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mardi 13 mai 2014

LUXEMBOURG ARTICLE PRESSE Plus de suicides que de morts sur la route

Plus de suicides que de morts sur la route
article du 7/05/2014 http://www.lessentiel.lu/fr/news/story/31075562

LUXEMBOURG - On recense en moyenne 80 suicides et 1 600 tentatives par an au Luxembourg. Un acte qui est loin de toucher uniquement les personnes atteintes de troubles psychiques.

Souvent, il s’agit de personnes surchargées au travail ou fragilisées après un traumatisme, explique le médecin. (Photo: dr)
La première cause de décès chez les adultes de 18 à 40 ans, ce ne sont pas les accidents de la route, ni le cancer, ou encore l'alcoolisme. C'est le suicide. Au Luxembourg, une personne se suicide en moyenne tous les quatre jours et demi. Le nombre de tentatives est encore plus choquant. On compte en général 20 tentatives par suicide accompli, soit 1 600 par an, ce qui équivaut à près de cinq tentatives de suicides par jour.

Pour mieux comprendre ce geste de détresse, L'essentiel a contacté le Dr Paul Hédo, psychiatre au CHL. «L'expérience montre que beaucoup de personnes qui optent pour un tel acte ont récemment vécu une rupture sentimentale. Personne n’est vacciné contre la dépression». Autre facteur à risque, les vulnérabilités qui se développent dans l’enfance et qui ne doivent pas être sous-estimées. «Des personnes qui ont manqué dans l’enfance de stabilité émotionnelle ou victimes de négligences ou d'abus, sont moins bien équipées pour surmonter les épreuves difficiles de la vie, estime le Dr Hédo. Dans le cadre d’une crise suicidaire, un trouble mental est souvent diagnostiqué, mais une personne qui fait une tentative n’est pas forcément un malade mental».

Prise en charge parfois inadaptée

Parfois, une goutte d'eau suffit pour faire déborder le vase, comme indique Fränz D’Onghia, docteur en psychologie chez Prévention suicide. «Pour les personnes vulnérables, l’instabilité mentale peut par exemple être déclenchée par le stress et elles peuvent soudain se sentir très abattues et déprimées. Alors, il suffit parfois d’un petit incident ou d’un accroc avec la voiture…», explique-t-il.
Un autre souci pointé du doigt par le spécialiste est le défaut de compréhension chez le personnel soignant. «Il faudrait que les professionnels du secteur de santé, notamment les généralistes, soient mieux informés afin qu’ils aient la possibilité d’intervenir en cas de crise suicidaire», estime le psychologue. Les chiffres avancés par Fränz D’Onghia en témoignent: 50% des personnes voient un généraliste dans les semaines qui précèdent la tentative de suicide.

Trop de stigmatisation

La prise de rendez-vous chez un psychologue ou un psychiatre peut s’avérer très longue. «Il arrive souvent qu’on vous dise que le prochain rendez-vous n’est possible que dans deux mois», regrette Fränz D’Onghia. Il serait en plus nécessaire de standardiser la prise en charge. «Actuellement, elle dépend trop des hôpitaux. Vous n’avez pas forcément la même prestation que vous soyez au CHEM, à la Sainte-Zithe ou à Ettelbruck», souligne-t-il. Selon le Dr Hédo, certains hôpitaux pourraient avoir plus de personnel. «Tout ne fonctionne pas de manière optimale, concède-t-il. Actuellement, nous ne pouvons pas donner un rendez-vous à tout le monde, alors que des prises en charge - au-delà de l'état de crise - sont certainement indiquées», concède le psychiatre.
Un problème auquel entend remédier Xavier Bettel, qui a annoncé lors de son discours sur l’état de la Nation vouloir faire face à ce «grand défi dans le domaine de la santé». C'est dans cet objectif que l'association Prévention suicide est en train d’élaborer de nouvelles mesures avec le ministère de la Santé. Leur projet devrait être déposé avant l’été afin d'améliorer la rapidité de la prise en charge, la formation du personnel, la coordination entre les services et la standardisation des procédures.
La stigmatisation des troubles psychiques comme les dépressions, le burnout ou le suicide, continue également à poser problème. Elle peut ainsi constituer un frein. Le Dr Hédo avoue: «Je me suis récemment demandé combien de personnes participeraient à un «Télévie» pour la schizophrénie. Certainement pas beaucoup. Mais c’est une maladie qui touche 0,5% à 1% de la population, donc 2 500 à 5 000 personnes au Luxembourg, et il existe un risque de suicide au long cours, qui n’est pas non négligeable».
(Laurence Bervard/L'essentiel)