jeudi 2 novembre 2023

AUTOUR DE LA QUESTION Le dispositif Idéo est une des actions novatrices mises en place dans l’Aube pour prévenir les troubles psychiques des lycéens

 Psychiatrie dans l’Aube

Des actions de prévention, mais un manque de moyens
REGION, lundi 30 octobre 2023

Le dispositif Idéo est une des actions novatrices mises en place dans l’Aube pour prévenir les troubles psychiques des lycéens. Mais pour soigner, il faut des spécialistes.

Selon la Haute Autorité de santé, en 2020, les deux tiers des enfants et des adolescents ont vécu au moins un événement traumatogène dans leur vie. Et un tiers d’entre eux les vivront de manière répétée, dont 20 % développeront un syndrome psychotraumatique. En 2018, le coût sanitaire des maladies psychiatriques représentait 23,4 milliards d’euros en France (107,8 millions d’euros pour l’Aube). Et 13,9 % des lycéens déclaraient avoir fait au moins une tentative de suicide.

« Le mal-être des jeunes n’est pas une fatalité »

« La santé mentale concerne tout le monde. Il faut en prendre soin comme pour la santé physique. Depuis plusieurs années, le nombre de demandes et le nombre de consultations est en hausse , constate le docteur Pierre Chrétien, psychiatre à l’Établissement public de santé mentale de l’Aube (EPSM Hôpitaux Champagne Sud).

Pour lui, « il faut mettre le paquet chez les jeunes. Surtout auprès des populations les plus fragiles. Plus il y a de prévention, moins il y a de retard de diagnostic ». Une meilleure prise en charge sanitaire permettra des économies importantes demain, « comme pour le dépistage des cancers. Une personne avec des troubles psychiques a dix ans d’espérance de vie en moins, souligne le psychiatre. À cela s’ajoute la précarité occasionnée par ces pathologies et la perte de liens sociaux ».

Pierre Chrétien observe qu’il y a un problème psychiatrique en France et « notre département n’échappe pas à la règle, mais il y a une dynamique et une volonté politique dans l’Aube ». Il évoque la création de l’Unité d’hospitalisation pour mineurs (UHM) ouverte depuis 2018 au centre hospitalier de Troyes. Depuis septembre 2021, le psychiatre a lancé le dispositif Idéo (lire notre édition du 17 octobre dernier). Une structure innovante de prévention en santé mentale des jeunes qui regroupe sept professionnels (psychologues, psychiatre, assistante sociale, infirmiers).

« Le mal-être des jeunes n’est pas une fatalité, insiste le psychiatre. Nous proposons des actions de prévention dans les classes des lycées afin de leur fournir des connaissances, des outils et une cartographie des différentes associations et institutions en santé mentale qui les entourent. »

Prévention auprès des 3 600 lycéens

Aubois âgés de 15 à 16 ans

Depuis cette année, l’équipe redouble d’effort pour aller dans l’ensemble des classes de seconde du département. Soit près de 3 600 jeunes âgés de 15 à 16 ans. « Nous les rencontrons deux fois, après leur avoir proposé un questionnaire (anonyme) », explique le responsable. Et les sujets qui reviennent le plus souvent concernent les différentes pathologies, les problèmes liés à la sexualité, la psychiatrie, les traitements…

L’occasion aussi pour ces professionnels de tordre le cou aux préjugés sur la « folie », les « psy », les traitements... « Nous leur donnons des bases, savoir à qui en parler, sur qui compter. Et pour les enseignants, comment accueillir un jeune en difficulté, le poids de la confidence, ne pas rompre la confiance... » , détaille le responsable. Idéo propose aussi des outils pratiques d’autoévaluation pour hiérarchiser et différencier une « boule au ventre avant un examen » , d’un stress, ou d’un mal-être suite à une rupture amoureuse.

« Les premiers symptômes psychiatriques surviennent

vers l’âge de 15 ans. »

« Les premiers symptômes psychiatriques surviennent vers l’âge de 15 ans, précise le médecin. Nous avons fait le choix de nous adresser à tous les jeunes, y compris ceux qui ne souffrent pas de pathologie, ainsi qu’à leurs professeurs, dans le cadre du plan académique de formation. » Ce projet territorial est soutenu par les Hôpitaux Champagne Sud, l’ARS (Agence régionale de santé), l’Éducation nationale, le Département, la Maison de l’adolescence de l’Aube, le Centre médico-psycho-pédagogique, l’Association jeunesse pour demain, l’État, des mairies… « Il y a une prise de conscience globale » , constate Pierre Chrétien. Cela faisait partie des recommandations de la Cour des comptes (lire par ailleurs).

Mais pour faire face à cette hausse des besoins en pédopsychiatrie, il faut des moyens financiers, des spécialistes dans les départements, et des lits d’hospitalisation. Depuis un an, la prévention est une priorité nationale, reste que le dispositif Idéo doit s’arrêter en 2025 ! V.G.

Plus d’informations pour les jeunes et les parents sur : https://ideopsy.fr

www.filsantejeunes.com et www.psycom.org