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vendredi 19 octobre 2018

Saint-Brieuc. La vie est possible après le suicide d’un proche

Saint-Brieuc. La vie est possible après le suicide d’un proche
Des professionnelles, des bénévoles, des élus constituent le réseau de prévention Misaco, créé par la Mutualité française Bretagne.
Des professionnelles, des bénévoles, des élus constituent le réseau de prévention Misaco, créé par la Mutualité française Bretagne. | OUEST-FRANCE
Constitué de professionnels et de bénévoles, le collectif de prévention du suicide Misaco, à Saint-Brieuc, se penche sur la question de l’après et de la résilience. Pour mieux accompagner les personnes endeuillées.
Créé en 2015 par la Mutualité française, le collectif Misaco du pays de Saint-Brieuc réunit des professionnels de la santé, de l’éducation et du social, des élus et des bénévoles, tous acteurs de la prévention du suicide. Ces personnes volontaires se réunissent tous les deux mois pour réfléchir à des actions collectives de prévention et à la manière d’accompagner les proches de suicidés.

Les Côtes-d’Armor, particulièrement touchées par le suicide
En Bretagne, région déjà la plus touchée par le suicide en France, les Côtes-d’Armor présentent le taux de mortalité par suicide le plus élevé, avec 127 décès annuels, selon les derniers chiffres de l’Observatoire de la santé en Bretagne (2016), et le plus grand nombre d’hospitalisations liées à une tentative. « La prévention du suicide est un enjeu majeur de santé publique en Bretagne, c’est aussi une problématique sur laquelle il est possible d’agir », assure Sophie Timon, animatrice du réseau Misaco pour la Mutualité française, qui compte douze réseaux en Bretagne et trois dans le département.

Des acteurs formés à repérer les signes annonciateurs
Grâce aux initiatives du réseau briochin, plus de 100 professionnels, élus et bénévoles ont déjà suivi les formations au « Repérage de la crise suicidaire ». Ce sont par exemple des assistantes sociales en contact avec des personnes en souffrance, des élus amenés à annoncer un décès, du personnel de pompe funèbre confronté quotidiennement au deuil… L’objectif étant d’améliorer la prévention mais aussi la prise en charge des personnes endeuillées.

Comment vivre après ?
Difficile pour la famille, les amis, les collègues, de vivre après un suicide. « Ce n’est pas la même chose de perdre quelqu’un par un suicide ou par une autre mort brutale, explique Sophie Thomas-Dornemain, animatrice au service promotion et éducation pour la santé à la Ville de Saint-Brieuc.  On ne l’évoque pas de la même façon. Il s’agit aussi de déculpabiliser ceux qui restent. » Les professionnels et des bénévoles peuvent « apporter du positif » aux personnes endeuillées, poursuit Sophie Timon. « Le suicide reste tabou dans la société. Il est important que les familles puissent trouver du soutien, que les personnes endeuillées qu’elles peuvent être accompagnées, qu’elles ont le droit de continuer à vivre. »

Parler pour casser une éventuelle « chaîne suicidaire »
En termes de prévention, « l’après suicide » consiste aussi à empêcher une éventuelle chaîne de suicides, dans une famille ou une entreprise où le drame s’est produit. « Des proches peuvent être tentés de se dire : il a eu le courage de se suicider, constate Roseline Molin, bénévole au Collectif vivre son deuil Bretagne.  Mais le suicide n’est pas une question de courage mais de souffrance. » Les non-dits favorisent la reproduction de l’acte suicidaire de génération en génération dans des familles. D’où l’importance de libérer la parole.
Une journée d’échanges et de sensibilisation sur le sujet est donc organisée vendredi 19 octobre, à Saint-Brieuc. Hervé Poëns, président de l’association Jonathan Pierres Vivantes Finistère - Côtes-d’Armor, viendra notamment parler du « Chemin de reconstruction d’un papa endeuillé : du deuil à la résilience ».
https://www.ouest-france.fr/bretagne/saint-brieuc-22000/saint-brieuc-la-vie-est-possible-apres-le-suicide-d-un-proche-6024633

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Suicide d’un proche. Comment aider « ceux qui restent » 
Publié le 17 octobre 2018 www.letelegramme.fr Marina Chélin
 
Sophie Timon, chargée de la prévention suicide à la Mutualité française Bretagne, à Saint-Brieuc. 

Vivre après le suicide d’un proche. C’est ce thème difficile qui sera abordé, vendredi 19 octobre, par les membres du collectif Misaco (*). Dans le but d’être mieux outillés pour venir en aide « à ceux qui restent ». Le point avec Sophie Timon, qui orchestre le rendez-vous.
La Bretagne est-elle toujours la région de France la plus touchée par le suicide ?

Oui. On enregistre en Bretagne un taux de surmortalité de plus de 60 % par rapport à la moyenne nationale. Soit 770 décès par suicide en 2017, ce qui équivaut à plus de deux suicides par jour. Et en Bretagne, ce sont les Côtes-d’Armor qui connaissent la situation la plus défavorable, notamment en Centre-Bretagne. Pour exemple, dans le pays de Loudéac, on compte 37 décès par suicide pour 1 000 habitants. Dans le secteur de Saint-Brieuc, on est à 26 pour 1 000, sachant que le nombre de personnes qui ont eu recours à une hospitalisation pour une tentative de suicide est de 192 pour 1 000 habitants. Le chiffre est significatif et permet de mesurer la souffrance psychique des gens.

Faire le deuil d’une personne suicidée, est-ce un deuil à part ?
Tous les deuils sont singuliers. Mais le deuil suite à un décès brutal, que ce soit par un suicide ou un accident de la route, ça reste compliqué. Chaque famille va vivre le deuil de manière différente. Mais il faut que les personnes soient prises en charge suite à un décès par suicide pour éviter que ça ne se reproduise, qu’il y ait un effet de contagion.

Après un suicide, les proches sont confrontés à des sentiments complexes voire ambivalents comme la colère ou la culpabilité. Comment gère-t-on cela ?
Il faut rassurer ces personnes en leur disant qu’il est normal malheureusement de passer par toutes ces étapes de colère et de culpabilité.

Les proches d’un suicidé demandent-ils facilement de l’aide ?
Non. Dans un premier temps, les proches font face à ce cataclysme qui s’abat sur la famille. Il y a aussi un sentiment de honte - la honte de ne pas s’être rendu compte - qui bloque les proches. Il y a ensuite un chemin de résilience qui est propre à chacun. Je pense notamment au témoignage d’un papa qui a perdu son fils et qui expliquait qu’il a eu besoin de raconter son histoire par écrit pour réussir à continuer à vivre. C’est très différent d’une personne à l’autre, cela passe par l’écrit pour certains, par des groupes de parole pour d’autres avec des parents qui ont vécu la même chose.

Y a-t-il une stigmatisation du suicide dans la société ?
Il y a pas mal de fausses idées qui circulent et nous travaillons beaucoup sur leur déconstruction. Comme de dire « Parler du suicide à quelqu’un peut l’inciter à passer à l’acte ». En parler, ça ne précipite pas le passage à l’acte. Au contraire, le fait de nommer les choses, ça va permettre à la personne de voir que l’on s’est rendu compte de sa souffrance. Autre exemple : « Les personnes qui parlent du suicide ne passent pas à l’acte… » C’est faux, il faut toujours prendre au sérieux une personne qui parle de suicide. On se suicide rarement sans avoir auparavant exprimé un désespoir, un mal-être. Ou encore : « Il n’a pris que dix cachets, s’il avait vraiment voulu mourir il aurait employé les grands moyens ». Toute tentative de suicide n’est jamais anodine. C’est un appel à l’aide qui doit être pris au sérieux. Ce sont ces idées que l’on essaye de déconstruire dans la société pour ouvrir la parole. Il faut oser mettre des mots. Plus on en parlera et plus les gens auront aussi des facilités à aller chercher du soutien.

Peut-on de nouveau être heureux après le suicide d’un proche ?
Oui, c’est ce que l’on entend à travers les témoignages. Il faut du temps bien sûr. Le processus est long et parsemé d’obstacles. Les proches garderont toujours cette blessure, mais ils arrivent, oui, à retrouver goût à la vie.

Vers qui peut-on se tourner pour trouver de l’aide ?
On peut trouver de l’aide auprès de son médecin généraliste, mais aussi d’associations telles que le Collectif vivre son deuil Bretagne, au 02 99 53 48 82 ; Jalmalv 22 au 02 96 60 89 59 ou auprès de numéros d’écoute nationaux : SOS Suicide Phénix au 01 40 44 46 45 ; Suicide Écoute au 01 45 39 40 00.
(*) Misaco : Mission d’accompagnement de collectifs sur la prévention de la souffrance psychique et du suicide de Saint-Brieuc.
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