Marseille
Santé mentale : "une ambiance sécurisante", comment accompagner autrement avec ce lieu alternatif à l'hôpital psychiatrique unique en France
Loin de l'ambiance d'un service hospitalier, ce Lieu est une "maison" pour aller mieux... • © Melanie Philips / France Télévisions
Écrit par Mélanie Philips Publié le10/10/2025 https://france3-regions.franceinfo.fr/*
Au cœur de Marseille, un lieu unique en France propose une alternative à l’hospitalisation psychiatrique : le Lieu de répit. Écoute, bienveillance et vie collective remplacent les blouses blanches pour accompagner autrement la crise psychique.
Dans le grand monde de la psychiatrie, un lieu à part et unique en France existe : le Lieu de répit. Au cœur du 1ᵉʳ arrondissement de Marseille, une façade se démarque. Au numéro 85 de la rue Jean de Bernardy, une Voie lactée dessinée et "lieu de répit" inscrit en blanc au milieu des étoiles.
Le Lieu de répit, un endroit unique en France et une alternative à l'hôpital psychiatrique. • © Mélanie Philips/FTV
L'écoute et l'accompagnement
Dans ce lieu d’hébergement temporaire, une alternative à l’hospitalisation psychiatrique, pas de blouse, pas de médicaments. On n’est pas non plus dans une volonté de guérison, mais plutôt dans une logique de rétablissement. "On ne va pas chercher à faire disparaître la pathologie, mais plutôt à mieux vivre avec ses troubles", détaille Léo Cloarec, coordinateur de la structure. Dès leur arrivée, un entretien a lieu durant lequel le plan de prévention est détaillé. "Pendant cet entretien, on les questionne sur les signes annonciateurs de crise ou les signes de mal-être chez eux qu'ils auraient identifié", détaille Charlotte.
Charlotte, membre de l'équipe soignante. • © Melanie Philips / France Télévisions
Au total, onze personnes travaillent au lieu de répit. Charlotte est l’une d’elle, que l’on appelle intervenants en santé mentale communautaire. Âgée de 32 ans, a intégré la structure il y a deux ans et demi. Assise dans le canapé kaki de la salle de réunion, elle détaille les axes principaux de son activité professionnelle. La jeune femme explique que l’une des missions principales est d'accompagner la crise. Et cela passe notamment par un temps d’écoute important. Elle ajoute : "L'idée, c'est d'être là. Et rien que ça, ça fait beaucoup. Beaucoup de personnes disent qu’en institution hospitalière, par manque d'effectif, souvent, ils n’ont pas beaucoup de personnel qui a vraiment le temps de rester et d'être là pour être à côté d'eux quand ça ne va pas."
"Une ambiance chaleureuse, sécurisante, agréable"
Chaque semaine, un entretien est réalisé afin de mettre en place un plan d’action et de fixer des objectifs à réaliser. Il s’inscrit dans le concept de rétablissement. Une bonne partie du job tourne aussi dans "l’animation de la maison", "faire en sorte faire en sorte qu’il y ait toujours une ambiance chaleureuse, sécurisante, agréable, que ce soit un lieu d'accueil où on se sente bien et où il y ait de la vie." Des activités sont également proposées : sortie à vélo, atelier d'écriture, dessiner, aller au Frioul… Un vaste travail se fait aussi autour de l’intendance de la maison. "Ici, il n’y a pas de cuisinier, pas de personne qui vient faire le ménage ou qui gère le bâtiment. C'est nous qui faisons tout avec les personnes accueillies." Pour ne pas se laisser déborder, chaque dimanche, les menus sont réfléchis et les tâches réparties (courses, préparation des repas, ménage…).
L’accompagnement est donc composé de temps collectifs (repas, activités, rencontres, réunions) et individuels (soutien personnalisé au rétablissement, aide aux démarches, accompagnement en santé).
On accueille des personnes en situation dite de crise psychique. C'est-à-dire une période pendant laquelle leur état psychique fait que c'est trop compliqué de se maintenir dans leur lieu de vie habituel.
Charlotte, membre de l'association
"Ici, elles ont un statut de personnes, pas de patients"
Il y a aussi les travailleuses paires. Ce sont des personnes qui vivent ou ont vécu avec un trouble, qui ont été usagères du système de psychiatrie, qui sont aujourd'hui stabilisés et se servent de leur expérience. "Ces ex-usagers du système de soins en psychiatrie qui aujourd'hui sont stabilisés ont des compétences qui sont essentielles pour nous, ajoute Léo Cloarec, coordinateur de la structure. Elles peuvent avoir des relations différentes, de part des parcours qui peuvent être similaires, des troubles qui peuvent parfois être les mêmes. Ces partages d'expériences sont intéressants." Mais elles ont aussi, grâce à leur vécu, un outillage utile au reste de l’équipe.
Si les personnes accueillies sont très différentes, de par leur milieu, leur profil, leur personnalité ou leur vécu, elles ont toutes un point commun : elles traversent une période difficile psychologiquement. Et la priorité pour les intervenants, c’est bien de considérer les accueillis comme des personnes et l’humain est au cœur de la prise en charge, le tout accompagné de bienveillance. "Souvent dans les structures qui prennent en charge la santé mentale, les personnes ont un statut de patient. Ici, elles ont un statut de personnes, poursuit Charlotte. Il n’y a pas d'autres étiquettes que le fait que ce soit des personnes. Je pense que rien que ça change pas mal de choses."
Des limites à la prise en charge
Cependant, Léo soulève les limites du dispositif. Il faut que les personnes aient un relatif degré d'autonomie, qui n’y ait pas de risque de passage à l'acte violent sur autrui, et un risque gérable de passage à l'acte violent sur soi-même. Leur matière de travail étant la relation. Il faut des personnes en capacité de rentrer en relation avec eux. "Nous ne pouvons pas accueillir les personnes avec qui on ne peut pas rentrer en relation, ou entretenir une relation, car leur état de crise ne le permet pas", souligne de coordinateur. Il ajoute également que les personnes doivent être volontaires pour participer à une vie communautaire.
Léo souligne qu’ils sont en lien permanent avec les équipes soignantes qui prennent en charge les personnes accueillies. "A la fois pour leur donner nos observations sur l’aspect quotidien, qu’ils n’ont pas toujours, mais aussi pour fluidifier et garantir le parcours de soin, afin d’éviter la rupture. Car la rupture des soins est un vrai fléau."
Une alternative à l'hospitalisation
Ce lieu d’hébergement temporaire, une alternative à l’hospitalisation psychiatrique. Il cherche à démontrer que l’accompagnement alternatif à la résolution de la crise psycho-sociale, dans un espace comme celui-ci, diminue à court terme, pour les personnes bénéficiaires, le nombre et la durée d’hospitalisations, ainsi que les impacts négatifs d’expériences de soins contraints.
Inspiré du modèle
Soteria House, à Chicago, l’objectif est de le tester à Marseille, dans l’objectif de le déployer partout dans l’hexagone, à terme. Les personnes accueillies arrivent majoritairement sur avis médical et sont orientés, la plupart du temps, par les équipes mobiles psychiatrique. La première arrivée ouvre le droit à trois mois d’accueil au Lieu de répit sur l’année en cours, dans ce bâtiment de quatre étages. Depuis le mois d’avril 2022 le Lieu de Répit fait l'objet d'un Programme de Recherche sur la Performance des Systèmes de Soins (PREPS) mené par une équipe multidisciplinaire de chercheuses et chercheurs de l'AP-HM et sous la direction du Pr Laurent Boyer du Laboratoire de Santé Publique de l'Université d'Aix-Marseille.
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