Suicide des jeunes pères : une crise invisible révélée par une étude choc
Au Royaume-Uni, des chercheurs révèlent un déséquilibre massif dans la prise en charge psychologique des nouveaux parents. Le père reste bien souvent en dehors du radar médical, malgré une période de vulnérabilité majeure au sein du foyer.
De la grossesse à la paternité, un bouleversement silencieux
Le passage à la parentalité redéfinit l’équilibre psychologique, y compris chez les hommes. Durant les mois qui précèdent la naissance puis au fil des premières années de vie de l’enfant, certains pères vivent un isolement émotionnel profond. Ce malaise reste souvent tu, masqué par des attentes sociales qui valorisent la retenue et la solidité masculine. Pourtant, une partie d’entre eux traverse un véritable effondrement intérieur.
Entre 8 et 13% des pères présenteraient des symptômes dépressifs dès la grossesse ou durant les mois suivants la naissance, selon une étude menée par Swansea University. Ces troubles restent rarement identifiés ou pris en charge. Contrairement aux mères, les pères ne bénéficient d’aucun suivi systématique, alors même qu’ils sont eux aussi confrontés à une fatigue intense, à de possibles modifications hormonales et à la pression d’un nouveau rôle social.
Ce
déséquilibre initial peut prendre racine bien avant la naissance. Dès
les premiers rendez-vous médicaux, les professionnels concentrent leur
attention sur la mère et l’enfant à venir. Le père devient spectateur,
rarement interrogé sur son vécu, ses doutes ou ses ressources. Cette
mise à distance se prolonge après l’accouchement, où l’accompagnement
psychologique reste entièrement tourné vers la maternité.
Les 1 001 jours où le suicide des jeunes pères explose dans l’ombre
Une analyse approfondie des registres de santé au Pays de Galles, couvrant les années 2002 à 2021, a révélé un chiffre saisissant. Durant les 1 001 premiers jours de vie de leur enfant, 107 pères se sont suicidés, contre seulement 16 mères. Ce rapport de un à sept ne reflète pas une fragilité intrinsèquement masculine, mais bien une inégalité criante de prise en charge, comme le rappelle l’étude dirigée par la professeure Ann John.
Cette période de 1 001 jours, qui s’étend de la
conception aux deux ans de l’enfant, constitue un moment de grande
vulnérabilité. Le stress parental, les difficultés économiques,
l’absence de sommeil et le sentiment d’incompétence peuvent se combiner
en un cocktail explosif, surtout pour les jeunes pères issus de milieux
précaires ou sans soutien social proche. Les chercheurs estiment que
deux à trois bébés perdent leur père par suicide chaque semaine au
Royaume-Uni.
Malgré
l’importance de ces données, aucune institution ne mesure
officiellement le suicide paternel à l’échelle nationale. Contrairement à
la mortalité maternelle, régulièrement suivie et documentée, les décès
des pères restent dissous dans les chiffres généraux. Cette absence
d’indicateurs spécifiques limite les possibilités d’intervention ciblée,
alors que des signes précurseurs pourraient être détectés dès la
naissance, voire en amont.