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mardi 3 mars 2015

PRESSE Anorexie Une pétition alerte François Hollande et Presentation du service de l'institut Monsouris


Santé : SOS anorexie Une pétition alerte François Hollande sur ce trouble de l’alimentation qui touche 600 000 personnes en France. Un service à l’écoute des ados malades nous a ouvert ses portes, à Paris.

Nathalie Godart est responsable de l’unité d’hospitalisation psychiatrique des adolescents à l’Institut mutualiste Montsouris, à Paris (14e).

Nathalie Godart est responsable de l’unité d’hospitalisation psychiatrique des adolescents à l’Institut mutualiste Montsouris, à Paris (14e). Capucine Bailly
Dix silhouettes frêles attendent, nerveuses, devant une porte vitrée. Der­­rière, des tables, des chaises, et le couvert dressé. Un réfectoire. C’est l’heure du déjeuner. Quelques retardataires, rechignant à rejoindre le groupe, se font désirer. Ici, les repas ne sont pas des fêtes, mais des moments de tension, où les patientes dissimulent parfois ce qu’elles refusent d’ingurgiter.

Les 32 lits de l’unité de psychiatrie de l’adolescent de l’Institut mutualiste Montsouris (IMM), à Paris (14e), accueillent deux tiers de patients atteints de troubles des conduites alimentaires (TCA), comme l’anorexie ou la boulimie. Aucun garçon ce jour-là, même s’ils représentent environ 10 % des malades. Ces structures sont si rares pour des maladies qui touchent 600 000 jeunes en France, que professionnels et patients* ont décidé d’en appeler au président de la République (lire la pétition ).
« A 93 %, nos patients bénéficient de soins en ambulatoire (soins qui nécessitent une hospitalisation d’une journée maximum, NDLR). Pour les 7 % restants, le séjour ici dure entre quatre et cinq mois, mais certains cas plus résistants peuvent rester plusieurs années dans le service », raconte le docteur Nathalie Godart, responsable de l’unité d’hospitalisation psychiatrique pour adolescents.
Un « contrat de poids » entre l’ado et les soignants
Séparé de sa famille afin de le couper du milieu où il a développé ses troubles, l’adolescent fraîchement arrivé se voit proposer ce qu’on appelle un « contrat de poids », en deux étapes. A partir de son poids d’entrée, il définit d’abord avec l’équipe soignante un seuil à atteindre pour être autorisé à revoir ses proches. Les cas les plus préoccupants sont équipés d’une sonde naso-gastrique, qui va du nez jusque dans l’estomac, quand l’alimentation par voie orale est encore trop difficile. Le deuxième poids, lui aussi fixé collégialement, permet le retour à la maison.
La phase de séparation, appelée à tort « isolement » car le patient n’est privé de contacts qu’avec sa famille, permet surtout une observation, assure le professeur Maurice Corcos, chef du service, qui rappelle que l’anorexie mentale ne doit pas être réduite à ses symptômes et qu’elle est avant tout une maladie psychiatrique : « L’anorexie est une pathologie du lien, une peur panique d’être dépendant des autres, qui conduit le sujet à s’effacer physiquement. » Mais pas question de culpabiliser l’entourage. Fini, le « c’est la faute des mères », autrefois brandi comme unique explication. « Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de savoir si la mère est coupable, mais pourquoi elle se sent coupable, poursuit Maurice Corcos. D’ailleurs, dès que vous abaissez le seuil de culpabilité des parents, le patient va mieux. » Ici, on met donc l’accent sur les thérapies familiales. « Un parent sans culpabilité, ça n’existe pas. Confier son enfant à des médecins, c’est accepter de se dire qu’on a échoué. Les troubles alimentaires transforment l’entourage en profondeur. Le patient n’est pas le seul à vivre sa maladie », explique Zorica Jeremic, psychologue du service. « Il faut gérer l’anorexie, l’éventuelle hospitalisation, mais aussi la guérison et le retour à table : les familles doivent trouver un nouvel équilibre », renchérit sa collègue Irène Kaganski.
L’art-thérapie, « la créativité contre la destructivité »
L’IMM mise également sur ce que les soignants appellent les « médiations culturelles et corporelles ». Plusieurs fois par semaine, une socio-­esthéticienne masse les patientes pour les aider à redécouvrir leur sensualité et les contours charnels de leur enveloppe, tandis que des plasticiennes animent des séances d’art-thérapie. Sentir le volume, la matière, réapprendre à aimer les formes, lâcher prise. « Les pa­­tientes mettent du temps à retrouver la 3D et à donner du relief à leurs modelages. Quand elles lâchent la 2D, c’est bon signe », explique Barbara Maison, responsable d’un atelier. Une dizaine de patientes s’affairent autour d’une grande table, de blocs de terre glaise, et de flacons de peinture. Pendant quatre-vingt-dix minutes, elles laissent libre cours à leur expression, sans aucun objectif de performance. « C’est la créativité contre la destructivité », résume le professeur Corcos. A un contrôle absolu de son corps, on substitue une évasion artistique dénuée de compétition. Les créations, posées sur une étagère, suggèrent des chatons, des oiseaux, tantôt des cœurs brisés ou des corps étrangement agencés. « On a parfois des trucs durs, comme des pendus », reconnaît Barbara.
La mortalité des jeunes touchés par les TCA est entre six et douze fois plus élevée que chez le reste de la population. Les suicides sont à l’origine de la moitié des décès. Pour Maurice Corcos comme pour Nathalie Godart, le problème trouvera d’abord sa solution dans le dépistage. Ils l’assurent tous deux : plus le diagnostic est précoce, plus le pronostic est favorable.
*Fédération nationale des associations liées aux troubles du comportement alimentaire (FNA-TCA) et de l’Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (Afdas-TCA).signes qui doivent alerter

Marcel Rufo, pédopsychiatre
« Une perte rapide de 5 kilos chez un adolescent mérite déjà un avis médical », prévient le professeur Marcel Rufo, pédopsychiatre à l’hôpital de La Timone, à Marseille.Il n’est pas normal de voir en consultation uniquement des anorexiques malades depuis des années. Il faut dire aux parents “Vous n’aurez jamais consulté trop tôt” et leur rappeler que la pédopsychiatrie, ce n’est pas dangereux ! »

Voici les quatre signes qui, selon lui, doivent alerter l’entourage :

« Un régime qui réussit trop bien, qui est surinvesti et accompagné d’un comportement rigoriste ou d’un trop grand ascétisme. A cet âge-là, un régime, c’est presque fait pour échouer ! »

« Une sorte de tristesse, un manque d’attrait pour les autres et une absence d’intérêt pour ses activités habituelles. Il faut se préoccuper d’un adolescent un peu ‘’frigidifié”. »

« La vision faussée du corps : ces jeunes ne se trouvent jamais assez maigres et ne se voient plus. »

« Lorsque le régime devient une personne à part entière dans la cellule familiale, qu’il s’invite dans les relations, avec son lot de manipulations et de dissimulations, on doit vraiment s’inquiéter. »

> Anorexie Boulimie info-écoute : 0 810 037 037 (Numéro Azur: prix d’un appel local).