Mantherapy.org : un site viril et humoristique pour lutter contre le suicide
19/07/2012 lesinrocks.com
Capture d'écran du site Mantherapy.org
Aux Etat-Unis, dans le Colorado, quatre personnes qui se suicident sur cinq sont des hommes. Pour faire baisser cette triste statistique, les autorités compétentes ont choisi la carte de la dédramatisation avec le site interactif mantherapy.org.
Selon des chiffres officiels, le Colorado est, à ex aequo avec le Nouveau Mexique, le sixième Etat américain dans lequel le taux de suicide est le plus élevé. Parmi les différentes classes de la population, ce sont les hommes actifs de 25 à 64 ans qui sont les plus concernés. Ce sont aussi eux qui demandent le moins d’aide. Le sujet reste la plupart du temps tabou. Avec des conséquences souvent dramatiques.
Afin de faire évoluer la situation et de venir en aide aux hommes en détresse psychologique, les autorités compétentes de la région de Denver ont lancé une campagne de prévention audacieuse, à contre-courant du sérieux qui entourent généralement la question du suicide. En collaboration avec le Bureau de prévention du suicide du Colorado (BPSC) et la Fondation Carson J. Spencer, l’agence Cactus vient de lancer Man Therapy, une plate-forme internet interactive. Pour en faire la promotion, un spot est diffusé sur le service public de l’Etat depuis le 17 juillet.
Vous l’aurez compris, le site est exclusivement consacré aux hommes, stéréotypes et humour macho à l’appui. Interrogé par le New York Times, Jarrod T. Hindman, directeur du BPSC, explique que la publicité humoristique pour les produits atténuant les troubles érectiles a démontré qu’une dose de légèreté facilitait l’évocation des sujets épineux.
“Le dysfonctionnement sexuel est un affront à la virilité d’un homme, et je pense que la maladie mentale et la dépression sont aussi perçues comme des signes de faiblesse qui entrent en conflit avec le fait d’être masculin dans l’écologie sociale”, constate-t-il.
C’est pour enrayer cette mécanique malsaine que la campagne voit le jour. “Nous avons pensé que l’humour serait l’outil parfait pour briser la stigamisation et attirer les hommes“, déclare Joseph Conrad, le patron de Cactus.
Le concept n’a pourtant pas immédiatement fait l’unanimité. Il a fallu progressivement convaincre les plus sceptiques : personnes ayant survécu à un suicide, professionnels de la santé, médias consultés lors de la phase de création de la campagne.
“Ce n’est pas comme l’hygiène dentaire ou des champignons au pied, c’est quelque chose de très personnel et de très sensible. C’est une campagne très risquée, et cela fait en partie sa beauté, mais je veux vraiment m’assurer que je sais comment cela va toucher la population cible”, déclare Jeffrey Boal, développeur de stratégies de communication pour le service public américain.
Le site repose sur la participation active des visiteurs. Leur hôte est le Docteur Rich Mahogany, un thérapeute fictif joué par un acteur local, John Arp. Assis dans son fauteuil en cuir, le bonhomme moustachu et affable s’occupe d’abord de soumettre l’internaute au “18 points head inspection“, un questionnaire censé établir un diagnostic de santé mentale. En fonction du résultat obtenu à l’aide de sa calculatrice, le faux psy prend en charge l’internaute à travers trois vidéos. Et, pour une fois, le message se fait solennel quand les réponses fournies au test sont alarmantes.
L’internaute peut aussi se promener librement dans le cabinet du “docteur”. Déambuler dans sa bibliothèque où sont entreposés des ouvrages spécialisés sur la dépression, l’anxiété, les addictions ou la colère, des statistiques et un FAQ visant à déconstruire les idées reçues, ou aller dans la partie des “Récits de triomphe et de victoire“, vidéothèque offrant une dizaines de témoignages d’hommes ayant sorti la tête de l’eau, musique émouvante et phrases choc à l’appui.
Sur chaque page du site, un téléphone rouge donne accès à la ligne nationale pour la prévention au suicide, joignable 24h/24. Des solutions DIY sont aussi proposées pour lutter contre la déprime sous la forme d’un abécédaire au programme riche et varié : faire du sport, adopter un chien, pêcher, manger de la glace, escalader un rocher, aider quelqu’un lui aussi déprimé ou encore… se masturber. Pourquoi pas.
Et pour les internautes les plus patients, le thérapeute réserve quelques surprises lorsque la fenêtre du site reste ouverte sans être utilisée. Sans vouloir trop en dévoiler, le Docteur Mahogany comble son ennui et il est question de pêche et de tronçonneuses. Vous êtes prévenus.