes qui
meurent mal en France - sur un total de 550 000 décès. Alors que
l'euthanasie, si elle était légalisée, concernerait 6 à 7 000 cas par
an. Ne faut-il pas penser au plus grand nombre, plutôt que répondre à
des cas particuliers, de situations souvent très spécifiques - montées
en épingles par les médias dans des «affaires» -? Là est le sens de la
justice. Là est la responsabilité des politiques. Que signifie l'expression «mourir mal»? La mort n'est-elle pas de toute façon une tragédie? Il
n'y a pas de «bonne mort», de mort pacifiée, facile. Que feront-nous
une fois confronté à cette échéance ultime? Mystère. Chacun doit y faire
face, l'envisager dans la solitude, une solitude fondamentale. La
question n'est donc pas celle de résoudre l'angoisse de la mort
individuelle mais celle d'améliorer l'accompagnement, d'entourer les
personnes, de les considérer comme des personnes, de faciliter les
ultimes aménagements familiaux, les ultima verba qui peuvent permettre à
la famille de mieux vivre après. Comment faire pour que les gens «meurent mieux» en France? Première
question: faut-il mourir à l'hôpital? Aujourd'hui 70% des Français
meurent dans une structure hospitalière, parfois dans des conditions
indignes et de temps à autre, dans des circonstances sordides. Pensons à
ces personnes âgées «envoyées» à l'hôpital parce que la maison de
retraite ne veut pas payer les coûts du transport funéraire. Or,
n'est-il pas plus «confortable» de mourir chez soi? Oui. Au début des
années 1960, 70 % des français mourraient chez eux. Dans d'autres pays
européens, 70 % des gens meurent chez eux. Alors, pourquoi pas chez
nous? C'est une question politique, une ambition de santé publique. Un
objectif concret. Cela conduit à développer les équipes de soins
palliatifs, les soins à domicile, les équipes mobiles de soins, et plus
largement de refonder la manière dont nous envisageons la médecine des
dernières semaines. D'autres questions peuvent aussi être
abordées: la formation des médecins en éthique - qui est nulle. D'autre
part, le rapport Sicard dit que 80% des médecins ne sont pas formés aux
techniques actuelles de soulagement de la souffrance. Là aussi, il est
urgent d'agir. En ce qui concerne les soins palliatifs, seuls 20% des
personnes susceptibles d'y accéder passent par eux. Les séjours en unité
de soins palliatifs sont court. La diffusion de la «culture palliative»
est faible…. Tout cela coûte cher, et en des temps de disette publique… Ce
n'est pas une question de moyens financiers mais de volonté des
pouvoirs publics. Le rapport Sicard précise que les énormes économies
budgétaire qui pourraient être faites en limitant l'acharnement
thérapeutique devraient servir pour l'accompagnement, la qualité du
mourir et les soins palliatifs. Les constats sont faits. Les solutions
sont là. C'est maintenant une question de choix, de décisions
politiques, d'orientations de la politique de santé. Tout devrait être
fait sans tenir compte des revendications survalorisées de lobbies
minoritaires.
Au delà de ces améliorations
bien réelles, n'est-ce pas toute une refondation de la médecine
techno-scientifique qu'il faut ambitionner? Refonder.
Réorienter. L'ambition est claire: remettre le malade au cœur de
l'hôpital. Le rapport Sicard a très bien montré ce glissement de la
médecine d'une culture palliative à une culture curative. Le glissement
est dégradant: les personnes deviennent des patients, les patients des
malades, les malades des maladies, des maladies des organes malades. Les
médecins (depuis la «tarification à l'acte») sont incités à poursuivre
des «actes», des prescriptions, des traitements quand bien même ils
savent, in petto, que tout cela ne sert plus à rien. Et puis, le
discours médical a envahi les derniers moments. Il est omniprésent au
point de ne pas trop laisser de place aux espaces de paroles
personnelles. Espaces où naissent les derniers mots, les dernières
paroles, les regards au bord de l'abime, les gestes d'adieu. Refonder.
Réorienter. Disions-nous. Il s'agit-il d'une révolution multiculturelle
qui permettrait d'ajuster la culture palliative (qui protège et
réconforte la personne humaine) avec les exigences de la culture
curative - qui guérit le corps, soulage la douleur, donne le confort
biologique. Cette mixité des approches passe aussi par une humilité des
mots, expressions et discours curatifs. Les malades ne sont pas des
maladies dans un corps, mais le corps souffrant d'une personne humaine.
Ne faudrait-il pas retrouver le sens d'un mot oublié, désuet, «ringard»
et pourtant essentiel: le «mourant»? Il est obligé de prendre patience,
Il doit désormais cohabiter avec sa mort imminente, il se dit et est
reconnu à l'article de la mort, à l'articulation de la vie et de la
mort. Il semble que la médecine, enivrée par son propre
progrès, crée elle-même des situations inextricables où l'euthanasie
puisse devenir la seule issue… La médecine souffre d'une
démesure (hubris) technicienne. Emportée par ses moyens, ses outils,
ses médicaments, elle n'arrive pas à poser ses propres limites. Non pas
ses limites de soins (ils sont infinies et c'est tant mieux) mais, au
contraire, ses limites d'arrêt de soins, quand il n'y a plus rien à
faire et qu'il faut l'accepter. Sachez que dans les hôpitaux 50% des
décès sont liés à une décision. Désormais la mort «naturelle» n'existe
plus. Personne n'irait blâmer les avancées de la médecine. Ses progrès
sont formidables. Mais à un certain moment, dans certaines
circonstances, «l'acharnement thérapeutique» est inhumain, la poursuite
des traitements vaine pour ne pas dire «barbare» - barbare au sens de ce
qui empêche la parole humaine de naitre, de s'échanger. Si la médecine
ne doit jamais s'arrêter ; les médecins eux, doivent mieux appréhender,
cette limite entre l'efficacité et «l'obstination déraisonnable». Il
faut alors laisser toute la place aux soins spirituels, psychologiques,
familiaux, affectifs, religieux. Cette limite est mal appréhendée. Bien
des médecins semblent incapables de mettre un frein au «tout médical» au
profit d'une impuissance assumée. Quand la mort est toute proche,
laissons le corps en roue libre. Alors seul compte l'invisible des
mémoires familiales, des âmes en ouverture, des transmissions à
faciliter. S'ils comptaient moins sur leurs habitudes techniques
et jugeaient plus «en âme et conscience», ils trouveraient le courage
(qui est difficile) de convoquer le malade pour lui expliquer qu'il
n'est plus malade mais mourant. Mais les médecins ne sont pas formés à
cela. Les cours d'éthique n'existent pas (ou si peu) dans le cursus de
médecine. Comment doivent-ils accepter ce surcroit d'humanité, cette
impuissance de la médecine, ce face-à-face avec une personne livrée à la
mort? Comment changer leur regard? Cela suppose une injection éthique
dans leurs manières d'envisager un malade. En soi, cela n'est pas
compliqué mais changerait tout.
Vous mettez en avant dans
votre livre le «rôle salutaire de la parole échangée» au moment de la
mort. Pourquoi la parole est-elle si importante? Sommes-nous
avant tout notre corps ou surtout un certain «poids d'amour» dont parle
St Augustin? Ce «poids» est soupesé par chacun aux derniers jours. En
avons-nous fait assez vis-à-vis de ceux que nous aimons? Qu'allons-nous
laisser d'amour à nos enfants? Tout est là. Et dans ce grand maelstrom
des derniers instants, la séparation d'avec ceux que nous aimons est
essentielle. C'est pourquoi, nous disent les statistiques, la moitié des
dépressions sont liés à des deuils mal faits. Quelque chose se passe ou
ne se passe pas à ce moment là, qui non seulement engage la paix de
celui qui meurt, mais de ceux qui restent et vont demeurer, les
survivants. Dans les derniers moments, la parole sauve ou détruit. Elle
libère ou emprisonne. Elle allège ou condamne. Tout intervient dans ce
travail de la conscience sur elle-même en lien avec les personnes
aimées. Les modernes ont tendance à considérer que la conscience
individuelle pilote le corps, contrôle les mouvements, nous informe et
nous guide dans notre solitude nécessaire. Là est la logique de
l'autonomie moderne. Dès lors, en fin de vie, il faudrait quitter cette
vie comme on coupe la lumière avant de quitter la pièce et refermer la
porte à tout jamais. Or, me semble-t-il, la conscience est d'une autre
nature, plus archaïque, plus spirituelle, pleine de ressources
insoupçonnées, traversées de culpabilités croisées et de dettes
humaines. Elle nous tient plutôt que nous ne la contrôlons. Vous faites dans votre livre la distinction entre le «deuil» moderne et le «chagrin» archaïque. Quelle est la différence? Le
deuil est «moderne» ; le chagrin archaïque. Je tiens mon deuil ; le
chagrin me tient. Car, dans l'idée moderne du «deuil» je l'organise, le
contrôle. Dans le manuel de psychologie américain qui fait référence (le
DSM IV) il est dit que le deuil devient «pathologique» à partir de
trois mois. Lors de la mort de son père, on n'a pas le droit d'être
triste plus de trois mois. Sinon, ça devient de la «dépression». Le
«chagrin» lui est d'une autre nature, plus profond, plus abyssal - aussi
profond et abyssal que ma mémoire affective et spirituelle. Proust nous
le dit bien lors de la mort de sa grand-mère. N'en déplaisent aux
«modernes», les sentiments de culpabilité, de dépendance, les blessures
affectives, les fantômes mémoriels existent. Il nous faut «faire avec»,
vivre avec. Nous sommes dépendants de ceux qui nous ont aimés comme de
ceux que nous aimons. Deux conceptions de l'humanité s'opposent.
L'une individualiste, moderne. L'autre qui laisse à supposer que nous
sommes travaillés par un immense souci de responsabilité - comme nous le
dit E. Lévinas. Nous ne sommes pas auto-constitués, plein de nous
seuls, mais, tout au contraire, saturés d'altérités successives,
éducatives, affectives, familiales. Flottons-nous à la surface de
nous-même ou, au contraire, sommes-nous dans l'océan de nos engagements,
de nos vies partagées, de nos envies d'aller plus loin pour les autres?
Bien entendu, notre souci de transmission domine. Il nous faut
l'aménager dans les derniers moments. Et cela est rendu difficile,
parfois même impossible, dans notre société qui a perdu le sens de la
parole.
***
Un octogénaire tue sa femme et se suicide : un geste de désespoir plus que d'amour
LE
PLUS. Dimanche 23 novembre, un homme âgé de 84 ans a tué sa femme
hospitalisée pour un cancer incurable à Amboise-Paré, avant de retourner
l’arme contre lui. Pourquoi les homicides- suicides touchent-ils
surtout les personnes âgées ? Explications de Margueritte
Charazac-Brunel, psychanalyste et auteur de "Suicide des personnes
âgées" (Édition Eres, 2014).
Ce qui est survenu à l‘hôpital Ambroise-Paré de Boulogne Billancourt est ce qu’on appelle un "homicide-suicide".
À ma connaissance, il n’existe aucune étude statistique en France sur
les homicides-suicides de personnes âgées. Pourtant elles constituent
une population à haut risques de suicides létaux, et les
homicides-suicides ne sont pas rares.
L’homicide-suicide n’est pas un geste d’amour
Auprès des plus de 60 ans, il n’existe pas de réelle prévention pour éviter ce drame. La prévention du suicide de l’adolescent est
désormais assez bien structurée et implantée dans les institutions.
Ainsi une tentative de suicide d’un jeune est heureusement rarement
létale, le passage à l’acte d’une personne âgée, lui, est le plus
souvent fatal.
Pourtant, il a des répercussions importantes : les adolescents qui
ont un grand-parent décédé par suicide passent plus facilement au
passage à l’acte que les autres. Le suicide des grands-parents
représentent donc un facteur incitatif.
L’homicide-suicide a été très bien décrit par le film "Amour".
Bien que ce long métrage soit très intéressant d’un point de vue
clinique, il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas là d’un acte
d’amour mais d’un geste de désespoir.
Le terme "amour" valorise et banalise ce geste. Pour l’expliquer, il existe plusieurs facteurs suicidogènes :
1. L’annonce d’une maladie incurable
Le diagnostic d’une maladie incurable chez l’un des deux époux –
comme c’est le cas chez ce couple d’octogénaires – peut être un élément
déclencheur. Une annonce sans trop de précaution provoque un vécu
violent chez le conjoint. Ce vécu de sidération ou d’effondrement,
parfois les deux, nécessite un accompagnement et une prise en charge du
couple âgé.
Car le conjoint peut avoir des réactions de désinvestissements
massifs, une somatisation grave mais aussi passer à l’acte dans un
homicide-suicide ou euthanasier dans la clandestinité, de façon active
et parfois douloureuse son conjoint.
Il se dit qu’il ne sera peut-être pas capable d’accompagner son
épouse jusqu’au bout, qu’il va falloir lui trouver des structures pour
l’accompagner, et se demande souvent si ses possibilités financières
vont lui permettre d’assurer des conditions de fin de vie dignes. Ces angoisses sont très fréquentes.
Avant de se préoccuper de vouloir aider les personnes âgées à mourir
dignement, il serait plus souhaitable de les aider à vieillir dans la
dignité et la tendresse.
Aujourd’hui, les politiques sont davantage préoccupés par
l’euthanasie active que par la reconnaissance de la souffrance et le
désespoir qui mène au suicide des personnes âgées.
2. La dépression, un mal fréquent
Une accumulation de traumatismes, ou un seul important, sont des éléments qui engendrent un état dépressif grave, mal qui touche un grand nombre de personnes âgées. Malheureusement, la dépression est souvent négligée ou mal repérée.
Quand un patient apprend qu’il a une maladie incurable il s'effondre,
tant sur le plan physique que psychique. Ce phénomène est aussi bien
vécu par le malade que par son compagnon-aidant.
En France, la douleur physique fait l’objet d’une évaluation : les
soignants la numérotent sur une échelle de 0 à 10. Mais la souffrance
psychique n’est guère considérée et la prise en charge psychologique
auprès des personnes âgées en grande souffrance reste rare.
3. Le phénomène de "clivage"
En psychologie, il existe ce qu’on appelle le "clivage", c’est cette capacité à vouloir oublier et effacer tout au long de sa vie des traumatismes.
Confrontées à des malheurs ou à des difficultés, des personnes
peuvent penser qu’il est préférable d’oublier, de ne pas y penser, ou
même de les dénier. Mais avec l’âge, l’accumulation des traumatismes
clivés forme un noyau de condensation traumatique qui, au cours du
vieillissement, devient une véritable bombe à retardement.
Une fois entré dans le troisième âge, il arrive que la désagrégation
progressive du tissu social et l’angoisse de l’approche de la mort
mettent brusquement en échec ce clivage ; ceci provoque un passage à
l’acte destructeur très violent.
Ce genre de phénomène peut pousser à un suicide imprévisible. Aucun
proche ne s’imagine que la personne puisse passer à l’acte et pourtant,
c’est ce qui arrive dans un trop nombre de cas.
4. Une soudaine proximité avec la mort
À partir d’un certain âge, la proximité avec la mort et l’absence de
projet peut susciter de très nombreuses remises en question :
"À quoi bon se battre puisque la fin est proche ?"
Il n’y a plus de projet, le sentiment d’être "utile" se restreint à
l’aide du conjoint. Si on lui enlève cette possibilité, l'éprouvé se
soude à l’angoisse d’un sentiment d’impuissance. Cette collusion risque
d’entraîner la mort des deux membres du couple par l’homicide-suicide.
Il est intéressant de constater que les jeunes enfants n’ont pas peur
de parler de la mort – dans la mesure où leurs propres parents n’ont
pas de réticences à échanger avec eux sur ce sujet. Dès l’âge de cinq
ans, ils peuvent questionner leurs proches pour comprendre pourquoi une
personne est décédée.
Nous avons tendance à vouloir occulter cette fin. Ne pas oser parler
de la mort et des craintes qu’elle suscite accroît le niveau d’angoisse
et ferme dans un mutisme ; la mort ne peut plus être représentée, et
comme tout ce qui ne peut pas être représenté, elle provoque des
passages à l’acte impulsifs et violents.
C’est pourquoi, pour des personnes âgées qui vivent une confrontation
directe avec la mort (un ami, un proche), cela peut s’avérer un facteur
déclencheur pour un passage à l’acte.
5. L’isolement social
Des études montrent que les hommes ont souvent plus de difficultés à
supporter les changements et la maladie de leur compagne. Les
difficultés et souffrances provoquées par le vieillissement renforcent
ce que j’appelle dans mon livre : l’"encordage affectif".
C’est comme si en faisant de l’escalade, tout d’un coup votre proche,
celui avec qui vous êtes "encordés" depuis des années, tombait
soudainement. Une telle chute peut aussi vous faire basculer dans le
précipice.
Quand un conjoint décède, il n’est pas rare de constater la mort de l’autre dans l’année qui suit.
6. La peur de devenir un poids pour ses proches
Aujourd’hui, l’autonomie financière a pris une importance
considérable au sein de notre société. Les personnes âgées n’ont pas
envie d’être un poids financier ni pour leurs enfants ni pour leurs
petits-enfants.
Elles se sentent parfois inutiles. Cette crainte devient encore plus
forte quand elles appréhendent que leur maladie pèse sur les générations
suivantes.
7. Des facteurs facilitateurs
Il existe des d’éléments qui peuvent pousser en suicide : la présence
d’armes à feu et l’alcool figurent en haut de cette liste. Ici,
l’octogénaire a choisi de tuer sa femme et de retourner son arme contre lui.
Parmi les facteurs facilitateurs, une idéologie de la banalisation du
suicide peut s’associer à la destruction de la vie. Cela se retrouve
dans des médias, des jeux, des écrits ("La dernière leçon" de Noëlle
Châtelet) qui tendent à valoriser le suicide des personnes
vieillissantes.
Comment repérer les signes suicidaires ?
- Au moindre doute, il est important de
poser la question : "est-ce que vous avez envie de mourir ?" Bien que
simples, ces interrogations permettront d’établir un dialogue sur un
sujet tabou. Les personnes âgées en seront soulagées.
- Dans mes travaux, je me suis intéressée
à l’analyse graphologique des lettres de suicidants. Une signature peut
très facilement révéler des tendances suicidaires.
- Il faut savoir que la plupart des
personnes âgées qui pensent au suicide préparent leur mort et en parlent
avec leur entourage, un médecin, un soignant dans les trois mois avant
de passer à l’acte.
- Des personnes âgées peuvent se
renseigner sur les concessions de cimetière, commencer à distribuer
leurs biens et argent, s’inquiéter de savoir qui s’occupera de leur
animal familier, etc. Ces démarches normales peuvent être préoccupantes
si elles prennent place sur une période relativement courte et surtout
si elles sont accompagnées de propos tels que : "Vous serez bientôt
soulagés de ma présence".
- Des conduites de désinvestissements
peuvent aussi être des indices : négligence dans la toilette et la
présentation, dans la prise de médicaments, l’alimentation, l’isolement
de la famille, l’abandon d’activités ou de loisirs habituellement
appréciés. Une prise en charge médicale et psychothérapique par un tiers
extérieur à la famille devient indispensable.
Se faire aider pour être soigné
Si des signes suicidaires sont observés, il est indispensable
d’accompagner la personne chez un psychothérapeute pour que la
dépression soit prise en charge par un professionnel. Mais ce suivi sera
d’autant plus efficace s’il concerne les deux membres du couple.
Il faudra également permettre une prise en charge à domicile, sur le
plan psychologique ainsi que des aides à domicile extérieures à la
famille pour assister le couple dans les tâches ménagères et surtout
dans les soins. Cette aide est souvent refusée par le conjoint-aidant
âgé car l’époux non malade s'y sent obligé.
Le conjoint malade devient son "objet" que personne ne doit lui
retirer, ni s’approcher dans un mouvement affectif où l’encordage est
ressenti comme étant vital pour le conjoint-aidant. Il est difficile
pour l’aidant de renoncer à son rôle qui devient pour lui sa raison de
vivre et d’assurer son dernier lien.
REACTION A L'ACTU : INTERVENTION DE VINCENT LAPIERRE
Du 24/11/2014 13:40 sur Le magazine de la santé LES INVITES Invité du journal Vincent Lapierre, psychologue au centre de prévention suicide Popincourt à Paris A visionner http://www.allodocteurs.fr/le-magazine-de-la-sante.asp A partir de 5 minute 30