3114
Des professionnels de Bourgogne-Franche-Comté mobilisés pour prévenir les suicides
Publié le 09/06/2023 Le Journal du centre
Le Dr Maud Benetti, psychiatre au service de psychiatrie au CHU de Dijon. © Alexandra Caccivio
Lancé en octobre 2021, le 3114 reçoit des appels de toute la France, qui étaient gérés – pour la Bourgogne-Franche-Comté – depuis Brest. Une nouvelle organisation se met en place avec l’ouverture d’un centre régional basé, depuis mars, au CHU de Dijon.
Un parent inquiet pour son fils qui a parlé de passer à l’acte. Un médecin qui ne sait pas comment gérer les pensées suicidaires de son jeune patient. Un collégien qui s’apprête à commettre un geste désespéré. Ce sont tous ces appels que le 3114 reçoit, 24 heures sur 24, depuis que le numéro – gratuit – a été lancé en octobre 2021. Au téléphone, des professionnels de santé formés détectent le degré d’urgence, pour réagir vite si besoin. Dans notre région, "depuis mars, environ 14 % des appels ont nécessité l’intervention du Samu", explique le Dr Maud Benetti, psychiatre au service de psychiatrie au CHU de Dijon. Dans une grande majorité des cas, les professionnels parviennent à rassurer ceux qui appellent avec des pensées suicidaires et à leur apporter l’aide qui leur manquait.
"Parfois, les répondantes prennent contact avec le médecin traitant, pour qu’il voie en urgence l’appelant, relate Maud Benetti. Parfois, elles proposent une consultation psychiatrique d’urgence au centre hospitalier. Parfois, l’intervention d’un médecin n’est pas nécessaire, les personnes ont plutôt besoin d’un relais auprès d’un travailleur social, qui va les aider à gérer des problématiques familiales ou financières."
La Nièvre aux abonnés absents
C’est ce qui explique le déploiement local du 3114, effectif depuis mars dernier. "Pour apporter la bonne réponse, il faut une connaissance fine de ce qui existe dans les structures médicosociales, dans les associations, dans les services sociaux… explique le Dr Christophe Debien, psychiatre au CHU de Lille et chargé du déploiement du 3114. Cela demande un travail de fourmi." Le nouveau service, qui compte aujourd’hui six infirmières répondantes, deux médecins et une assistante sociale (1), doit pour cela recruter un chargé de réseau. Sa mission : repérer dans les huit départements de Bourgogne-Franche-Comté toutes les initiatives locales qui pourront ensuite être proposées par téléphone et, surtout, mobiliser toutes les personnes qui peuvent relayer l’information pour faire connaître le 3114. "On a un exemple, c’est la Nièvre, pour l’instant, il n’y a pas d’appel, constate Christophe Debien. Pourtant, c’est le département où on se suicide le plus."
"C’est un sujet dont il faut parler pour que le taux de létalité tombe, pour que la détresse extrême soit prise en considération, incluse à part entière dans le champ de la santé, martèle le professeur Jean-Christophe Chauvet-Gelinier, chef du service de psychiatrie adulte au CHU. Le suicide et la santé mentale sont encore des sujets tabous, mais qui touchent, un jour ou l’autre, chacun d’entre nous." 9.200 décès étaient imputables en 2022 au suicide, rappelle Aline Guibelin, déléguée territoriale de l’Agence régionale de santé ; et 200.000 personnes par an font une tentative de suicide.
(1) Également en support : un cadre de santé et une secrétaire médicale
Un dispositif qui va encore s’étoffer. L’ouverture du 3114 intervient quelques mois après le lancement, dans notre région, du dispositif VigilanS, destiné à prévenir (grâce à un suivi individuel) la récidive après une tentative de suicide. Et elle intervient quelques mois avant l’ouverture d’une unité d’intervention thérapeutique brève qui accueillera les patients en détresse. Le but : gérer la situation de crise par une intervention rapide pour que les patients reprennent au bout de quelques jours seulement le cours de leur vie – sans s’isoler, comme les protocoles actuels le prévoient, pendant plusieurs semaines.
Alexandra Caccivio