vendredi 9 février 2024

rapport d’enquête de l’Observatoire international des prisons : quinze fois plus de risque de suicide en quartier disciplinaire

Prison : quinze fois plus de risque de suicide en quartier disciplinaire

Le rapport d’enquête de l’Observatoire international des prisons, le dénonce sans détours : la machine disciplinaire ne fonctionne en prison « qu’au prix d’atteintes graves et nombreuses aux droits fondamentaux des personnes détenues« . Il préconise « de supprimer le quartier disciplinaire » qui affecte gravement la santé mentale des détenus avec des tentatives de suicide extrêmement fréquentes.

Ce rapport d’enquête de l’Observatoire international des prisons (OIP) intitulé « Au coeur de la prison : la machine disciplinaire » le souligne avec force : « la discipline ne fonctionne qu’au prix d’atteintes graves et nombreuses à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes détenues ». Au cœur de la réponse disciplinaire, le placement au quartier disciplinaire « est aussi inhumain que contre-productif – pour ne pas dire destructeur » : mobilier vissé au sol, fenêtres laissant à peine passer la lumière, isolement total, sortie quotidienne d’une heure dans une « cour de promenade » laissant à peine voir le ciel et dénuée de tout équipement, sans compter les nombreux cas de violences et de brimades par des surveillants pénitentiaires.

Il est courant que le séjour au quartier disciplinaire (QD) entraîne des conséquences sur l’état de santé de la personne détenue. Des problèmes somatiques peuvent ainsi apparaître en raison du froid, de l’humidité ou encore de l’insalubrité de la cellule : « On observe des maux de tête, des infections ORL, des maux de ventre. Il s’agit d’un cortège de symptômes classiques, pas trop graves, mais qui témoignent de conditions de détention plus sévères ». Surtout, les effets du QD peuvent être dramatiques pour la santé mentale. De fait, les conditions de vie qui caractérisent le quartier disciplinaire (QD), et en particulier l’isolement, sont hautement suicidogènes. Le risque de mettre fin à ses jours en cellule disciplinaire est quinze fois plus élevé que dans une cellule ordinaire. Les suicides, risques ou menaces suicidaires constituent des alertes régulières reçues par l’OIP en 2022 de la part des personnes détenues, de leurs proches ou d’intervenants en milieu carcéral s’agissant de la détention au QD. Pour autant, les textes n’interdisent pas la mise au QD des personnes susceptibles d’avoir un comportement suicidaire. La circulaire du 8 avril 2019, relative au régime disciplinaire des personnes détenues majeures, recommande seulement de prendre en compte ce risque au moment du placement au QD.

« En 2022, près de la moitié des personnes incarcérées ont fait l’objet de comptes rendus d’incident (CRI) qui ont conduit au prononcé de 69 174 sanctions disciplinaires, dont plus de 100 000 jours de quartier disciplinaire (QD). La durée d’enfermement peut y atteindre 30 jours, « 

Selon le rapport d’enquête, en 2024, la palette des réponses qu’apporte l’administration pénitentiaire à un comportement qu’elle estime problématique « revêt de nombreuses zones d’ombre, aux conséquences dommageables manifestes, où le contradictoire et le droit au recours peinent à être effectifs« . Ce rapport s’efforce de les mettre en lumière et souligne l’urgence à agir pour fonder le quotidien des personnes détenues sur des impératifs non négociables de préservation de la dignité et de respect des droits fondamentaux.

• Rapport d’enquête de l’Observatoire international des prisons (OIP) – section française – : « Au coeur de la prison : la machine disciplinaire », janvier 2024. (PDF)

 

https://www.santementale.fr/2024/02/suicide-risque-quinze-fois-plus-eleve-quartier-disciplinaire-quen-detention-ordinaire/