Publié le 14/08/2023 sur https://www.jim.fr/
New York, le lundi 14 août 2023 – Près de 50 000 Américains se sont donné la mort en 2022, un nombre record signe d’une crise de la santé mentale aux Etats-Unis.
Obésité galopante, forte consommation d’opioïdes provoquant de nombreux décès par overdose, baisse de l’espérance de vie : les Etats-Unis sont devenus l’homme malade du monde occidental. Et cette situation de crise sanitaire se confirme sur le front de la santé mentale : les morts par suicide ont en effet fortement augmenté en 2022.
Selon les dernières données provisoires publiées par le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ce jeudi, ce sont près de 50 000 Américains qui se sont donnés la mort en 2022, un record dans l’histoire américaine. Le nombre de décès par suicide est en hausse de 2,6 % par rapport à 2021, alors que la population n’a augmenté que de 0,4 %. Ce nouveau record n’est que l’aboutissement d’une tendance de fond : ces deux dernières décennies, le taux de morts par suicide a augmenté de 35 %. La hausse a été presque continue pendant cette période, excepté en 2020, où l’épidémie de Covid-19 et les restrictions de liberté qu’elle a engendrée a paradoxalement provoqué une baisse des suicides.
Les blancs et les personnes âgées les plus touchés
Dans un pays où le droit d’acheter et de posséder une arme est protégée par la Constitution, les suicides sont malheureusement favorisés par la prolifération des armes à feu. Plus de la moitié des suicides aux Etats-Unis le sont par arme à feu et alors que les suicides par arme à feu ont augmenté de 10 % depuis 2019, ceux par d’autres moyens ont baissé de 8 %. Ces dernières années ont d’ailleurs été marquées par une hausse des ventes d’armes à feu : 5 millions de personnes supplémentaires sont devenues détenteutrices d’une arme à feu en 2021.
Avec un taux de suicide d’environ 15 morts pour 100 000 habitants, les Etats-Unis ont l’un des taux de suicide les plus élevés d’Occident. Les personnes âgées de plus de 75 ans (42 suicides pour 100 000 habitants) et les individus qualifiés de « blancs non hispaniques » (50 suicides pour 100 000 habitants) sont plus touchés par cette hausse des suicides. Seule bonne nouvelle sur ce front, le taux de suicide des jeunes âgés de 10 à 24 ans est en baisse de 8 %.
Un numéro national pour venir en aide aux personnes suicidaires
Mais cela ne signifie pas pour autant que la santé mentale des jeunes Américains s’améliore. De l’avis de la plupart des psychiatres, cette hausse des suicides s’inscrit dans une crise plus globale de santé mentale aux Etats-Unis, qui touche toutes les générations. Un cinquième des Américains se considèrent en mauvaise santé mentale, notamment les jeunes adultes, les personnes LGBT et les individus défavorisés. De même, un tiers des Américains disent souffrir d’anxiété chronique, les homosexuels et les jeunes adultes étant là encore les plus touchés.
Difficile de déterminer les causes de cette crise sanitaire qui touche les Etats-Unis : la Covid-19, les tensions politiques et raciales, l’inflation et le réchauffement climatique sont autant de raisons qui peuvent expliquer l’augmentation de la dépression et de l’anxiété chez les Américains.
Dans un des rares pays occidentaux qui ne disposent pas d’un système de santé universel, les Américains souffrant de problèmes psychiatriques peuvent rencontrer des difficultés à trouver de l’aide. En juillet 2022, le gouvernement a donc lancé le premier numéro national à destination des personnes présentant des idées suicidaires, la « Suicide and Crisis Lifeline ». En un an, ce nouveau numéro a reçu plus de 5 millions d’appels et de messages, dont environ 20 % émanaient de vétérans, dont le taux de suicide est 57 % supérieur à celui des adultes américains. Si ce nouveau dispositif d’aide aux personnes suicidaires semble donc être un succès aux Etats-Unis, il est encore trop peu connu : seulement 13 % des Américains ont connaissance de l’existence de ce numéro.
Quentin Haroche