Un Belge sur dix souffre d'un mal-être permanent
SOCIETE | sur www.rtbf.be lundi 11 juin 2012
Des chercheurs se sont penchés sur l'état de bien-être psychologique de
la population en Belgique francophone pour le compte de Solidaris
Mutualité socialiste. La RTBF et Le Soir publient les résultats de cette
étude, véritable instantané de l'état du moral de la population en
Wallonie et à Bruxelles.
Habituellement, on sonde les gens sur leur moral par rapport à la société en mettant l'accent sur la situation économique. Cette étude se veut plus vaste: elle interroge tous les aspects de l'existence, le monde du travail, les relations personnelles et affectives, la famille, les grands enjeux de société...
Clairement, les réponses des sondés indiquent que leur moral est en berne et que notre société est de plus en plus anxiogène. Et cela s'aggrave depuis 5 ans, selon les auteurs de l'étude.
Trois personnes sur quatre confrontées à l'anxiété
Seul un Belge francophone sur quatre ne ressent aucun mal-être et ne se sent jamais anxieux(se), angoissé(e) ou déprimé(e), nous apprend d'emblée cette étude.
Les autres sondés expriment des intensités de mal-être et de souffrances psychiques variables. Mais un sur dix exprime un profond mal-être permanent.
Cette proportion est nettement plus élevée :
• Parmi les demandeurs d’emploi – parmi eux, près de quatre sur dix expriment ce mal-être profond permanent
• Davantage parmi les femmes que parmi les hommes
• Plus le revenu est faible, plus ce mal-être est palpable (évolution linéaire).
Mais il est moins élevé parmi les 61 ans et plus.
Un Belge francophone sur deux traverse un état dépressif
Ca, c'est le ressenti. Interrogés au moyen d'un formulaire standardisé utilisé par les professionnels de la santé, les Belges francophones semblent en effet un peu moroses: 5% des Belges francophones sont dans un état dépressif sévère ou modérément sévère. S’y ajoutent 11% qui sont en état dépressif modéré et 34% en état dépressif léger.
En d'autres mots, seuls 50% vivent hors d’états dépressifs. Et chez les demandeurs d'emploi, on trouve 22% de cas de dépression, à mettre sans doute en rapport avec le peu d'offre d'emploi par rapport au nombre de chômeurs, commentent les auteurs de l'étude.
A titre de comparaison, en Allemagne, on compte 3,6% de dépressifs modérés, et 4,6% aux Etats-Unis.
12% ont déjà pensé au suicide, 8% l'ont tenté
Par ailleurs plus d'un Belge francophone sur dix a déjà pensé à se suicider et les deux tiers d’entre eux ont tenté de passer à l’acte. 8% de personnes ayant tenté de mettre fin à leurs jours: c'est alarmant quand on sait qu'il y a dix ans, on en comptait 3%, disent les auteurs.
Parmi eux on retrouve des catégories à risques déjà évoquées: les demandeurs d’emploi, davantage les femmes que les hommes et également davantage parmi les familles monoparentales. Et les jeunes sont très touchés: 18% de tentatives chez les 18-25 ans.
Avec 700 suicides aboutis en Wallonie chaque année, on est loin au dessus des chiffres de la Flandre ou des Pays-Bas, relèvent les auteurs de l'étude.
L'économie et nos proches nous préoccupent
Deux choses ne rassurent vraiment pas les Belges francophones: moins d’un sur dix a confiance dans le système économique et financier ainsi que dans la capacité d’action des dirigeants politiques. Et une majorité exprime même une méfiance totale.
Le système économique et financier offre le moins de fiabilité à leurs yeux (seulement 4% lui font confiance), suivi du monde politique (peu populaire: 7% croient qu'il va agir dans le bon sens, le reste se partage entre mitigés et défiants).
Parmi les jeunes – moins de 36 ans –, cette méfiance est encore plus répandue.
L'avenir ne semble pas rose: une large majorité pense que la crise économique va encore durer et encore plus parmi les étudiants.
L'autre sujet de préoccupation, ce sont les proches: les enfants et les parents.
Une large majorité de ceux qui ont des enfants – six sur dix d’entre eux, surtout chez les demandeurs d’emploi et les familles monoparentales–, sont vraiment très inquiets de l’avenir de leurs enfants, notamment pour ce qui est de la qualité de l'enseignement, pour les résultats scolaires et à cause de la difficulté de dialoguer. On note que le risque qu'un enfant ait un accident grave en voiture inquiète une majorité de sondés (63%).
Le suicide chez les enfants est une autres des préoccupations majeures: trois parents sur dix craignent le suicide d’un de leurs enfants, surtout les parents d’adolescents et davantage les mères que les pères.
Les enfants se préoccupent aussi de leurs parents. Plus de six sur dix sont très inquiets face au risque de dégradation de la santé de leurs propres parents et la grande majorité de ceux-ci ajoutent une autre angoisse : l’incapacité dans laquelle ils seront d’avoir les moyens pour s’occuper d’eux quand ils en auront besoin.
Plus le revenu est faible, plus ce sentiment d'être démuni pour s'occuper de ses parents quand ils en auront besoin est élevé.
De plus en plus de soucis au boulot
Troisième grande source d'anxiété: le risque de déclassement social, en clair la perte de son emploi et le risque de sombrer dans la précarité.
De quatre à cinq personnes sur dix vivent fortement cette inquiétude. Plus le revenu est bas, plus cette angoisse est palpable. Parmi les femmes cette angoisse forte en touche une sur deux. Constat intéressant : la peur de sombrer dans la précarité touche toutes les classes d’âge, alors que la crainte de la perte de son emploi se réduit lorsque l’on vieillit.
Pour les auteurs de l'étude, on peut parler d'"insécurité sociale".
Autres raisons d'angoisser: le risque de se retrouver seul(e) dans la vie qui travaillent une personne sur deux et la violence, petite délinquance, vandalisme et incivilités, redoutés par six personnes sur dix. Les soucis de santé et les grands thèmes de société inquiètent aussi fortement de quatre à cinq personnes sur dix: la faim dans le monde, le réchauffement climatique et le risque de conflits internationaux.
On exprime son malaise...
L'enquête indique aussi que 42% des sondés expriment explicitement un besoin d’accompagnement. Extrapolé, cela fait près de 1,1 million de personnes.
En effet, parmi les 75% de la population qui expriment des souffrances psychiques à des intensités variables, une majorité – six sur dix d’entre eux – dit ressentir le besoin d’une aide. Et, moins on se sent bien, plus on exprime ce besoin d’accompagnement et d’aide.
...mais on consulte peu
Une fois le malaise exprimé, il faut évidemment agir, consulter un professionnel, et c'est là qu'on voit que seuls 15% de ceux qui disent se sentir mal vont voir un médecin. Les autres en parlent plutôt à la famille et aux amis (60%).
Et ceux qui en parlent à un professionnel se confient avant tout à leur médecin traitant, puis à un psychothérapeute non diplômé en psychologie et enfin, en dernier lieu à un praticien diplômé (psychologue, psychiatre, psychanalyste ou autre dans un centre de santé mentale: 5%).
Les généralistes face au stress du travail
La médecine générale est donc en première ligne pour traiter ces problèmes. Elle constate que la société est de plus en plus anxiogène à cause de la conjoncture économique.
Ces généralistes ont aussi souvent du constater que depuis 5 ans, il y a une augmentation du nombre de patients qui consultent pour des problèmes d’anxiété, de dépression, de troubles psychosomatiques. La cause est bien souvent à chercher dans la sphère du travail, plus que dans l'affectif, le relationnel ou les assuétudes.
Résultat, leurs patients attendent d'eux des prescriptions de médicaments: anxiolytiques, antidépresseurs ou somnifères, bien plus qu'une orientation vers un professionnel de la santé mentale.
Mais pour la moitié de ces généralistes, c'est le désarroi: ils se sentent insuffisamment formés, n'ont pas assez de temps et disent qu’ils ont parfois le sentiment que "se déverse sur eux l’ensemble des problèmes de la société".
Les psys mal aimés
Pour ce qui est de l'offre psy, patients et médecins la juge souvent trop chère, mal remboursée, peu lisible (parfois avec la crainte de tomber sur des charlatans ou des prescripteurs de psychotropes à répétition, avec en plus un manque quasi total de feed back) et que les délais d'attente sont trop longs.
Le monde des psychiatres et les psychologues diplômés s'accorde d'ailleurs avec les généralistes et l’ensemble de la population pour reconnaître l’illisibilité de l’offre. En d'autres mots, les professionnels de la santé mentale reconnaissent la trop forte présence de charlatans et de "gens pas sérieux" et donc logiquement, une large majorité souhaite une règlementation de la pratique.
Pour plus de reconnaissance pour la psy
Ils pointent aussi l'insuffisance de l'offre, notamment en milieu scolaire (centres PMS) et professionnel et déplorent que l’INAMI ne rembourse pas davantage les psychothérapies pratiquées par de vrais professionnels plutôt que des psychotropes.
Prescrire des médicaments, des antidépresseurs: une majorité de sondés pense aussi que c'est vers cela que pousse le marketing des sociétés pharmaceutiques qui vise à qualifier de dépression tout problème de stress ou d'anxiété.
En fait, on trouve ici un argumentaire complet qui peut servir à un plaidoyer en faveur d'une meilleure reconnaissance - dans tous les sens du terme - des professions psy: ces métiers sont méconnus et insuffisamment remboursés par l'INAMI, donc chers. Au total peu abordables, au moment où le besoin s'en fait de plus en plus sentir.
Enfin, généralistes et professionnels psy s'accordent à dire que la demande d’aide psychologique croit très nettement suite aux situations survenues dans la sphère du travail.
En outre les professionnels psy sont plus nombreux que les généralistes à dire qu’on les consultent de plus en plus en plus pour des problèmes relevant de la sphère privée : les relations affectives au sein du couple, les difficultés diverses avec les enfants et les deuils.
Peu de Belges vont bien
C'est la conclusion: seul un Belge francophone sur quatre ne ressent jamais de mal-être. Un sur dix exprime un mal-être permanent. Entre ces deux états, les intensités de souffrance psychique sont variables. Les 5% de la population qui souffrent d’un épisode dépressif majeur et même les 45% qui souffrent d’un état dépressif léger ou modéré constituent une population "à risque", qui pourrait plus ou moins rapidement basculer en dépression plus sévère.
Les populations à risque sont:
La gravité de la situation doit aussi être mesurée à l'aune du taux de tentative de suicide (en forte augmentation à 8%).
"On observe une tendance à l’aggravation de la situation, conclut le docteur Willam Pitchot, expert psychiatre à l'Université de Liège. La santé mentale de la population est mauvaise. La grave et longue crise financière que nous traversons joue manifestement un rôle important dans la détérioration du sentiment de bien-être psychologique. En Belgique, le risque réel de perdre son identité nationale a vraisemblablement favorisé un sentiment d’insécurité et généré une forme de désespoir. Les conséquences sur le plan psychologique voire psychiatrique seront sans doute dramatiques. Nous devons nous préparer à assumer une augmentation des demandes de prise en charge des troubles psychiques".
La Mutualité socialiste - Solidaris qui a mené l'enquête souhaite dès lors améliorer l'accessibilité financière et la qualité de l'offre de soutien psychologique. Elle met déjà des informations utile au public sur son site, édite des brochure et programme des conférences. Elle prône aussi une meilleure prise en charge financière du soutien psychologique et veut renforcer cette offre au sein du réseau mutualiste.
Cette enquête menée en pleine crise économique et financière, et au terme d’une longue crise institutionnelle, devrait-elle être nuancée? "C’est précisément parce que le moment est particulier mais probablement pas passager qu’il fallait faire cette étude maintenant, sans plus attendre", répondent avec fermeté ses auteurs.
RTBF
Méthodologie
Population belge francophone : échantillon de 1000 personnes représentatives des belges francophones de 18 à 75 ans selon les quotas classiques : sexe, niveau d’études, occupation professionnelle, type d’habitat, localisation géographique et âge. En outre, pour les demandeurs d’emploi, un quota supplémentaire a été utilisé : la durée d’inoccupation.
Enquêtes réalisées par téléphone par Dedicated Research entre le 21 avril et le 5 mai 2012.
Marge d’erreur : ± 2,6%.
Médecins généralistes (interviews de 80 médecins généralistes) et les professionnels de la santé mentale (interviews de 60 psychologues diplômés et psychiatres). Modalité des interviews : appel téléphonique puis envoi du questionnaire par internet et auto-administration de celui-ci entre le 21 avril et le 5 mai 2012 (Dedicated Research).
Les bases "échantillon total" = total des répondants.
Habituellement, on sonde les gens sur leur moral par rapport à la société en mettant l'accent sur la situation économique. Cette étude se veut plus vaste: elle interroge tous les aspects de l'existence, le monde du travail, les relations personnelles et affectives, la famille, les grands enjeux de société...
Clairement, les réponses des sondés indiquent que leur moral est en berne et que notre société est de plus en plus anxiogène. Et cela s'aggrave depuis 5 ans, selon les auteurs de l'étude.
Trois personnes sur quatre confrontées à l'anxiété
Seul un Belge francophone sur quatre ne ressent aucun mal-être et ne se sent jamais anxieux(se), angoissé(e) ou déprimé(e), nous apprend d'emblée cette étude.
Les autres sondés expriment des intensités de mal-être et de souffrances psychiques variables. Mais un sur dix exprime un profond mal-être permanent.
Cette proportion est nettement plus élevée :
• Parmi les demandeurs d’emploi – parmi eux, près de quatre sur dix expriment ce mal-être profond permanent
• Davantage parmi les femmes que parmi les hommes
• Plus le revenu est faible, plus ce mal-être est palpable (évolution linéaire).
Mais il est moins élevé parmi les 61 ans et plus.
Un Belge francophone sur deux traverse un état dépressif
Ca, c'est le ressenti. Interrogés au moyen d'un formulaire standardisé utilisé par les professionnels de la santé, les Belges francophones semblent en effet un peu moroses: 5% des Belges francophones sont dans un état dépressif sévère ou modérément sévère. S’y ajoutent 11% qui sont en état dépressif modéré et 34% en état dépressif léger.
En d'autres mots, seuls 50% vivent hors d’états dépressifs. Et chez les demandeurs d'emploi, on trouve 22% de cas de dépression, à mettre sans doute en rapport avec le peu d'offre d'emploi par rapport au nombre de chômeurs, commentent les auteurs de l'étude.
A titre de comparaison, en Allemagne, on compte 3,6% de dépressifs modérés, et 4,6% aux Etats-Unis.
12% ont déjà pensé au suicide, 8% l'ont tenté
Par ailleurs plus d'un Belge francophone sur dix a déjà pensé à se suicider et les deux tiers d’entre eux ont tenté de passer à l’acte. 8% de personnes ayant tenté de mettre fin à leurs jours: c'est alarmant quand on sait qu'il y a dix ans, on en comptait 3%, disent les auteurs.
Parmi eux on retrouve des catégories à risques déjà évoquées: les demandeurs d’emploi, davantage les femmes que les hommes et également davantage parmi les familles monoparentales. Et les jeunes sont très touchés: 18% de tentatives chez les 18-25 ans.
Avec 700 suicides aboutis en Wallonie chaque année, on est loin au dessus des chiffres de la Flandre ou des Pays-Bas, relèvent les auteurs de l'étude.
L'économie et nos proches nous préoccupent
Deux choses ne rassurent vraiment pas les Belges francophones: moins d’un sur dix a confiance dans le système économique et financier ainsi que dans la capacité d’action des dirigeants politiques. Et une majorité exprime même une méfiance totale.
Le système économique et financier offre le moins de fiabilité à leurs yeux (seulement 4% lui font confiance), suivi du monde politique (peu populaire: 7% croient qu'il va agir dans le bon sens, le reste se partage entre mitigés et défiants).
Parmi les jeunes – moins de 36 ans –, cette méfiance est encore plus répandue.
L'avenir ne semble pas rose: une large majorité pense que la crise économique va encore durer et encore plus parmi les étudiants.
L'autre sujet de préoccupation, ce sont les proches: les enfants et les parents.
Une large majorité de ceux qui ont des enfants – six sur dix d’entre eux, surtout chez les demandeurs d’emploi et les familles monoparentales–, sont vraiment très inquiets de l’avenir de leurs enfants, notamment pour ce qui est de la qualité de l'enseignement, pour les résultats scolaires et à cause de la difficulté de dialoguer. On note que le risque qu'un enfant ait un accident grave en voiture inquiète une majorité de sondés (63%).
Le suicide chez les enfants est une autres des préoccupations majeures: trois parents sur dix craignent le suicide d’un de leurs enfants, surtout les parents d’adolescents et davantage les mères que les pères.
Les enfants se préoccupent aussi de leurs parents. Plus de six sur dix sont très inquiets face au risque de dégradation de la santé de leurs propres parents et la grande majorité de ceux-ci ajoutent une autre angoisse : l’incapacité dans laquelle ils seront d’avoir les moyens pour s’occuper d’eux quand ils en auront besoin.
Plus le revenu est faible, plus ce sentiment d'être démuni pour s'occuper de ses parents quand ils en auront besoin est élevé.
De plus en plus de soucis au boulot
Troisième grande source d'anxiété: le risque de déclassement social, en clair la perte de son emploi et le risque de sombrer dans la précarité.
De quatre à cinq personnes sur dix vivent fortement cette inquiétude. Plus le revenu est bas, plus cette angoisse est palpable. Parmi les femmes cette angoisse forte en touche une sur deux. Constat intéressant : la peur de sombrer dans la précarité touche toutes les classes d’âge, alors que la crainte de la perte de son emploi se réduit lorsque l’on vieillit.
Pour les auteurs de l'étude, on peut parler d'"insécurité sociale".
Autres raisons d'angoisser: le risque de se retrouver seul(e) dans la vie qui travaillent une personne sur deux et la violence, petite délinquance, vandalisme et incivilités, redoutés par six personnes sur dix. Les soucis de santé et les grands thèmes de société inquiètent aussi fortement de quatre à cinq personnes sur dix: la faim dans le monde, le réchauffement climatique et le risque de conflits internationaux.
On exprime son malaise...
L'enquête indique aussi que 42% des sondés expriment explicitement un besoin d’accompagnement. Extrapolé, cela fait près de 1,1 million de personnes.
En effet, parmi les 75% de la population qui expriment des souffrances psychiques à des intensités variables, une majorité – six sur dix d’entre eux – dit ressentir le besoin d’une aide. Et, moins on se sent bien, plus on exprime ce besoin d’accompagnement et d’aide.
...mais on consulte peu
Une fois le malaise exprimé, il faut évidemment agir, consulter un professionnel, et c'est là qu'on voit que seuls 15% de ceux qui disent se sentir mal vont voir un médecin. Les autres en parlent plutôt à la famille et aux amis (60%).
Et ceux qui en parlent à un professionnel se confient avant tout à leur médecin traitant, puis à un psychothérapeute non diplômé en psychologie et enfin, en dernier lieu à un praticien diplômé (psychologue, psychiatre, psychanalyste ou autre dans un centre de santé mentale: 5%).
Les généralistes face au stress du travail
La médecine générale est donc en première ligne pour traiter ces problèmes. Elle constate que la société est de plus en plus anxiogène à cause de la conjoncture économique.
Ces généralistes ont aussi souvent du constater que depuis 5 ans, il y a une augmentation du nombre de patients qui consultent pour des problèmes d’anxiété, de dépression, de troubles psychosomatiques. La cause est bien souvent à chercher dans la sphère du travail, plus que dans l'affectif, le relationnel ou les assuétudes.
Résultat, leurs patients attendent d'eux des prescriptions de médicaments: anxiolytiques, antidépresseurs ou somnifères, bien plus qu'une orientation vers un professionnel de la santé mentale.
Mais pour la moitié de ces généralistes, c'est le désarroi: ils se sentent insuffisamment formés, n'ont pas assez de temps et disent qu’ils ont parfois le sentiment que "se déverse sur eux l’ensemble des problèmes de la société".
Les psys mal aimés
Pour ce qui est de l'offre psy, patients et médecins la juge souvent trop chère, mal remboursée, peu lisible (parfois avec la crainte de tomber sur des charlatans ou des prescripteurs de psychotropes à répétition, avec en plus un manque quasi total de feed back) et que les délais d'attente sont trop longs.
Le monde des psychiatres et les psychologues diplômés s'accorde d'ailleurs avec les généralistes et l’ensemble de la population pour reconnaître l’illisibilité de l’offre. En d'autres mots, les professionnels de la santé mentale reconnaissent la trop forte présence de charlatans et de "gens pas sérieux" et donc logiquement, une large majorité souhaite une règlementation de la pratique.
Pour plus de reconnaissance pour la psy
Ils pointent aussi l'insuffisance de l'offre, notamment en milieu scolaire (centres PMS) et professionnel et déplorent que l’INAMI ne rembourse pas davantage les psychothérapies pratiquées par de vrais professionnels plutôt que des psychotropes.
Prescrire des médicaments, des antidépresseurs: une majorité de sondés pense aussi que c'est vers cela que pousse le marketing des sociétés pharmaceutiques qui vise à qualifier de dépression tout problème de stress ou d'anxiété.
En fait, on trouve ici un argumentaire complet qui peut servir à un plaidoyer en faveur d'une meilleure reconnaissance - dans tous les sens du terme - des professions psy: ces métiers sont méconnus et insuffisamment remboursés par l'INAMI, donc chers. Au total peu abordables, au moment où le besoin s'en fait de plus en plus sentir.
Enfin, généralistes et professionnels psy s'accordent à dire que la demande d’aide psychologique croit très nettement suite aux situations survenues dans la sphère du travail.
En outre les professionnels psy sont plus nombreux que les généralistes à dire qu’on les consultent de plus en plus en plus pour des problèmes relevant de la sphère privée : les relations affectives au sein du couple, les difficultés diverses avec les enfants et les deuils.
Peu de Belges vont bien
C'est la conclusion: seul un Belge francophone sur quatre ne ressent jamais de mal-être. Un sur dix exprime un mal-être permanent. Entre ces deux états, les intensités de souffrance psychique sont variables. Les 5% de la population qui souffrent d’un épisode dépressif majeur et même les 45% qui souffrent d’un état dépressif léger ou modéré constituent une population "à risque", qui pourrait plus ou moins rapidement basculer en dépression plus sévère.
Les populations à risque sont:
- Des femmes ;
- Des demandeurs d'emploi ;
- Des personnes disposant d’un revenu plus faible ;
- Des jeunes : la tranche des 18-25 est clairement en proie à des difficultés psychologiques.
La gravité de la situation doit aussi être mesurée à l'aune du taux de tentative de suicide (en forte augmentation à 8%).
"On observe une tendance à l’aggravation de la situation, conclut le docteur Willam Pitchot, expert psychiatre à l'Université de Liège. La santé mentale de la population est mauvaise. La grave et longue crise financière que nous traversons joue manifestement un rôle important dans la détérioration du sentiment de bien-être psychologique. En Belgique, le risque réel de perdre son identité nationale a vraisemblablement favorisé un sentiment d’insécurité et généré une forme de désespoir. Les conséquences sur le plan psychologique voire psychiatrique seront sans doute dramatiques. Nous devons nous préparer à assumer une augmentation des demandes de prise en charge des troubles psychiques".
La Mutualité socialiste - Solidaris qui a mené l'enquête souhaite dès lors améliorer l'accessibilité financière et la qualité de l'offre de soutien psychologique. Elle met déjà des informations utile au public sur son site, édite des brochure et programme des conférences. Elle prône aussi une meilleure prise en charge financière du soutien psychologique et veut renforcer cette offre au sein du réseau mutualiste.
Cette enquête menée en pleine crise économique et financière, et au terme d’une longue crise institutionnelle, devrait-elle être nuancée? "C’est précisément parce que le moment est particulier mais probablement pas passager qu’il fallait faire cette étude maintenant, sans plus attendre", répondent avec fermeté ses auteurs.
RTBF
Méthodologie
Population belge francophone : échantillon de 1000 personnes représentatives des belges francophones de 18 à 75 ans selon les quotas classiques : sexe, niveau d’études, occupation professionnelle, type d’habitat, localisation géographique et âge. En outre, pour les demandeurs d’emploi, un quota supplémentaire a été utilisé : la durée d’inoccupation.
Enquêtes réalisées par téléphone par Dedicated Research entre le 21 avril et le 5 mai 2012.
Marge d’erreur : ± 2,6%.
Médecins généralistes (interviews de 80 médecins généralistes) et les professionnels de la santé mentale (interviews de 60 psychologues diplômés et psychiatres). Modalité des interviews : appel téléphonique puis envoi du questionnaire par internet et auto-administration de celui-ci entre le 21 avril et le 5 mai 2012 (Dedicated Research).
Les bases "échantillon total" = total des répondants.