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mardi 19 février 2013

PRESSE : interviews sur la question des immolations par le feu

- Interview : Roland Coutanceau, psychiatre, expert, chargé d'enseignement en psychiatrie et psychologie légales à l'université Paris V Extrait de l'article "Immolations par le feu : la troublante série noire" suicide du 18/02/2013 sur ladepeche.fr
- Interview : Gaëlle Encrenaz est docteur en épidémiologie Article "Tentatives de suicide par le feu : l'effet de contagion" du 17/02/2013 sur sudouest.fr
- Interview de Xavier Pommereau, psychiatre article u Une volonté de s’afficher comme un martyr »  du 16/02/2013 sur lejsl.com
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Interview du Professeur Jean-Pierre Soubrier, psychiatre et expert à l'OMS. du 15 février 2013 lci.tf1.fr

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Extraits de l'article "Immolations par le feu : la troublante série noire" suicide du 18/02/2013 sur
http://www.ladepeche.fr/article/2013/02/18/1563576-immolations-par-le-feu-la-troublante-serie-noire.html

" Interview : Roland Coutanceau, psychiatre, expert, chargé d'enseignement en psychiatrie et psychologie légales à l'université Paris V

«Un acte extrême de revendication»

Les cas d'immolation se multiplient ces derniers jours, qui ne font pas partie pourtant de notre «culture» ?
En soi, pourquoi se brûler ? L'immolation est un suicide particulièrement violent, particulièrement douloureux, très spectaculaire. Si on le compare au médicament, manière la plus «soft» de mettre fin à ses jours, ou à l'arme à feu dont le résultat est radical mais ponctuel, ou encore à la pendaison, on voit que dans l'immolation, il y a quelque chose de très fort, qui traduit aussi le risque d'une souffrance dirigée contre soi-même. Dans le champ social, l'immolation est un mode suicidaire à part, extrêmement particulier, tout simplement parce qu'il s'adresse à ceux qui restent, aux vivants. Au fond, ça nous choque, ça nous impressionne d'autant plus que c'est un type de suicide qui ne prévient pas, qu'on rejette pour soi-même parce qu'on le sait très douloureux. Celui qui s'immole choisit de laisser un message très fort, c'est une manière radicale de marquer les esprits, comme un message qui se manifeste aussi par une agressivité tournée vers ceux qui restent. La méthode employée est volontairement marquante, impressionnante, très revendiquante par la manière d'interpeller ses proches et la société tout entière.
Peut-on considérer qu'il y a eu un effet fatal de contagion ?
Quand il s'agit d'un suicide commis «dans la Cité», la démonstration suicidaire peut faire effectivement écho à des événements qui se sont déroulés récemment, inspirés par une actualité très médiatisée dans le champ social. Reste que le recours à l'immolation est en principe rare. L'acte même d'immolation n'est nullement dans notre culture comme dans la tradition bouddhiste.
Selon vous, il existe plusieurs clés variables selon les cas de suicide ?
Il existe en effet plusieurs clés qui peuvent ensuite s'entremêler. Il faut se demander d'abord si la personne souffre d'une dépression clinique qui peut porter à une tentative de suicide. Il faut s'interroger sur les facteurs d'ordre privé, séparation ou menace de séparation conjugale, distension familiale… Tout comme il faut savoir si le suicide doit être interprété comme un signal de mal-être professionnel. Tous ces facteurs vont se combiner avec des intensités différentes selon les cas.
Recueilli par J.-M.D"

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Tentatives de suicide par le feu : l'effet de contagion Publié le 17/02/2013 Par Jean-Pierre Tamisier sur http://www.sudouest.fr/2013/02/17/un-effet-de-contagion-969078-1391.php

L'épidémiologiste Gaëlle Encrenaz analyse les tentatives de suicide par le feu survenues cette semaine.

Gaëlle Encrenaz est docteur en épidémiologie.

Gaëlle Encrenaz est docteur en épidémiologie. (Photo DR/Tonino Crapiz)

Cinq suicides ou tentatives de suicide par le feu ont eu lieu au cours de la semaine qui vient de s'écouler. Il y a eu l'acte désespéré d'un chômeur en fin de droits à Nantes ; la tentative d'un sans-abri, maîtrisé à temps, à Beaune ; celle d'un homme de 49 ans, brûlé au second degré, à Saint-Ouen ; celle d'un gérant de magasin sur le parking de son entreprise, lui aussi grièvement brûlé, en Savoie ; et enfin l'adolescent de 16 ans qui a pu être sauvé par ses copains, vendredi, au collège Albert-Camus de La Rochelle.
Gaëlle Encrenaz, docteur en épidémiologie, post-doctorante au Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, à l'université Bordeaux 4, a longuement étudié la question du suicide. À propos de ces drames, elle parle plutôt de « contagion » et évoque un lien entre suicide et médias.
1. L'effet Werther
« Concernant la série de suicides ou de tentatives par immolation de ces derniers jours, il est difficile de parler d'épidémie à ce stade. En revanche, on peut évoquer le phénomène de "contagion suicidaire", terme emprunté aux maladies infectieuses, également appelé "effet Werther". En 1774 paraissaient "Les Souffrances du jeune Werther", premier roman de Goethe, où le héros décide de mettre fin à ses jours. Il eut un succès incroyable et déclencha la "fièvre Werther". Une identification s'est développée chez les jeunes autour de ce personnage. Malheureusement, l'imitation ne se limita pas aux choix vestimentaires, puisque la parution du roman fut suivie d'une vague de suicides. Le sociologue américain Phillips a le premier utilisé l'expression "effet Werther", en 1974, pour qualifier le phénomène de contagion suicidaire "selon lequel la médiatisation d'un suicide célèbre entraînerait une augmentation du nombre de morts volontaires dans la population". »
2. Épidémiologie et suicide
« L'épidémiologie est l'étude de la répartition des problèmes de santé dans les populations et des facteurs qui y sont associés dans le but d'améliorer les prises en charge et les stratégies de prévention. Plusieurs de ses méthodes ont été utilisées pour étudier la contagion suicidaire. Certains chercheurs étudient directement l'impact des médias sur les personnes qui y sont exposées. Mais la méthode la plus fréquente est l'analyse des séries statistiques de cas de suicide à la suite d'un décès médiatisé. Une étude menée par Raphaëlle Queinec pour sa thèse de médecine à partir des données du centre Inserm chargé de recenser les causes médicales de décès en France a permis de mettre en évidence un tel effet de contagion. »
3. L'influence des célébrités
« À partir de la liste des personnes célèbres décédées par suicide proposée par Wikipedia, nous avons sélectionné les six célébrités les plus citées dans les moteurs de recherche francophones. Nous avons cherché à savoir si ces décès étaient suivis d'une hausse du nombre de suicides en France. Nous avons montré son augmentation après la disparition de Kurt Cobain et de Pierre Bérégovoy. Nous avons également observé un effet chez les 45-59 ans après le décès de Dalida et, uniquement chez les femmes, après celui de Sœur Sourire. En revanche, aucune modification n'a été observée après la mort de Nino Ferrer etcelle de Gilles Deleuze… »
4. Les médias et le suicide
« Les différences de résultats en fonction des célébrités peuvent s'expliquer par leur personnalité mais aussi par la manière dont le décès a été traité par la presse. L'International Association of Suicide Prevention (IASP), dépendant de l'Organisation mondiale de la santé, a édité des guides pratiques à l'intention des journalistes, donnant des recommandations pour traiter un cas de suicide. Malheureusement, elles restent peu connues dans la profession.
Tout d'abord, une attention particulière devrait être portée à la manière de présenter ces drames dans les articles. Mais cela n'est pas suffisant. La contagion suicidaire à elle seule ne permet pas d'expliquer leur succession, et d'autres facteurs de risques sont à rechercher. On peut imaginer que la médiatisation des cas de suicide a été l'élément déclencheur du passage à l'acte, alors que d'autres sources de vulnérabilité étaient présentes.
Les cinq événements de la semaine passée illustrent bien les efforts qu'il faut encore fournir en matière de compréhension de ces processus et de prévention du suicide, du repérage de la détresse à sa prise en charge.

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« Une volonté de s’afficher comme un martyr »
le 16/02/2013 
le http://www.lejsl.com/saone-et-loire/2013/02/16/une-volonte-de-s-afficher-comme-un-martyr

Le désespoir et la volonté de s’afficher comme un martyr sont les deux ressorts de l’immolation par le feu, selon le psychiatre Xavier Pommereau, qui dirige le pôle aquitain de l’adolescent au CHU de Bordeaux.
Pourquoi s’immole-t-on par le feu ?
« C’est une façon d’exploser à la face du monde son désespoir, c’est une revendication identitaire renvoyée aux autres de façon spectaculaire. Comme dans tout acte suicidaire, c’est un moyen d’échapper à un malheur, de mettre fin à ses tourments, mais ce n’est pas seulement cela. C’est aussi faire exister sa cause en l’affichant, en forçant les autres à la recevoir et donc à la reconnaître. C’est l’un des moyens les plus violemment revendicateurs d’une cause quelle qu’elle soit et la volonté de s’afficher comme un martyr. La personne qui se suicide veut impressionner à jamais ceux qui restent pour qu’ils ne l’oublient pas et qu’ils la fassent exister davantage morte que vivante. Cette revendication existentielle, voire sacrificielle, est encore plus nette dans les suicides spectaculaires, comme les immolations par le feu mais aussi lorsqu’on se suicide d’une balle dans la tête au milieu du salon, avec de la cervelle partout. Tout suicidaire est en quelque sorte un terroriste qui s’ignore, celui qui s’immole par le feu n’est pas très loin du kamikaze qui se fait exploser sur un marché. […] »
Quelle est la différence avec les autres types de suicides ?
« L’immolation est le suicide le plus douloureux qui soit, c’est un acte qu’on retrouve souvent dans les contestations politiques en Chine, en Grèce ou encore dans le cas de Jan Palach (un étudiant tchèque qui s’était immolé par le feu en 1969 pour protester contre l’entrée des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie). Le lieu est important pour faire valoir sa cause. Le chômeur qui s’immole devant Pôle emploi adresse un message très direct à Pôle emploi et par-delà à l’État pour ne pas lui avoir trouvé de travail. Il en va de même lorsqu’un adolescent s’immole par le feu dans un établissement scolaire, devant tout le monde pour qu’il y ait un maximum d’effet. »


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Suicide : le "désespoir économique" est un risque supplémentaire

Société

L'immolation par le feu de demandeurs d'emploi mercredi à Nantes et vendredi à Saint-Ouen pointe la nécessité d'une prise en charge davantage psychosociale que médicale des chômeurs, estime le Professeur Jean-Pierre Soubrier, psychiatre et expert à l'OMS.
Un homme "très seul" et sans emploi a tenté de s'immoler par le feu en pleine rue vendredi à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, deux jours après la mort d'un chômeur en fin de droits qui s'était suicidé de cette manière devant un Pôle emploi à Nantes. Le président François Hollande avait exprimé après ce drame "une émotion toute particulière", tout en écartant toute responsabilité du service public de l'emploi. 
Pour le Professeur Jean-Pierre Soubrier, psychiatre et expert en suicidologie à l'OMS, ces suicides pointent la nécessité d'une prise en charge davantage psychosociale que médicale des chômeurs, une population souvent en désespoir économique.
TF1News : Que signifie se suicider par immolation ?
Pr. Jean-Pierre Soubrier : Cette méthode est une destruction ultime et définitive du corps. Ces personnes nous disent qu'elles ne veulent plus faire partie de la société. Par ailleurs, ce mode de suicide est plus courant chez les personnes schizophrènes et d'après les premières informations ces personnes ne sont pas connues comme étant malades. C'est aussi extrêmement grave car ce suicide, typique de l'Asie, reste exceptionnel en Occident. Il faut donc faire attention car il y a un risque de contagion et d'imitation chez les personnes qui sont au bout du rouleau avec l'hypermédiatisation de ces suicides.
TF1News : Le suicide est-il courant chez les chômeurs ?
Pr. J-P S. : Plusieurs facteurs mènent au suicide. Mais il existe un risque supplémentaire chez les personnes en désespoir économique, comme les chômeurs ou les migrants, des populations qui sont dans une situation de fragilité et de vulnérabilité. Il suffit qu'une personne sensible devienne vulnérable en étant dans une situation économique difficile pour que cela la conduise à un acte de désespoir qui se transforme en acte suicidaire. Une faillite, un chômage, ou comme on en parle de plus en plus la situation économique des personnes âgées, peut entraîner un acte suicidaire.
TF1News : Quelle peut être la prévention pour ces personnes ?
Pr. J-P S. : On est à l'état zéro de la prise en charge de ces populations en France. Ces gens ne sont pas des malades mentaux donc la société ne prend pas en compte leur désespoir. Il n'existe pas assez de structures pour prendre en charge cette population suicidaire et dépressive alors que c'est un problème de santé publique, pas de santé mentale. On est dans une pathologie psychosociale, pas médicale. Ce ne sont pas des hôpitaux psychiatriques qu'il leur faut, c'est une écoute, du soutien et du réconfort car tout ce qui est strictement médical n'est pas adapté à leur situation. Les gouvernements doivent dire que la prévention du suicide est une réalité et que le suicide est l'affaire de tous. Il serait donc temps d'arrêter de faire du suicide un sujet tabou.