Publié le 24/06/2016 sur jim.fr*
Excepté le cas particulier du fanatisme sectaire ou idéologique pouvant s’appuyer sur des conceptions prétendument religieuses pour inciter au suicide des adeptes influençables, les croyances religieuses ont généralement un effet protecteur en matière de comportements suicidaires. Sans doute grâce à une résignation fataliste, consubstantielle au sentiment religieux, puisque le croyant s’en remet toujours à Dieu, même pour l’acceptation des souffrances et des avanies de l’existence. L’apaisement psychique lié à la religion tiendrait aussi à l’idée d’une harmonie préétablie, selon la volonté divine (valorisée implicitement par l’adage leibnizien « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ») où les aléas malheureux de la destinée ne seraient qu’épiphénomènes transitoires, avant l’accomplissement d’un avenir radieux, dans le monde terrestre ou céleste... Même à valeur d’utopie, cette croyance d’un « lendemain qui chante » ou d’un « monde meilleur » apporte un antidote probable contre les déconvenues et les humiliations d’un destin adverse. Affirmant, dans son célèbre « pari », comment le croyant a tout à gagner si Dieu existe, mais rien à perdre dans l’hypothèse inverse, Pascal résume cette conception « probabiliste » de l’apport des croyances, laquelle rappelle aussi l’attitude à l’égard des jeux de hasard : pour un inconvénient modeste (perte de la mise), le loto procure ainsi du rêve au joueur et lui permet de fuir un moment la morosité du quotidien, même si le gros gain reste en général inaccessible...
Un taux de suicide 6 fois plus élevé chez les non religieux
Réalisée en Israël sur une cohorte de 19 000 sujets nés entre 1949 et 1958 pour évaluer la fréquence des idées et réalisations suicidaires en fonction des profils religieux (« laïque », « observant partiellement », « pratiquant »), une étude longitudinale a été menée dans les années 1980, puis 25 ans plus tard. Comportant ainsi des informations sur les options religieuses des intéressés[1], elle confirme que le sentiment religieux exerce un « effet protecteur contre les tentatives de suicide, indépendamment du fonctionnement social, du contexte psychopathologique et de l’usage de substances » (cannabis, cocaïne, amphétamines). Plus précisément, si les taux d’idées suicidaires restent « similaires » (9,4 % chez les laïques, 6,7 % chez les sujets observant partiellement, et 6,2 % chez les pratiquants), les taux de suicides accomplis se révèlent par contre « significativement plus faibles » parmi les sujets religieux (0,4 %), alors qu’ils sont environ six fois plus élevés (environ 2,5 %), chez les sujets laïques, comme chez ceux observant partiellement. Mais comme cette étude « ne porte que sur des Juifs » et qu’il n’est pas certain (quoique fort probable) que le judaïsme soit représentatif de l’ensemble des religions, les auteurs mettent en garde contre un possible « biais d’échantillonnage. »
[1] Les fichiers contenant des données relatives aux appartenances religieuses étant interdits en France, une telle étude y serait impossible et condamnée, en particulier sur la base d’une protection contre l’antisémitisme, là où paradoxalement les chercheurs israëliens ne voient aucun mal !
Dr Alain Cohen
Référence
Burshtein S et coll.: Religiosity as a protective factor against suicidal behaviour. Acta Psychiatrica Scandinavica 2016 ; 133: 481–488.
* http://www.jim.fr/medecin/e-docs/ou_la_religion_protege_du_suicide_159643/document_actu_med.phtml
Original Article : Religiosity as a protective factor against suicidal behaviour
S. Burshtein 1, B. P. Dohrenwend 2, I. Levav 3, N. Werbeloff 1, M. Davidson 1 and
M. Weiser 1,*
M. Weiser 1,*
1 Psychiatry, Chaim Sheba Medical Center, Tel Hashomer, Israel
2 Department of Psychiatry and Mailman School of Public Health, Columbia University, New York, NY, USA3 Mental Health, Ministry of Health, Jerusalem, Israel* Mark Weiser, Psychiatry, Chaim Sheba Medical Center, Psychiatry C, Sheba Road 2, Ramat Gan 5265601, Israel.
E-mail: mweiser@netvision.net.il
Version of Record online: 5 APR 2016
© 2016 John Wiley & Sons A/S. Published by John Wiley & Sons Ltd
Issue Acta Psychiatrica Scandinavica Volume 133, Issue 6, pages 481–488, June 2016
Objective Data suggest that adherence to religious beliefs is associated with lower rates of suicide. A number of mediating factors have been hypothesized to explain this association, including enhanced social support, less substance abuse, and lower rates of psychopathology.
Method We utilized data from a two-phase population-based, epidemiological study of mental disorders among young Jewish Israel born in a 10-year birth-cohort conducted in the 1980s. This study included data on religiosity and suicidal behaviour. Twenty-five years thereafter, mortality data were obtained from a national vital statistics registry.
Results Rates of suicidal ideation were similar among secular, partially observant, and religious subjects (9.4%, 6.7%, and 6.2%, respectively; adjusted OR for linear trend: 0.80, 95% CI: 0.58–1.09). Rates of suicide attempts were significantly lower among religious subjects (2.4%, 2.5%, and 0.4% for secular, partially observant, and religious, respectively; adjusted OR for linear trend: 0.62, 95% CI: 0.43–0.88). Of the 4914 subjects, eight died by suicide: Seven of them were secular and one was partially observant (χ2 = 2.52, P = 0.09). There were no differences in social functioning or rates of psychopathology among the study groups.
Conclusion Religiosity has a protective effect against suicide attempts, which is independent of social functioning, psychopathology, and substance use.