Selon une analyse de Santé publique France parue dans le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) en date du 4 juillet 2023, la pandémie, par la durée et l’importance des mesures de restrictions sociales et des contraintes qu’elle a entraînées, peut avoir eu un impact sur la santé mentale, et notamment sur les tentatives de suicide. Une surveillance accrue des hospitalisations pour ce motif, notamment chez les adolescents et jeunes adultes est jugée comme nécessaire .
C’est dans ce contexte que Santé publique France a comparé les hospitalisations pour tentative de suicide (HTS) en 2020 et durant la première partie de l’année 2021 par rapport aux années précédentes. Celles-ci ont été analysées par groupe d’âge, sexe et modalités utilisées pour la tentative de suicide. Tous les courts séjours dans les établissements français publics et privés des personnes âgées de 10 ans et plus hospitalisées entre le 2 janvier 2017 et le 31 mai 2021 pour un geste suicidaire ont été sélectionnés.
Devant la dégradation de la santé mentale, des craintes autour d’une augmentation des actes suicidaires pendant et après la pandémie ont rapidement émergé, étayées par plusieurs facteurs : l’augmentation des idées suicidaires rapportée dans certaines études1 , l’augmentation des taux de troubles psychiatriques pendant l’épidémie, la présence de ceux-ci étant classiquement associée à une augmentation des actes suicidaires2, et l’impact des conséquences à plus long terme de l’épidémie (chômage,problèmes financiers, accès réduit à la scolarité et deuil).
En 2020, le taux estimé d’HTS tous âges confondus était de 13,3 pour 10 000 alors qu’il était de 14,8 en 2019 et 15,2 en 2018. Lors du premier confinement, les taux d’HTS étaient inférieurs à ceux observés en moyenne entre 2017 et 2019 quel que soit le sexe, à l’exception des hommes de 75 ans et plus. Ces taux sont restés inférieurs pour les personnes entre 35 et 85 ans. Cependant, ils ont progressivement augmenté chez les jeunes de 11 à 24 ans, jusqu’à devenir significativement supérieur à la moyenne de 2017-19 après le deuxième confinement (et dès le deuxième confinement pour les filles de 10 à 14 ans). Le recours à des modalités violentes apparaît alors plus fréquent quel que soit l’âge.
« Ces résultats alertent sur une atteinte du bien-être psychique et émotionnel des jeunes femmes lors de la crise qui ne semble pas diminuer à moyen terme. Ce phénomène mérite d’être étudié plus en profondeur, en prenant en compte les différents déterminants qui président à son évolution ».
Ces résultats convergent avec ceux d’autres indicateurs et mettent en évidence une souffrance psychologique encore présente à la fin de la période d’observation chez les adolescents et jeunes adultes, qui semblent particulièrement impactés par les bouleversements sociaux et économiques induits par la crise sanitaire. Un suivi régulier de l’indicateur « hospitalisations pour tentative de suicide » s’impose comme un élément du dispositif de surveillance épidémiologique de la santé mentale, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes, dans le futur.
1- Iob E, Steptoe A, Fancourt D. Abuse, self-harm and suicidal
ideation in the UK during the COVID-19 pandemic. Br J Psychiatry.
2020;217(4):543-6.
2- Hawton K, van Heeringen K. Suicide. Lancet. 2009;373 (9672):1372-81.
• Hospitalisations pour tentative de suicide dans les établissements de soins aigus en France lors de l’infection à la COVID-19 : Tendances temporelles nationales en 2020-2021. Philippe Pirard, Francis Chin, Imane Khiréddine, Sarah Tebeka, Nolwenn Regnault, Santé Publique France, Saint-Maurice. A retrouver dans le BEH du 4 juillet 2023, page 230.
https://www.santementale.fr/2023/07/renforcer-suivi-hospitalisations-pour-tentative-suicide/