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mardi 17 juillet 2012

ARTICLE PRESSE : Suicides et accidents sur le rail: des conducteurs préparés mais pas épargnés

Suicides et accidents sur le rail: des conducteurs préparés mais pas épargnés
Nouvel Observateur 17-07-2012
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20120717.AFP3058/suicides-et-accidents-sur-le-rail-des-conducteurs-prepares-mais-pas-epargnes.html

Face à l'accident de voyageur - très souvent un suicide - sur les voies du métro ou de la SNCF, les conducteurs sont formés pour parer à l'urgence mais bénéficient aussi de dispositifs pour surmonter cette situation traumatique, dont ils ont été acteurs malgré eux.

"Tous les accidents ne sont pas égaux, certains sont plus impressionnants que d'autres, mais il y a toujours un avant et un après", raconte à l'AFP Sylvie Teneul, responsable du Pôle de soutien psychologique à la SNCF.

A la RATP, Luc Roumazeille, en charge de l'Institut d'accompagnement psychologique et de ressources (IAPR), explique que "parfois l'impact est mesuré et dans d'autres cas, il y a littéralement un effondrement".

Sur le réseau RATP, environ 75 tentatives de suicide sur les voies sont enregistrées chaque année: la moitié sur le RER, l'autre moitié dans le métro.

A la SNCF, qui fait circuler des trains sur 32.000 km de voies dans l'Hexagone, un peu moins de 400 accidents voyageurs mortels surviennent tous les ans.

Le week-end dernier, un TGV a percuté de nuit près de Lorient trois hommes, dont deux sont décédés. Dimanche, toujours dans le Morbihan, un train Corail a percuté une personne: à priori, c'était un suicide.

Au-delà de l'arrêt de la circulation et de la désorganisation du trafic à gérer, se pose le problème de la prise en charge des conducteurs.

Depuis une vingtaine d'années, le thème est abordé dès leur formation initiale, via l'aspect technique (freinage, sécurisation du train, alerte au centre de régulation) et l'aspect psychologique.

"On ne se prépare pas à ce genre d'événement mais on peut essayer d'intégrer la possibilité d'y être confronté", souligne Luc Roumazeille.

Sylvie Teneul indique: "on peut expliquer comment on réagit à ça et le sens des procédures entourant l'accident, qui peuvent être lourdes".

"Grand moment de solitude pour le conducteur"

Après l'arrêt du train et une fois l'alerte donnée, à la RATP, "dans la minute, l'encadrement descend sur le quai et prend en charge le conducteur (...) pendant que les interventions des secours se font".

A la SNCF, où le réseau est bien plus immense, les accidents peuvent survenir en rase campagne. Le conducteur doit aller constater lui-même l'accident, notamment pour voir si le corps n'a pas été projeté sur une autre voie.

"C'est un grand moment de solitude pour le conducteur", note Sylvie Teneul, même s'il est parfois accompagné d'un contrôleur.

"Il y a le face-à-face avec la mort qui rappelle notre propre condition de mortel et aussi l'accès à une intimité du corps qu'on n'est pas censé avoir", poursuit la psychologue.

Arrivent ensuite pompiers et forces de l'ordre, et, le plus rapidement possible, un cadre SNCF d'astreinte qui va accompagner le conducteur.

La déposition au commissariat est "un moment difficile", note Sylvie Teneul. L'agent sera reconduit chez lui et le dispositif en place rappelé: permanence téléphonique 24h/24 avec un psychologue, possibilité de rendez-vous en face-à-face, visite au médecin du travail, entretien avec son responsable avant la reprise.

Le but est de faire "un état des lieux des ressources de la personne" car l'événement aura un impact psychologique différent en fonction du contexte personnel.

"L'idée, c'est un accompagnement à la reprise le plus rapidement possible pour ne pas bloquer, mais il y a des situations où il faut quelques jours d'arrêt", note Luc Roumazeille.

Lors des entretiens, "le conducteur dit souvent +j'ai tapé+, on lui apprend à dire +le train a tapé+", explique Sylvie Teneul.

Dans de rares cas, il peut y avoir une impossibilité à reconduire. Une inaptitude provisoire sera d'abord prononcée, avant un éventuel reclassement dans l'entreprise.