lundi 9 décembre 2019

L'apesa seine-et-marne, une main tendue aux chefs d'entreprise en détresse

L'apesa seine-et-marne, une main tendue aux chefs d'entreprise en détresse
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Jean Huault est le président de L'Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aigüe (Apesa) de Seine-et-Marne. Ce dispositif, créé à Saintes en 2013, permet à tout chef d'entreprise qui en éprouve le besoin de bénéficier d'une prise en charge psychologique rapide, gratuite et à proximité de son domicile par des psychologues spécialisés dans l'écoute et le traitement de la souffrance morale. Également vice-président du tribunal de commerce de Melun, Jean Huault détaille le fonctionnement de l'antenne seine-et-marnaise de ce dispositif né sous l'impulsion de Jean Gaillard, président du Tribunal de commerce de Melun, qui avait réuni les adhérents statutaires actuels en 2016. Le président de l'Apesa Seine-et-Marne évoque également les évolutions à venir d'un service jugé efficace et déjà fort de plus d'une centaine de “sentinelles“.
Comment est née l'Apesa France ?
C'est Marc Binnié, greffier à Saintes, et Jean-Luc Douillard, psychologue clinicien, qui ont imaginé le dispositif en 2013, constatant que les procédures collectives, efficaces pour contenir et canaliser le chaos des difficultés des entreprises, ne l'étaient pas s'agissant de la prise en compte de la souffrance humaine de l'entrepreneur, pouvant déboucher sur des idées noires. Marc Binnié et Jean-Luc Douillard ont constaté que les professionnels intervenant à l'occasion des procédures judiciaires, bien que non compétents en matière psychologique, n'étaient pas indifférents et pouvaient constituer des “sentinelles efficaces“.

Jean Huault, président de L'Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aigüe (Apesa) de Seine-et-Marne.
Qu'en est-il en Seine-et-Marne ?
C'est le président du tribunal de commerce, Jean Gaillard, qui a le premier été sensible à certaines publications sur le sujet et il est apparu évident d'agir : nous avons été nous-mêmes des chefs d'entreprise. Nous avons ressenti dans nos trippes le stress du client qu'on peut perdre, son règlement qui tarde à venir et qui crée des tensions, etc.
C'est pourquoi le président a pris en 2016 la décision de convoquer l'ensemble des organismes départementaux concernés, en présence de Marc Binié lui-même, pour leur exposer le dispositif. Toutes les parties prenantes ayant pleinement adhéré au concept, cette réunion est devenue l'assemblée constitutive d'Apesa Seine-et-Marne. Elles en sont encore aujourd'hui les membres statutaires.
Dès lors, il fallait structurer l'association, trouver son président et son conseil d'administration.
Cela s'est fait naturellement ?
Oui, nous avions, au niveau du tribunal et du greffe, la capacité d'organiser un secrétariat. Nous nous trouvions également au cœur des procédures collectives et donc à la source des problématiques, c'est pourquoi nous avons naturellement pris en charge la gestion des alertes lancées par les “sentinelles“, que nous devons former, accompagner, etc.
Comment l'Apesa Seine-et-Marne agit-elle ?
L'objectif principal est de pouvoir déceler le stress et les difficultés du chef d'entreprise à tous les moments et tous les niveaux de la vie de l'entreprise. Pour ce faire, Il fallait constituer un réseau formé de “sentinelles“ dédiées (c'est-à-dire des personnes formées à la détection des signes de détresse psychologiques et du risque suicidaire).
Il est d'abord possible d'agir au niveau du tribunal de commerce, c'est-à-dire lors du terme de cette descente aux enfers psychologique. L'expert-comptable peut aussi déceler des difficultés très en amont. L'avocat, à qui l'entrepreneur fait appel lorsqu'il se pose des questions au niveau juridique, peut également intervenir un peu plus tard. Les organismes patronaux, tels que le Medef et la CPME, sont également importants en matière de détection des signes de détresse psychologique.
Aussi, pour permettre à ces sentinelles d'agir, nous avons procédé en trois ans à huit actions de formation. Nous pouvons ainsi compter sur un peu plus d'une centaine de personnes habilitées à détecter et à lancer des alertes. Elles et elles seules en ont la possibilité, si bien entendu l'entrepreneur a donné son accord.
Comment se déroule la procédure ?
Que ce soit en ligne ou sur papier, l'alerte se résume à une fiche comprenant les coordonnées de la personne, le moment où elle s'est exprimée, le type de détresse (difficultés familiales, financières, etc.), et éventuellement si des pistes d'amélioration ou des solutions sont apparues. Ce document est hébergé à Nantes sur la plateforme de Ressources Mutuelles Assurance, qui fait partie du Groupe Harmonie Mutuelle et qui a constitué une cellule pour examiner ces fiches d'alerte.
Une fois cette fiche-alerte mise en ligne, la personne en détresse est appelée dans l'heure où les deux heures qui suivent. Les psychologues de la plateforme effectuent un premier diagnostic pour cerner l'étendue de la problématique. Après un ou deux rendez-vous téléphoniques, il peut être décidé qu'un suivi plus approfondi est nécessaire.
Les dirigeants ont alors la possibilité de faire appel au réseau de psychologues que nous avons constitué et avec qui nous avons signé une convention. Cette dernière prévoit que l'Apesa Seine-et-marne s'engage à rémunérer des psychologues locaux (sélectionnés par Apesa France) en lieu et place des ches d'entreprise concernés, dans la limite de cinq séances (renouvelable une fois).
Ces psychologues ont préalablement été formés par notre association aux problématiques générées par les procédures collectives. Il est nécessaire pour eux de prendre conscience que le passage final devant le tribunal est difficile et parfois brutal, mais constitue aussi l'aboutissement d'une longue période de tension émotionnelle…​
Le choc se manifeste le plus fortement à ce moment…
Oui, et c'est en cela qu'il est important que les juges consulaires soient formés et fassent partie des sentinelles :
la décision du tribunal peut apporter un soulagement, mais va constituer dans le même temps un choc émotif extrêmement fort, qui se traduit parfois par des signes de confusion dans l'expression, voir des signes physiques. Il s'agit d'un moment-clé de la détection.
Ainsi, l'alerte peut être lancée tout de suite, de sorte que le chef d'entreprise, en perte de repères, ne se retrouve pas seul face au vide ressenti (fin de l'activité, disparition de l'entreprise, conséquences sur la vie privée, la famille… ). En cas de nécessité, il lui sera proposé un rendez-vous chez un psychologue dans les 24 heures. Nous avons d'ailleurs conclu un accord pour que ces professionnels seine-et-marnais puissent aménager leur planning et recevoir en urgence les dirigeants en détresse.
Vous orientez ensuite ces entrepreneurs vers des structures dédiées au rebond ?
En effet, mais la condition première, c'est que ces personnes retrouvent un bon équilibre psychologique pour que ce rebond soit envisagé. C'est la condition préalable. Nous avons finalement une action complémentaire : l'Apesa intervient sur la remise en forme du chef d'entreprise, tandis 60 000 Rebonds apporte des solutions en matière de création d'entreprise ou de retour vers l'emploi.
Quel bilan tirez-vous après trois années d'exercice ?
Je dirais d'abord que notre dispositif est bien rodé, simple et réactif. Sur un plan chiffré, nous constatons que le nombre d'alertes se stabilise entre 50 et 60 par an. Il faut aussi remarquer que les sentinelles font bien leur travail et sont efficaces : nous ne recevons pas de fausses alertes (les signalements sont tous suivis d'un diagnostic et de séances avec un psychologue). Nous avons également extrêmement peu de refus de soutien psychologique, ce qui peut arriver lorsque le dirigeant est déjà suivi à titre personnel, par exemple.
Plus généralement, nous espérons étendre notre rayon d'action à travers l'adhésion des TGI du département. Nous avons signé une convention avec celui de Melun et je discute actuellement avec celui de Meaux. Restera à prendre contact avec le TGI de Fontainebleau dans les semaines à venir. Cela nous permettra de toucher d'autres catégories d'entrepreneurs, qui sont plutôt des professions libérales. Enfin, s'agissant du monde agricole, des dispositifs existent déjà, mais ce n'est pas exclu. L'Apesa Seine-et-Marne jouit d'une très bonne réactivité et les soins sont prodigués rapidement au niveau local, ce qui pourrait profiter aussi aux exploitants agricoles.
Quelles sont les structures les plus touchées ?
Il s'agit, dans 80 % des cas, de TPE : plus les sociétés sont structurées, plus elles ont la capacité de surmonter l'épreuve collectivement, contrairement au dirigeant de TPE qui est souvent seul. Les personnes que nous prenons en charge sont âgées de 50 ans en moyenne et il s'agit d'hommes dans 57 % des cas. Plus de la moitié des alertes font suite à une liquidation judiciaire.
Le Conseil départemental vous apporte un soutien régulier ?
Notre ambition finale est de proposer le dispositif à l'échelon départemental,
c'est-à-dire d'apporter une couverture totale, à travers les TGI comme je l'ai évoqué mais aussi les sentinelles qui interviennent plus en amont et que nous devons continuer à mobiliser. Pour financer cet objectif, nous avions besoin d'un apport complémentaire à celui octroyé par nos adhérents statutaires. C'est le Conseil départemental qui est venu l'apporter à travers son agence Seine-et-Marne Attractivité, qui alloue 5 000 euros de subventions à l'Apesa Seine-et-Marne. La somme correspond à la possibilité d'accompagner 15 entrepreneurs durant un an. Cela nous donne également la certitude de pouvoir boucler un exercice, voire de dégager des moyens pour améliorer nos éléments de communication envers les entreprises elles-mêmes.
L'Apesa vient en aide aux entrepreneurs en détresse psychologique

L'Apesa est une association qui a vocation à prévenir le suicide des chefs d'entreprise en situation de défaut. Pour ses animateurs,
« elle est de grande utilité ». Face à une liquidation, qu'on appelait autrefois “faillite”, l'entrepreneur se trouve dans une situation très difficile pour laquelle il ne va généralement pas chercher d'aide auprès de services compétents. Grâce à cette association, avec un délai d'intervention quasi immédiat, les personnes en détresse psychologique importante trouvent une oreille attentive et un soutien par des professionnels spécialement formés. Les Tribunaux de commerce de Melun et de Meaux se sont regroupés dans l'association départementale qui est aujourd'hui à la disposition des chefs d'entreprise de Seine-et-Marne.

L'apesa france en chiffres

47 juridictions déployées

940 Fiches alerte traitées dans l'année en cours

2083 Sentinelles formées

925 Psychologues concernés
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