Dans JAMA Network Open, Vol. 8, n° 11
traduction de Invited Commentary Psychiatry A Narrative Approach to Assess Suicide—Tell Me Your Story Justin C. Baker, PhD, ABPP1
1The Ohio State University Wexner Medical Center, Columbus Publié en ligne : 20 novembre 2025
L'évaluation narrative est une approche d'évaluation du risque de suicide utilisée dans le cadre d'une thérapie cognitivo-comportementale brève qui utilise la narration pour évaluer le risque de suicide tout en favorisant l'alliance thérapeutique. Elle contraste avec une approche plus traditionnelle d'évaluation du risque de suicide qui utilise un ensemble de questions standardisées ou types pour évaluer le risque. Lors d'une évaluation narrative, le clinicien invite le patient à raconter l'histoire de sa récente crise suicidaire, en se concentrant sur ses pensées, ses émotions, ses comportements et ses sensations physiques pendant la crise. Le clinicien, en utilisant la réflexion empathique, se concentre sur la compréhension collaborative et le partage des idées pour identifier ce qui s'est passé pendant la crise du patient. L'évaluation narrative s'inspire de l'approche dite « Aeschi » et reste cohérente avec celle-ci.3
En 2000, des cliniciens-chercheurs spécialisés dans le suicide du monde entier se sont réunis à Aeschi, en Suisse, dans le cadre d'un groupe de réflexion afin de réexaminer la manière dont le risque de suicide est évalué et traité.4 La réunion consistait principalement à visionner des évaluations cliniques de patients présentant des idées ou des comportements suicidaires qui avaient été filmées dans divers contextes cliniques universitaires. Certaines vidéos ressemblaient davantage à des interrogatoires de la personne présentant un comportement suicidaire, qui finissait par se recroqueviller face à l'autorité du clinicien.3 D'autres vignettes cliniques se déroulaient de manière plus douce, le clinicien guidant le patient dans le récit détaillé de sa crise suicidaire et permettant une réflexion et une compréhension collaboratives et mutuelles.3
L'approche d'Aeschi ne s'aligne sur aucune orientation théorique particulière ; cependant, à peu près à la même époque, les thérapeutes cognitifs ont commencé à reconceptualiser l'émergence des pensées et des comportements suicidaires comme un processus transactionnel non linéaire via le mode suicidaire.5 Le mode suicidaire est un réseau de concepts interconnectés qui comprend des vulnérabilités prédisposées au suicide, un facteur de stress déclencheur (interne ou externe) et des schémas cognitifs, émotionnels, comportementaux et physiques fondamentaux qui contribuent au risque global de suicide d'un individu. Une fois que le mode suicidaire est activé par un facteur de stress interne ou externe, le résultat net est un état ou un épisode suicidaire actif. L'activation d'un état suicidaire est souvent rapide et imprévisible, car le mode suicidaire suit un cours temporel non linéaire, ce qui rend difficile pour les patients d'identifier comment leur état suicidaire est apparu. L'évaluation narrative permet au patient, avec ses propres mots, de réfléchir à ce qui s'est passé pendant cette période difficile. Grâce aux réflexions utiles et sans jugement du clinicien, le patient commence à se faire une idée plus claire de ce qui s'est passé.
Il est important de noter que, bien que les résultats de la méta-analyse de Janssen et al2 soient encourageants, les conclusions selon lesquelles les TCC associées à une évaluation narrative sont associées à une plus forte réduction des tentatives de suicide restent corrélationnelles. 2 Il n'existe qu'un seul essai clinique randomisé conçu pour isoler les effets uniques de l'évaluation narrative, qui a montré que l'évaluation narrative était la plus efficace pour réduire les idées suicidaires par rapport à une évaluation structurée du risque de suicide, lorsqu'elle était suivie d'un plan de sécurité ou d'un plan d'intervention en cas de crise.6 Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les contributions uniques de l'évaluation narrative à la réduction des pensées et des comportements suicidaires. De plus, la littérature sur l'intervention en matière de suicide continue de manquer d'études mécanistiques suffisantes qui permettraient de mieux comprendre quels éléments du traitement sont spécifiquement responsables de la réduction du risque de suicide.
Malgré ces limites, de plus en plus de preuves suggèrent que les approches d'évaluation collaborative centrées sur le patient ont un impact significatif sur la réduction du risque de suicide et de la détresse subjective. Des travaux récents menés par Oakey-Frost et al7 ont démontré que les patients hospitalisés en psychiatrie qui ont reçu le Suicide Status Form-4 (SSF-4), une évaluation collaborative semi-structurée du risque de suicide conforme à l'approche d'Aeschi, ont signalé une réduction substantielle de leur détresse subjective. Le SSF-4 est généralement administré dans le cadre de l'évaluation et de la gestion collaboratives du risque suicidaire, qui s'est révélée à plusieurs reprises efficace pour réduire de manière fiable les idées suicidaires dans les essais cliniques.8 Dans l'ensemble, les preuves sont convaincantes : l'utilisation de modèles d'évaluation du risque suicidaire centrés sur le patient et élaborés de manière collaborative contribue à réduire le risque suicidaire et la détresse. C'est une bonne nouvelle pour les cliniciens qui cherchent à intégrer des interventions simples pouvant avoir un impact réel pour redonner espoir, réduire le risque de tentatives de suicide et améliorer la vie de leurs patients.
Published: November 20, 2025. doi:10.1001/jamanetworkopen.2025.44639
Open Access: This is an open access article distributed under the terms of the CC-BY License. © 2025 Baker JC. JAMA Network Open.
Corresponding Author: Justin C. Baker, PhD, ABPP, The Ohio State University, Wexner Medical Center, 1960 Kenny Rd, 3rd Floor, Columbus, OH 43210 (justin.baker@osumc.edu).
Conflict of Interest Disclosures: None reported.