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samedi 6 octobre 2018

CANADA QUEBEC Aider en ligne les gens souffrant de dépression et d'anxiété : le Québec y travaille

Aider en ligne les gens souffrant de dépression et d'anxiété : le Québec y travaille
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Le 5 octobre est la journée nationale de la détection de la dépression. 
 

Des chercheurs en santé mentale du Québec s'attellent à une étude pilote pour offrir d'ici quelques années, en ligne, un programme destiné aux gens souffrant de dépression et d'anxiété. Ce programme existe déjà en Australie, où 4500 médecins l'ont littéralement prescrit à plus de 9700 patients.
Un texte d'Anne Marie Lecomte
Dans les deux années à venir, les chercheurs québécois vont traduire, en français, le matériel créé en Australie en plus de mener une étude de faisabilité selon un protocole scientifique. Pour ce faire, ils ont obtenu plus de 100 000 $ du Fonds de soutien à l'innovation en santé et en services sociaux de MEDTEQ.
Le programme australien s'intitule « This Way Up » et il a séduit une équipe dirigée par Pasquale Roberge, de l'Université de Sherbrooke et dont fait partie Réal Labelle. « On s'est dit :''pourquoi réinventer la roue? », décrit M. Labelle, professeur de psychologie à l'UQAM et chercheur au Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM).
Le chercheur montréalais et ses collègues rêvent du jour où les médecins généralistes du Québec et du Canada pourront en faire bénéficier leurs patients. Mais pour imiter les Australiens, jusqu'à dix ans d'essais cliniques devront être effectués et dûment approuvés, selon les estimations de ces chercheurs.
Avec le Royaume-Uni, l'Australie est le pays le plus avancé en santé mentale pour ce qui est de l'utilisation de la technologie. « On retrouve beaucoup plus de papiers scientifiques de ces deux pays publiés dans les revues savantes que dans le reste du monde », affirme Réal Labelle.
Le professeur et chercheur de l'UQAM présentait cette semaine au Grand forum de la prévention du suicide à Trois-Rivières, une conférence sur les enjeux en santé mentale, en cette ère du numérique. Exemples de questions pratiques qui y étaient abordées : Quel est le profil de l'internaute suicidaire? Que fait-il en ligne pour aller chercher de l'aide? Et, dans les technologies de l’information et des communications, quelles sont les pratiques reconnues de prévention du suicide?
La réflexion s'impose quant à l'utilisation possible d'Internet, à quelques mois du lancement d'une plateforme numérique provinciale en prévention du suicide.
« La psychopathologie la plus associée au suicide est la dépression, à laquelle se mélange souvent de l'anxiété », explique Réal Labelle. En s'attaquant aux troubles anxieux et dépressifs, les professionnels de la santé contribuent pour ainsi dire aux efforts de prévention du suicide.
Rappelons que chaque jour, au Québec, trois personnes s'enlèvent la vie. Au Canada, en moyenne, ce sont dix personnes qui mettent fin à leurs jours, chaque jour. De tous ceux qui connaissent cette fin tragique, on estime que 90 % d'entre eux souffraient d'un problème de santé mentale ou d'une maladie.

La souffrance est réelle
Les troubles anxieux et dépressifs frapperont près d'un Québécois sur cinq dans sa vie. Non sans conséquence : quiconque en souffre risque d'éprouver de la détresse psychologique au point de devoir limiter ses activités et de recourir aux services de santé. Relativement à ces gens aux prises avec « ces troubles mentaux courants » – comme les décrit M. Labelle – on remarque un taux de mortalité plus élevé que dans l'ensemble de la population.

D'où l'idée d'intervenir auprès d'eux. Mais dans notre système de santé, moins d'une personne sur deux a accès aux traitements pharmacologiques et psychologiques permettant de soulager, voire de résorber les troubles anxieux et dépressifs, déplore M. Labelle.
En Australie, avec « This Way Up », on a réussi à élargir l'accès à la thérapie cognitive et comportementale, qui s'est avérée comme étant la plus efficace auprès des anxieux et des dépressifs.
Mais attention : ces interventions psychologiques menées par le truchement d'Internet ne visent pas à remplacer les professionnels de la santé en chair et en os. « C'est un moyen, pas une finalité, s'évertue à dire Réal Labelle sur toutes les tribunes. C'est un outil de plus pour rendre service. »
Et pour rejoindre les jeunes, aussi. « Moi, j'ai commencé à la machine à écrire, affirme M. Labelle avec humour. Ça fait trente ans que je suis psychologue, je suis de la vieille génération! Mais mon jeune de 18 ans est complètement dans un autre univers ».

Besoin d'aide pour vous ou un proche?
Ligne québécoise de prévention du suicide : 1 866 APPELLE (277-3553).
Ce service est disponible partout au Québec, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.
Le nouveau site commentparlerdusuicide.com outillera les Québécois qui veulent parler du sujet.

Un outil convivial qui « parle » au patient
Lorsque nécessaire, on prescrit des antidépresseurs à une personne souffrant de troubles anxieux et dépressifs. Puis on tente de l'éduquer sur ce qui l'afflige. « Avec des psychiatres, on faisait des évaluations et, après, on donnait aux gens des dépliants, sur ‘’c’est quoi une dépression, c’est quoi de l’anxiété’’, explique Réal Labelle. Souvent, on leur prescrivait des exercices ». Étaient aussi remis au patient des adresses et des numéros de téléphone, en cas d'urgence.
Ce qui sera un jour offert en ligne ne différera guère de ce qui se faisait avant... Mais ce sera plus convivial, insiste Réal Labelle : « C’est en couleur, on peut interagir, la machine nous pose des questions, il y a de petites vidéos, c’est animé ».
En Australie, le programme est découpé en six « leçons » que l'utilisateur-patient complète en trois mois. Il dispose d'un mot de passe le liant à son médecin qui, lui, reçoit par courriel un sommaire relatant :
  • le score – tel que rapporté par le patient – sur une échelle de détresse psychologique de dix éléments;
  • les progrès ou l'aggravation de l'état du patient d'une session à l'autre;
  • le fait qu'une leçon n'a pas été faite.
Des courriels sont aussi expédiés aux patients pour les féliciter d'avoir fait leurs leçons ou... leur rappeler de les faire.

Un outil, pas un remède miracle
Ce sont des interventions de première ligne destinées aux gens qui manifestent des troubles anxieux et dépressifs variant de légers à moyens. Réal Labelle souhaite qu'un jour, semblable programme soit à la disposition des médecins de famille et des Groupes de médecins de famille (GMF) du Québec et du Canada.
Et, répète-t-il, c'est un outil parmi d'autres dans la mer d'interventions possibles auprès des gens qui « ne filent pas ».
« La dépression est multifactorielle et il est très difficile de dire que telle ou telle affaire a fonctionné, explique Réal Labelle. Nous, professeurs d’université et chercheurs, passons notre vie à essayer d’isoler des facteurs pour comprendre. »
« Mais c’est bien plus compliqué que ça », conclut-il.

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