Le Temps - Lausanne via courrierinternational.com le
En Suisse, un ancien responsable RH dans le secteur bancaire dénonce les injonctions, de plus en plus à la mode, du “bien-être au travail”. Selon lui, elles ne font que créer de la frustration.
Le bien-être au travail ? C’est l’arnaque du
nouveau siècle ! Les approches et les techniques du bien-être au travail
risquent de produire l’inverse de ce qu’elles se proposent d’apporter.
Depuis que nous parlons de bonheur au travail, la souffrance et le
burn-out n’ont jamais été autant au rendez-vous. Pourquoi ?
Parce que ce sont les responsables financiers qui commandent, parce que les organisations sont traversées par d’incessantes défibrillations d’organigrammes, parce que la gestion du changement est la réponse privilégiée face aux prévisions économiques incertaines.
Dans les organisations, les métiers sont dévalorisés au profit d’une superposition de managers qui, eux seuls, sont censés avoir un vrai métier ! Épaulés par d’improbables coachs, ils induisent des aménagements pour conforter leur pouvoir. Ainsi leurs subordonnés reçoivent-ils des missions interchangeables avec l’injonction de ne pas résister au changement. Ces managers sont eux-mêmes parfois victimes de ce qu’ils véhiculent.
De fait, ce courant pseudo-humaniste est très puissant. Le développement personnel (donc pas très solidaire, a priori) fait des ravages dans les magazines et sur les sites dédiés. Régime et méditation pour notre corps et notre cœur sont au service de notre cerveau siphonné par les employeurs. Tourne dans nos têtes notre vocation à atteindre le bonheur. Y compris et surtout au travail – qui, par l’importance qu’on lui donne, est la métaphore de la réussite de notre vie.
Le travail et le bien-être sont des pôles en tension et non en fusion. Il y a un curseur entre bien-être et mal-être au travail. Il se situe dans la simple prise en compte du fait que le travail n’a pas pour vocation de forger le bonheur des individus – il n’a pas non plus pour vocation de les détruire. Cet entre-deux, entre bien-être et mal-être, est un lieu d’hygiène et d’humour pour éviter les pièges de la toxicité potentielle du management et de l’hypertonicité du souci de bien-être.
Et puis il faut regarder la réalité droit dans les yeux : le travail réclame de la tension, de l’attention, de l’énergie, de la peine, de l’effort et de la concentration. Bien sûr, nous avons fait du chemin entre le travail comme punition, à la sortie du paradis terrestre du bien-être, et sa signification étymologique, tripalium (trépied) : instrument d’entrave pour animaux et esclaves. Mais de là à prôner le bien-être, il y a une mise en abîme dans laquelle il ne faut pas se précipiter. Le travail, comme le dit le commun des mortels, “il faut y aller, il faut s’y mettre” ! Il y a une saine tension, certes jouissive par moments, à se trouver contraint à se bagarrer avec une réalité, faite de personnes et de structures, qui nous résiste.
La méditation, puisque c’est la panacée du bien-être, contrairement à l’évasion heureuse qu’elle devrait produire, c’est aller au milieu (médi-) du champ de bataille et faire une statio (s’arrêter en silence) pour mieux affronter la bagarre. La bagarre de la vie au travail !
Le bien-être : une arnaque potentielle. Oser se confronter à la dureté du monde du travail : une vérité.
Parce que ce sont les responsables financiers qui commandent, parce que les organisations sont traversées par d’incessantes défibrillations d’organigrammes, parce que la gestion du changement est la réponse privilégiée face aux prévisions économiques incertaines.
Dans les organisations, les métiers sont dévalorisés au profit d’une superposition de managers qui, eux seuls, sont censés avoir un vrai métier ! Épaulés par d’improbables coachs, ils induisent des aménagements pour conforter leur pouvoir. Ainsi leurs subordonnés reçoivent-ils des missions interchangeables avec l’injonction de ne pas résister au changement. Ces managers sont eux-mêmes parfois victimes de ce qu’ils véhiculent.
Un courant pseudo-humaniste
Pour faire passer la pilule, les techniques de bien-être sont
appelées à combattre le mal-être provoqué par l’absence de considération
des personnes au travail. Il faut pallier le défaut d’écoute des chefs
par des espaces et des moments dédiés au renforcement de soi pour mieux
nager dans les nouveaux courants. Le bien-être au travail constitue
ainsi le dernier déguisement insidieux d’une nouvelle forme de
pouvoir faussement humaniste.De fait, ce courant pseudo-humaniste est très puissant. Le développement personnel (donc pas très solidaire, a priori) fait des ravages dans les magazines et sur les sites dédiés. Régime et méditation pour notre corps et notre cœur sont au service de notre cerveau siphonné par les employeurs. Tourne dans nos têtes notre vocation à atteindre le bonheur. Y compris et surtout au travail – qui, par l’importance qu’on lui donne, est la métaphore de la réussite de notre vie.
Le travail et le bien-être sont des pôles en tension et non en fusion. Il y a un curseur entre bien-être et mal-être au travail. Il se situe dans la simple prise en compte du fait que le travail n’a pas pour vocation de forger le bonheur des individus – il n’a pas non plus pour vocation de les détruire. Cet entre-deux, entre bien-être et mal-être, est un lieu d’hygiène et d’humour pour éviter les pièges de la toxicité potentielle du management et de l’hypertonicité du souci de bien-être.
De plus en plus de frustrations
Le bien-être au travail est délétère parce qu’il met trop haut la
barre des attentes individuelles. Si l’on me fait miroiter l’atteinte
aisée d’un sommet situé à 4 000 mètres d’altitude alors que je reste
croché à 3 000 mètres, même si c’est déjà bien, je constate qu’il manque
1 000 mètres. Le référentiel est créateur de frustration. Le bien-être
au travail est donc un stupéfiant qui induit du manque.Et puis il faut regarder la réalité droit dans les yeux : le travail réclame de la tension, de l’attention, de l’énergie, de la peine, de l’effort et de la concentration. Bien sûr, nous avons fait du chemin entre le travail comme punition, à la sortie du paradis terrestre du bien-être, et sa signification étymologique, tripalium (trépied) : instrument d’entrave pour animaux et esclaves. Mais de là à prôner le bien-être, il y a une mise en abîme dans laquelle il ne faut pas se précipiter. Le travail, comme le dit le commun des mortels, “il faut y aller, il faut s’y mettre” ! Il y a une saine tension, certes jouissive par moments, à se trouver contraint à se bagarrer avec une réalité, faite de personnes et de structures, qui nous résiste.
La méditation, puisque c’est la panacée du bien-être, contrairement à l’évasion heureuse qu’elle devrait produire, c’est aller au milieu (médi-) du champ de bataille et faire une statio (s’arrêter en silence) pour mieux affronter la bagarre. La bagarre de la vie au travail !
Le bien-être : une arnaque potentielle. Oser se confronter à la dureté du monde du travail : une vérité.